Jorge Luis Borges | Labyrinthe

« Poésie d’un jour »



Labyrinth 1
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                         LABERINTO



No habrá nunca una puerta. Estás adentro
y el alcázar abarca el universo
y no tiene ni anverso ni reverso
ni externo muro ni secreto centro.
No esperes que el rigor de tu camino
que tercamente se bifurca en otro,
que tercamente se bifurca en otro,
tendrá fin. Es de hierro tu destino
como tu juez. No aguardes la embestida
del toro que es un hombre y cuya extraña
forma plural da horror a la maraña
de interminable piedra entretejida.
No existe. Nada esperes. Ni siquiera
en el negro crepúsculo la fiera.




Jorge Luis Borges, Elogio de la sombra [1967-1969], in Obras Completas, Buenos Aires, Emecé Editores, 1989, vol. II, pág. 364.







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                    LABYRINTHE



Il n’y a pas de porte. Tu y es
Et le château embrasse l’univers
Il ne contient ni avers ni revers
Ni mur extérieur ni centre secret.
N’attends pas de la rigueur du chemin
Qui, obstiné, bifurque dans un autre,
Qu’il ait une fin. De fer est ton destin
Comme ton juge. N’attends pas l’assaut
Du taureau qui est homme et dont, plurielle,
L’étrange forme est l’horreur du réseau
D’interminable pierre qui s’emmêle.
Il n’existe pas. N’attends rien. Ni cette
Bête au noir crépuscule qui te guette.




Jorge Luis Borges, Éloge de l’ombre [1967-1969], in La Proximité de la mer, Une anthologie de 99 poèmes, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2010, page 85. Édité, préfacé et traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet.





Jorge Luis Borges
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JORGE LUIS BORGES


■ Jorge Luis Borges
sur Terres de femmes

24 août 1899 | Naissance de Jorge Luis Borges
Despedida (poème issu de Poèmes d’amour)
Le Sud (poème issu de Ferveur de Buenos Aires [1923])



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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    Dans la langue où ils ont été écrits, un martèlement inquiétant : « no habrà… ni externo… ni secreto… no aguardes… no existe… nada esperes… ni siquiera… »
    On ne retrouve pas ce rythme, ces chocs des « non » dans le poème traduit, mais cette désolation, cette perte de repères, ce château qui devient un rien, construit autour d’un rien, que nul minotaure ne vient hanter de sa présence effroyable. Poésie dure, sans concessions. Vers adamantins. Cruelle cécité d’un voyant errant dans un monde opaque, ne cherchant plus la sortie du labyrinthe ni la fin du chemin.
    Qu’attend-il, ce poète, lui qui ordonne de ne rien attendre ? Sur quelle intuition de l’éternel retour inscrit-il sa parole ?
    Même quête que dans ses fictions. Son écriture est labyrinthe… La vie est labyrinthe.

  2. Avatar de E. Delivré
    E. Delivré

    Le labyrinthe sans Minotaure, c’est le labyrinthe intérieur, le labyrinthe des fous.
    Alors que le monstre évoquait l’altérité libératrice, l’espoir du combat, la crainte du sang, le labyrinthe vide a perdu la raison, il n’est plus de coeur à cacher, ni de centre à chercher. Il est là sans existence.

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