André Velter | Sur un thème de Walt Whitman

«  Poésie d’un jour  »



Je suis dans l'éternelle errance avec ce qui restera toujours de lumière
Image, G.AdC







SUR UN THÈME DE WALT WHITMAN (EXTRAIT)

À François Chaumette



     J’avance au-dedans de moi et me voilà très au-delà,
     déjà largué plus loin que la mémoire, plus loin que ce que je vois
     comme un amnésique aux yeux éblouis qui filerait droit en dansant
     sur la ligne d’infini où la peau et les os s’accordent un vrai baiser de sable.

     Ce n’est pas rien d’être ce mouvement violent aux lèvres du néant,
     pas rien de changer le requiem de l’âme en murmure d’or et de poussière,
     en facéties d’atomes, en feulement d’herbes, de flammes ou de pierres,
     pas rien d’échapper au corps du grand repos.

     (Tout est ici maintenant et dans la suite des âges intensité de cri naissant,
     ferveur et étreinte, ciel et fusion, tension d’amant, partage secret de l’impossible…
     Tout est cette mort qui s’efface
     quand vient un amour face à face.)

     Je suis dans l’éternelle errance avec ce qui restera toujours de lumière,
     de source de feu toujours
     et de fille cavalière.
     Je suis dans l’éternel présent, dans l’offrande du sol, des nerfs, des caresses,
     dans l’éloge des visages égarés, transparents,
     dans le rire à pleines dents d’une vertu cannibale bien plus que cardinale,
     dans la beauté du réel absolu qui fut soif des songes
     et dans le midi du monde.

     Je me trouve quand je me perds,
     quand je vis sur le départ, l’arête vive du premier pas, l’envol de l’éphémère.
     Je ne balance pas, je bascule,
     je plonge dans le lait de l’aube, sous les braises du soir, avec la même impatience de jour ou de nuit.

     (Tout m’est éclat et éclair, archipel et steppe immense, bris de clôture, bris d’épaves, bris de brisures…
     J’assemble ce qui me disperse, je sème ce qui ne donnera pas de fruit,
     je veux jouir d’une eau aride, d’une terre sans freins ni frontières
     jouer de la vitesse de mes visions
     en connaissant l’extase douce
     d’un cavalier qui ralentit l’allure
     à mesure que monte le soleil face à face.) […]


André Velter, Du Gange à Zanzibar, Gallimard, 1993, in Anthologie de la poésie française du XXe siècle, tome II, Gallimard, Collection Poésie, 2000, pp. 608-609.





NOTE : le Prix des Découvreurs 2008 vient d’être attribué à André Velter pour L’Amour extrême. Poèmes pour Chantal Mauduit, Gallimard, Collection blanche, 2000 (Gallimard, Collection Poésie, février 2007). Ce prix, décerné cette année encore par un jury de plusieurs centaines de lycéens répartis dans toute la France, bénéficie du soutien officiel de l’Éducation nationale, du ministère de la Culture et de l’association du Printemps des Poètes. Il a été fondé en 1995, à la demande de la ville de Boulogne-sur-Mer, à partir d’une proposition de Georges Guillain, poète et collaborateur de La Quinzaine littéraire.
    La remise officielle du prix se fera à Boulogne-sur-Mer le 6 février prochain à 17h00, à la Bibliothèque Municipale, dans le cadre des Journées de la Critique.
    Pour en savoir plus, consultez le site officiel du Prix.





ANDRÉ VELTER


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Commentaires

  1. Avatar de Christiane
    Christiane

    J’entre dans ce labyrinthe de pur vertige d’André Velter, l’égarement qu’il a engendré. Infini dédoublement de son seul moi. Où est-il ? si seul… Tout semble désert… Il refuse de se laisser submerger par le sens et convoque l’incertitude. Il entre dans la place vide qu’il a désertée, abandonnant la fatalité du présent…
    Retour, il accepte, il se noie, il sent la dérive possible, il endure et écrit.
    Il ne sait pas ce qu’il a à dire mais il le dit. Se débrouillant avec l’embrouillé, il cherche.
    Cela peut-il se voir ? Cela peut-il se dire ?
    MAGNIFIQUE !

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