Vénus Khoury-Ghata | Les cheveux rouges de la mère

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Comme les images qui durent longtemps
Ph., G.AdC






LES CHEVEUX ROUGES DE LA MÈRE



Les cheveux rouges de la mère déteignaient sur nos draps
Sur l’érable qu’elle poursuivait de ses assiduités
Compatissant à la chute de ses feuilles dans nos livres
Pansant les nervures blessées
Enterrant les mortes entre deux mots pierreux
La mère lançait vaisselle cassée et imprécations à l’automne
Qu’un cil tombe de nos yeux
Et vos vœux seraient exaucés

Nous étions autrement
Beaucoup en un
Comme les images qui durent longtemps
Comme la pluie quand personne n’ose la contredire qu’elle devient
volubile
La mère nous voulait avec des bras longs comme les ruisseaux de la Saint-Jean
Pour nous introduire dans son sommeil
Et que les châtaignes poursuivent leurs guerres sous la cendre de l’âtre
Ce n’étaient pas leurs crépitements qui allaient nous réveiller


[…]


Faces tournées vers la rue
La mère nous accrochait des bras
Nous collait des sourires et des battements de cils pour séduire les
visiteurs absents
aux choses longilignes confectionnées avec nos sueurs manquait l’odeur
enfantine du pain
le crin s’étiolait sur nos têtes
les fils de fer rouillaient dans les articulations
personne n’applaudissait ni ne ployait le genou devant le jour
le rire de la mère étouffait les fumées

Apprentis qui n’apprenaient rien
nuques raidies par l’attente du dégel
nous implorons les murs de revenir
de dérouler les chemins pliés

l’hiver sera long d’après la pluie suspendue à l’air



Vénus Khoury-Ghata
D.R. Texte inédit de Vénus Khoury-Ghata
pour Terres de femmes




VÉNUS KHOURY-GHATA


Venus Khoury-Ghata
Image, G.AdC




■ Vénus Khoury-Ghata
sur Terres de femmes


C’était novembre
Compter les poteaux
Ils sont deux figuiers
Le caillou dans la main
[Pénurie de vie] (poème extrait de Demande à l’obscurité)
[Les pluies ont dilué le pays]
31 août 1941 | Vénus Khoury-Ghata, Marina Tsvétaïeva, mourir à Elabouga
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de
Vénus Khoury-Ghata (+ un poème extrait de Quelle est la nuit parmi les nuits)




■ Voir | écouter aussi ▼


→ (sur le site de France Culture)
Champ libre : « Déjeuner chez Vénus Khoury-Ghata », un documentaire de Valérie Marin La Meslée et Thomas Dutter (6 novembre 2012)



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Commentaires

  1. Avatar de Christiane
    Christiane

    Je me souviens de cette musique mystérieuse qui restait dans la mémoire, une fois le livre refermé (La Maison aux orties) et de ces lignes, ultime tentation d’Orphée :
    « Demain, je murerai la fenêtre qui s’ouvrait sur toi pour ne plus guetter tes apparitions, et pour que tu puisses te ramasser en toi-même, devenir un cercle de silence pareil à ces soleils qui deviennent un point avant de sombrer avec le couchant ».
    V. Khoury-Ghata sait conduire les mots jusqu’aux seuils interdits… et nous les entendons.

  2. Avatar de florence Noël

    très grande force dans cette écriture aux mains âpres. Des scènes se déroulent avec la peau et l’émotion retournée et non à l’intérieur. elle peint ces souvenirs non de paysages et d’objets mais tout entièrement du film de sentiments que traversent les figures évoquées… Même la pluie ne tombe pas mais n’est qu’une messagère ou un lieu de l’écho des âmes.

  3. Avatar de france Burghelle Rey
    france Burghelle Rey

    Divine Vénus !

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