Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine

« Poésie d’un jour »




Restant l-- sur le chemin- dans l-attente des corbeaux(2)
Photocollage, G.AdC






ELLE COURAIT



Elle courait, et le froid qui montait de la terre enneigée la déchirait de ses épines ; elle n’atteindrait peut-être pas la fontaine au pied de la hêtraie ; elle tomberait glacée, sa nudité décharnée restant là, sur le chemin, dans l’attente des corbeaux ; sa servante avait fui, et quand bien même un paysan se serait aventuré à cette heure en pareil endroit, il ne lui aurait été d’aucune aide ; trop de bruits avaient couru sur le château et sa maîtresse vieillie dans la folie ; trop de haine, puis trop d’oubli s’était appesanti sur elle qui était restée, dans l’espoir que pas un de ceux qui lui avaient donné la seigneurie de l’Escalette ne revint de sa croisade.


    Une vieille constellation
    embaumée des relents d’une lente mort
    frémissante de tant de souvenirs
    qui se déchirent et délirent
    Vivre l’ardeur de la chair jusqu’au bout de la veine
    jusqu’à l’abîme
    dans l’alchimie nécromancienne du ravage charnel
    parmi les fleurs séminales des monstres
    aux visages décousus
    qui partagent ta couche

    Vivre les fibres de l’âme jusqu’au bûcher du ciel
    l’autopsie des marées mortes conduites par les anges
    la divergence saisonnière de l’espérance et du doute

    et finir
    en hibernation dans la peau craquante de la démence




Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine [troisième titre du Triptyque de Lodève], Al Manar, 2009, pp. 16-19. Dessins de Diane de Bournazel.







Bournazel
Diane de Bournazel
in Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine,
Al Manar, 2009, page 17.





AÏCHA ARNAOUT


Arnaout
Ph. D.R.



■ Aïcha Arnaout
sur Terres de femmes

Dans les eaux du glacier originel
Être et désêtre
La traversée du Blanc



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Commentaires

  1. Avatar de Emilie D
    Emilie D

    J’ai souvent passé le Pas de l’Escalette comme l’on va d’un monde à un autre: d’un côté, la Méditerranée encore dont Lodève (triste nouvelle d’ailleurs que le partage de ces voix en deux voies) est la porte – maintenant le couloir. De l’autre, le Larzac sauvage qui refuse toute méditerranéité, et dont le roquefort malodorant et superbe et la cardabelle épanouie, qui pique le mauvais œil, sont autant de pieds de nez à l’olivier doux et au pin parasol…
    A l’Escalette, la peau craque schizophrène!
    Emilie

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