César Vallejo | Chapeau, Manteau, Gants

« Poésie d’un jour



Cafe de la Regence
Paris : Le Café de la Régence, en 1900







CHAPEAU, MANTEAU, GANTS



En face de la Comédie-Française, se trouve le Café
de la Régence ; il y a là une salle
cachée, avec un fauteuil et une table.
Lorsque j’entre, la poussière immobile est déjà debout.

Entre mes lèvres faites liège, le bout
d’une cigarette fume, et dans la fumée l’on voit
deux intenses fumées, le thorax du Café,
et dans le thorax un oxyde profond de tristesse.

Il importe que l’automne se greffe sur les automnes,
il importe que l’automne s’intègre dans les bourgeons,
le nuage dans les semestres ; dans les pommettes, la ride.

Il importe de passer pour fou en postulant
que chaude est la neige, fugace la tortue,
simple le comment et le quand fulminant !



César Vallejo, Poèmes Humains in Europe, revue littéraire mensuelle, novembre-décembre 2017, n° 1063-1064, page 23. Traduit de l’espagnol par Florence Delay.







Vallejo







SOMBRERO, ABRIGO, GUANTES



Enfrente a la Comedia Francesa, està el Cafè
de la Regencia ; en él hay una pieza
recóndita, con una butaca y una mesa.
Cuando entro, el polvo inmovil se ha puesto ya de pie.

Entre mis labios hechos de jebe, la pavesa
de un cigarrillo humea, y en el hume se ve
dos humos intensivos, el tórax del Café
y en el tórax, un óxido profundo de tristeza.

Importa que el otoño se injerte en los otoños,
importa que el otoño se integre de rotoños,
la nube, de semestres ; de pómulos, la arruga.

Importa oler a loco postulando
¡qué calida es la nieve, qué fugas la tortuga,
el cómo qué sencillo, qué fulminante el cuándo !



César Vallejo, Poemas humanos (1923-1938), Les Éditions des Presses modernes, Au Palais Royal, juillet 1939. Supervision de Georgette Marie Philippart.





CÉSAR VALLEJO


Vallejo-portraitpicasso1
Pablo Picasso, Portrait posthume
de César Vallejo,
1938





■ Voir aussi ▼

→ (sur Esprits Nomades)
César Vallejo, Une alchimie de l’incandescence et de la révolte
→ (sur le site de Libération)
Vallejo, Valse trilce, par Philippe Lançon





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