Mireille Fargier-Caruso | On a vingt ans

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On a vingt ans on veut voir la mer le long des golfes
Image, G.AdC







ON A VINGT ANS



Cette vie là jetée dans un tiroir piétinée d’images
On n’en veut pas on a vingt ans on veut voir la mer le long des golfes
Suivre le fil des cerfs volants au bout du monde

On lit dans la fleur qui se fane un avertissement
On cherche une rive autre bien loin de la pensée du soir
Un abri introuvable la fraîcheur de l’aubier
Un espace où la mort au jour le jour n’aurait pas place

On a vingt ans on veut vivre dans l’évidence du soleil
Sans le sommeil injuste le surplace les chasses gardées par les chiens
On ne veut pas même jour même heure cette faillite envers l’immense

Du jour on aime son triomphe on veut dans chaque histoire
Faire briller l’amour jusqu’à tarir nos soifs vivre vite
Jouer éperdument avec la langue infinie de l’intime

Dans nos mains on serre le galet des songes eau et sable mêlés
Le chant des coquillages qui restitue la vie
On s’égare sur des chemins jamais tracés on voyage
On approche de la transparence

Que ce soit la saison des lilas des myrtilles
Dans les jardins extraordinaires y’a d’la joie
Médailles classements défilés bas de laine on en fait l’économie
On refuse ce qui efface on ne veut pas le trou de la souffrance pas à pas
On est dans l’absolu de la musique

Tôt le matin la plage vide petits bouts de bois jetés par la nuit
On grave nos initiales enlacés sur le sable les pas des amants réunis
On n’est pas sérieux on a vingt ans on prend le temps en urgence

Comme un défi on prend le temps
Avant la trahison des corps avant qu’il ne soit compté
On suit la libellule aux ailes couleur du ruisseau on lit à voix haute
Un poème de Maiakovski ses mots éclairent le matin on écoute
Manu Chao clandestino il fait très beau pour l’insouciance

Tant de paroles étranglées sur les débris des heures
Qui peu à peu s’effacent à jamais on le sait on ne sait pas
L’issue invisible nous paraît si lointaine au bout tout au bout de nous
Allongé sous l’arbre le ciel comme horizon
On respire les églantines que reviennent des tableaux d’enfance

Et si les ruptures auront raison de nous
Cette vie là éparpillée on n’en veut pas
On ne veut pas de cette vie stagnante au ras du sol aveugle
Où le désir a déserté avec l’imprévisible

Pour cet homme fils de personne qui dort sur le trottoir dans un carton
Le jour de gloire n’est pas près d’arriver
On garde au cœur les impostures plantées comme un couteau
Alors on garde aussi fidélité à la jeunesse
Avec Ferré on a toujours vingt ans



Mireille Fargier-Caruso
D.R. Texte inédit extrait du recueil Un peu de jour aux lèvres (à paraître chez Paupières de terre éditeur en 2010)




MIREILLE FARGIER-CARUSO


Mireille Fargier-Caruso  portrait NB
Source




■ Mireille Fargier-Caruso
sur Terres de femmes


[Tu avances] (poème extrait du recueil Ce lointain inachevé)
silence d’avant le souvenir (poème extrait du recueil Ces gestes en écho)
L’arôme du silence
Comme une promesse abandonnée (lecture de Michel Ménaché)
[D’un coup de dent soudain] [L’hiver avance] (extraits de Comme une promesse abandonnée)
Entendre
Gorgée d’eau pour les lèvres sèches
Presque rien… l’eau du poème où se désaltérer (article sur le recueil Ces gestes en écho)
silence d’avant le souvenir (poème extrait du recueil Ces gestes en écho)
[S’arracher] (poème extrait d’Un lent dépaysage)
[sur la plage] (extrait de Couleur coquelicot)



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Commentaires

  1. Avatar de lesieur jean pierre
    lesieur jean pierre

    super ce texte j’ai l’impression d’en avoir écrit une partie et de souscrire totalement à l’autre. De la belle poésie, bravo Mireille.
    JP

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