Philippe Salus / Poèmes pour ne pas dormir

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Photographie de Bruno Grégoire  source 

 

 

 

 

 

Réclusion

 

Enfermé dans la petite chambre bleu et blanc,
il ouvre des livres de poèmes qu’il ne lira pas
et qui traîneront à terre jusqu’au départ.
Il lit et relit ses lettres, longues lettres à l’encre verte sur du papier quadrillé.
Il est question de Paris et du mois d’août
(terrasses bruyantes de Saint-Germain-des-Prés où se mélangent les langues,
lentes avenues désertes à l’ombre des paulownias ;
mais ce ne sont pas des paroles, ce sont des mots
et entre ces mots pudiques glissent les gestes blancs de son long corps inconnu).

 

Avant : le cœur ouvert dans la chaleur du labeur tanné de juillet,
le mistral et le rire preux des amis,
la vigueur tremblante de la lumière au midi.
Maintenant : les chansons rugueuses des cigales,
le chœur des chaleurs sans plus de délicatesse aux baumes du couchant.

 

Vois ! Sur le gravier de la nuit fuit encore un scorpion
dont il faudra clouer le dard au cul de l’histoire.

 

Admire plutôt – mais tiens-toi à distance et contourne le labyrinthe !
Dans la petite chambre bleu et blanc,
le gros livre reçu ce matin fait son office :
pour qui sait se parer du sempiternel sésame,
ses mots mènent droit au Royaume des Morts, avec pour tout bagage
ce titre L’objet perdu de l’amour.

 

Sache : le cœur épure ses cryptes furieuses
pour lesquelles tu n’auras droit à meilleur sauf-conduit.

 

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Philippe Salus, « Poèmes pour ne pas dormir » in Poèmes pour ne pas dormir, Photographies de Bruno Grégoire, vignette de Gérard Titus-Carmel,
Le Carré des lombes, Obsidiane 2024, pp.47, 48

 

 

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