Visées : Kunapipi

«  Poésie d’un jour  »



Ozgoanna
Source







VISÉES : KUNAPIPI


1         L’odeur musquée de son
           vagin aux parois rouges
           incite au coït

2         Sa peau douce comme de la fourrure

3         D’abord elle est timide, mais très vite ils rient tous deux

4        Riant-tous-deux
           Clitoris
           Parois-douces-du-vagin

5         ôtant son pagne
           écartant
           ses cuisses
           s’étendant entre elles &
           y allant

6        Et copulant pour faire un enfant

7        Feu                       Feu
           Flamme              Cendres

8        les brindilles
           prennent feu
           les étincelles
           s’envolent

9        Miction
           Testicules
           Miction

10      Pagne
           (rouge)
           Pagne
           (blanc)
           Pagne
           (noir)




[2ème série]

1         « pénis »           incision             incision
           pénis                   pénis                  semence

2        Semence blanche comme la brume

3        le pénis dressé
           le kangourou
           agite son derrière

4        pas à pas
           (elle) s’éloigne du coït
           leur tournant le dos

5         poisson-chat nageant
           et chantant

6         bride du bouvier

7        tétons dressés de la jeune fille ―
           odeur musquée de son vagin —

8         ruisseau
            s’écoulant

           « ruisseau »

9         brume recouvrant
           la rivière

10      branches du cyprès
           fruit du cyprès
           graines du fruit

                                                           [Terre d’Arnhem, Australie]


Jerome Rothenberg, Les Techniciens du sacré (anthologie), José Corti, Collection Merveilleux n° 35, 2007, pp. 423-424-425. Version française établie par Yves di Manno.




Source : Choix et arrangements de J. R., d’après R.M. Berndt : Kunapipi : A study of an Australian Aboriginal Religious Cult (International Universities Press, 1951).


NOTE : Le terme de Kunapipi désigne un important culte de la fertilité, élaboré autour d’une « Grande Mère, dont la personnalité était tour à tour simple et duelle, et dont le pouvoir s’est transmis à ses filles, les sœurs Wauwalak ». Dans le mythe, ces deux sœurs Wauwalak quittent leur territoire après que l’aînée est tombée enceinte, ayant eu des relations incestueuses avec l’un des membres du clan. Au bord d’une mare, elle met au monde un enfant & le sang de l’accouchement attire le grand python (= Julunggul) qui vit dans cette mare […]
     Plus tard, les deux sœurs seront avalées puis vomies (par le serpent) — obéissant ainsi à l’ancien cycle de mort & de résurrection, etc. […]
    Concernant les chants eux-mêmes, Berndt écrit : « Comme très souvent chez les Aborigènes d’Australie, ils sont constitués de « mots clefs »… qui sont généralement compris par les récitants et les participants autochtones. Ces « mots clefs », dont le regroupement constitue un chant, sont en fait des « mots images » […]


■ Voir aussi ▼

→ (sur le site José Corti) la
fiche de l’éditeur sur cette anthologie de Jerome Rothenberg
(+ extraits de presse)






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Commentaires

  1. Avatar de Alain Marc
    Alain Marc

    Bravo !, mais alors bravo !, Angèle, pour le choix de cette poésie du jour. Tu ne peux savoir à quel point celui-ci me fait du bien, contre une certaine censure, sur Internet – qui n’est que le reflet d’ailleurs, le miroir, de la vie réelle -, qui semble pointer de plus en plus son nez. Je ne peux, ici, en dire plus, mais tout finit toujours par se deviner. Comme si les mots du sexe devaient être bannis, à jamais, du poème. A fortement méditer, non ?

  2. Avatar de Angèle Paoli

    Cher Alain, je suis heureuse de te faire ce cadeau-là ! C’est vrai, il est superbe ce poème et je le trouve bien supérieur à nombre de poèmes de nos chers contemporains ! La poésie a à voir avec le sacré, le souffle et le sexe doivent y avoir leur place, au même titre que les sentiments et l’émotion. Si la poésie perd de vue cet ancrage primordial, elle s’assèche et se racornit. Elle devient ennuyeuse et s’enferme dans les seuls projets formalistes qui finiront par la détruire.
    L’anthologie de Jerome Rothenberg est une mine inépuisable de trésors et un Livre ! Un vrai, un grand. A lire et à consulter sans modération.

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