Linda Maria Baros | Nœuds de voies ferrées

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Des autres caresses pressantes- siamoises bis


Ph., G.AdC


Nœuds de voies ferrées                



Dans les livres anciens sur les voies ferrées,
            on apprend que les rails demandaient toujours
            des caresses pressantes et de la chair humaine.

Les cheminots perdaient la tête à l’appel des locomotives
           entrant dans les gares grouillantes,
           et se laissaient aussitôt enlever.

À la maison, leurs femmes sentaient les traverses de voie ferrée.
La nuit, sous les draps, étendues à leurs côtés,
elles cachaient, contre la cuisse, une ombre effilée,
                                                        comme une plume de merle.
Elles quémandaient des caresses et poussaient parfois
                           de longs cris déchirants dans leurs bras,
pour les habituer déjà aux chants rusés, sifflés, de mort,
              de la locomotive.
Pour que leurs hommes, assoupis le jour,
              ne puissent plus entendre son appel.
Pour les détacher enfin des traverses de la voie ferrée
              et des autres caresses pressantes, siamoises,
              qui séparent la tête du corps
                          et la chair de la chair.

Lorsqu’on feuillette les livres anciens sur les voies ferrées,
         on entend parfois des sifflements, de longs cris
                       qui s’élèvent par-dessus les remblais,
                       qui flottent par-dessus les forêts et les villes.
On les entend comme s’ils venaient des cantons,
                       comme s’ils venaient des gares de triage,
                       comme s’ils prenaient garde à ne pas résonner

                                                     au travers d’une gare déserte
.



Linda Maria Baros
D.R. Poème inédit de Linda Maria Baros
pour Terres de femmes




LINDA MARIA BAROS



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Voir aussi :


– (sur Terres de femmes)
Linda Maria Baros/La porte à visage d’oiseau ;

– (sur Terres de femmes)
Linda Maria Baros/Poivre dit de Séchouan (+ notice bio-bibliographique) ;

– (sur Terres de femmes)
Linda Maria Baros/Z ;

– (sur le site du Printemps des poètes)
la fiche bio-bibliographique de la Poéthèque consacrée à Linda Maria Baros ;

– le
site officiel de Linda Maria Baros ;

– (sur Wikipedia) un
article bio-bibliographique très précis.

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(Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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Commentaires

  1. Avatar de johal
    johal

    Exploratrice, Linda Maria Baros. Elle porte le poème là où ne poussent que fer et asphalte, ah oui, quelques portes aussi, avec des clés en forme de bouche.
    Merci.

  2. Avatar de Angèle Paoli

    Etrange poème, dérangeant, presque, qui réveille en moi des pas dans la neige, des résonances sourdes et des couleurs de cendre. Je ne vois pas les portes, sinon grillagées, ce qui me fait te rejoindre, Johal, du côté du fer et de l’asphalte. Et j’entends des bruits lourds de verrous tirés sur les anciens vivants.

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