Michel Deguy | Pour la poésie aujourd’hui



Deguy
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POUR LA POÉSIE AUJOURD’HUI


    Pour la poésie aujourd’hui, trois propositions

     1. La poésie prend l’AIR. L’air, c’est trois choses :
     a. la vie ; b. l’aspect ; c. la mélodie.
    Ne pas manquer d’air (à respirer) ; ne pas manquer d’air (allure) ; ne pas manquer la mélodie. C’est ce que recherche un poème.

     2. Il y a un AIR du temps. On l’appelle aussi esprit (Weltgeist). Cet esprit n’a rien d’un esprit ; il n’est ni fantôme, ni petite divinité, ni djinn nocturne, ni ni. Cet esprit est le nôtre ― humain. Je veux bien l’appeler saint, pourquoi pas, à condition de traduire la sainteté en sagesse et en âge, en savoir et jugement, en psychologie et en amour du bien.
    La religion a enfanté la théologie. La théologie a appris à l’homme de quoi il est capable. Maintenant il doit reprendre à soi cette capacité (Feuerbach) : anthropomorphose continuée. Je ne dis pas qu’il n’y a rien d’autre, parce que justement, tout est source : la ci-devant nature, le fond de l’univers, l’Être, les « sources chrétiennes » (Simone Weil), et autres.

     3. La littérature, et son mode poétique ― en bref : la poésie, dont la singularité consiste en ceci : elle est audacieuse, elle s’élance, elle ose, elle trace ; elle décide, elle nomme… ― montre, fait voir, cet esprit, en le faisant entendre. C’est sa voyance, ou vision ; jadis devin, maintenant devineuse. Elle le montre à ses compagnes, musique, peinture, formes volumineuses, films, contenances nouvelles plastiques… Elle est entraînante, elle s’allie avec.


Michel Deguy, « La poésie en France », Confluences poétiques n° 1, Mercure de France, 2006, pp. 44-45.





■ Michel Deguy
sur Terres de femmes

Cap sur l’agora des biens
De l’attachement
ô folle déclaration d’amour
Quand il n’y aurait…
6 novembre 2014 | Mort d’Abdelwahab Meddeb (extrait de Prose du suaire de Michel Deguy)



■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur le site Université de tous les savoirs)
la conférence de Michel Deguy (L’attachement) du 31 décembre 2000





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Commentaires

  1. Avatar de Emilie Delivré
    Emilie Delivré

    L’Esprit saint

    L’Esprit Saint feint
    De s’asseoir un instant
    Au bord de nos déboires
    Et de les interroger :

    Comment, Malheur,
    As-tu trouvé chemin
    Entre les audaces ?
    Comment, Infortune
    As-tu perdu la trace
    De ton lieu d’origine :
    La certitude ?

    Et l’Esprit Saint
    De nous douter un temps,
    Douce demande
    De l’être à soi
    Et d’être, en somme,
    Un peu plus Moi
    Mais comme un choix

    L’Esprit Saint a choisi
    De nous faire hésiter
    Et lorsque naît
    Des cendres d’antan divines
    La Décision

    Dieu, qu’elle explose,
    Qu’elle éclate à la grande nuit
    Comme au grand jour
    Plus effrayante que les heures

    Dieu, la Poésie !

  2. Avatar de lam

    Bien que je n’aime pas les dogmes et la théorie, ces mots résonnent en moi et j’adhère au programme, à condition qu’il dérape, comme de juste, « connard » aurait dit Robbe-Grillet, la P n’a pas besoin d’être juste ni respectueuse, ce en quoi il ne se trompe point (,)
    virgule
    l’étincelle irrévérente de ce que la vie allume, le kérosène pétaradant de mon intelligence aux aguets ,
    voila que je dérape, heureusement …

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