Ariane Dreyfus | SAMI

« « «  Anthologie poétique Terres de femmes (53)



Dans la for-t
Ph., G.AdC





SAMI


Debout parce que les arbres sont serrés dans la forêt
La peur est à qui   si on arrive à la toucher ?

L’OGRE ET SON CHAGRIN

Son chagrin était noir, noir comme la méchanceté
Des gestes brusques, un fond dur comme du fer.
Son chemin n’aimait pas les yeux rouges,
Son malheur faisait mal.
L’ogre regardait son visage dans les vitres,
Son chagrin était rempli de
Sentiments
Encore le nord du chemin
Imaginez au fond
Sa propre ruse pour
Les enfants du froid
La tristesse se relevait
Dans ses songes
Les rêves se penchaient


Tes lèvres ont les côtés qui saignent
L’hiver est trop long ? [*]
Tu t’étais cogné pour partir ?

L’écriture dit

Je veux
Qu’on m’invente
Je veux être
Dans une page


Parfois je vois les danseurs revenir d’une coulée
Leurs gestes sont proches avec le sommeil debout
Quelqu’un qui te secouerait au même endroit
Sentirait que la force ne peut pas tout tenir

Comme s’il y avait une petite étoile noire, en bas

Ils courent vers un point pour se resserrer
Pour remplacer avec leurs corps réels
L’amour et il avance
Les lancements de bras, lentement les cous
Font danser les visages un peu seuls

Cherche, cherche

La couleur des gestes         n’existe pas

Direction les gestes pliés         ils sont croisés, serrés

Puis la marche         essaye de retrouver         de nouveaux

Gestes froissés         tombés dans le sentier des mots

Le vide temps long         taille grande

L’espoir de lever         ses gestes perdus

Lancer lentement         les distances

Le vent des choses de lumière

Notre nuit en dormant élément         bouge


Les lancements de bras, lentement les cous
Font danser les visages un peu seuls
Leur tiédeur

C’est une caresse avec la musique serait de l’eau
Devant moi ils s’essuient la figure, leur absence qui reste
Ce spectacle est trop humain.

Celui qui est une personne du samedi mais pas une personne du dimanche
Celui qui bouge très bas, près des ombres terrifiantes, rapides, appliquées
Celui qui se croit grand et ses dons sont tout petits
Celui qui souffre devant la lumière du passé et évite d’aimer
Celui qui court dans l’herbe vert brillant et exige la chasse froide
Celui qui danse tout seul et se délivre de l’histoire, tout surpris


Peut-être qu’un mot sur deux tu l’as pris dehors

Des formes s’éclairent de la sagesse des métamorphoses

Un jour tu taches le sol de la classe avec de l’encre
Tu as fait tomber de l’encre et rien ne t’en fait souvenir

Seul personne ne le sait

Un accordéon violemment incohérent


Plus on est maladroit plus on a besoin d’oublier
Essayer de tourner n’importe comment
Autour de l’ogre et d’attraper son cœur
Parce que lui se tait et pas toi

Les poèmes sont de belles taches compliquées
Qui vont chercher l’indulgence des inconnus
On ne le sait pas peut-être que nous dansons
À chaque fois que leurs yeux vont vers nous

Je ne vais pas m’arrêter j’aime faire
Même quand je serai morte sous les plantes
C’est moi qui ai saigné entre mes jambes
Ai connu ce qu’il fallait connaître

Le printemps passe au fil des jours
Des battements
Inconnu veut-il le désir de danser
Avec une puissance de femme
Une victime qui hait le silence
Ne passe ni la musique ni
La danse, car le corps
Se bouge d’un reflet, le garçon
Piétine sur les fleurs du printemps
Il danse pour le futur, la femme
L’homme sont furieux, se rapprochent
Et se mettent à danser collés l’un à l’autre
Danser avec un art, des articulations
Comme une immense joie à travers le ciel
Ils s’apprécient puis ils s’approchent
Se suivent des yeux ne relâchent pas il suffit
D’une relation du regard


Tu n’as plus tout à fait confiance d’être un enfant

Alors tu hausses simplement les épaules
Tu préfères cela à montrer ta figure et voilà

Laissant tomber les larmes et leurs reniflements

Mon organisme puissant et l’orage qui décide

Laissant tomber les larmes et leurs reniflements

À force d’avancer d’ailleurs c’est quoi le noir
Tu arrives dans la zone de l’interminable beauté
À chaque fois la poésie écarte une mâchoire
Elle est touchable

Les fontaines joyeuses
J’aime ces bouches
Qui répondent à ma place

La nuit je suis par terre
Regarde les étoiles qui envahissent
Les nuages

Mes bras, mes mains
Se rejettent et se croisent
Dans mon cœur

Le bruit brutal
Va dedans dehors

Mes idées
Sont particulières
La nuit obscure
Je te dis adieu



[*] Version définitive (op. cit. infra, p. 161) :
Le sang au bord de tes lèvres
Quand l’hiver est trop fort




Ariane Dreyfus
extrait de « Petits compagnons »
La Terre voudrait recommencer
(texte définitif paru chez Poésie/Flammarion le 19 mai 2010)




Note : les passages en italiques ont été écrits par Sami, élève de 6° puis de 5°, lors d’ateliers d’écriture menés au Collège Pierre Sémard de Bobigny.





ARIANE DREYFUS


Ariane Dreyfus
Image, G.AdC




■ Ariane Dreyfus
sur Terres de femmes

Anatomie (extrait de Moi aussi)
Le Dernier Livre des enfants (lecture d’AP)
[J’écris parce que je vais disparaître] (extrait du Dernier Livre des enfants)
Épilogue (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
La Lampe allumée si souvent dans l’ombre (note de lecture de Matthieu Gosztola)(+ L’Amour 1 dans sa graphie originelle)
Nous nous attendons (note de lecture de Tristan Hordé)
« C’est tout mouillé » (poème extrait du recueil Nous nous attendons)
« Je suis en train d’oublier son visage » (autre poème extrait du recueil Nous nous attendons)
Un recoin dans un coin (poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
Comment habiter l’inhabitable (note de lecture sur le recueil L’Inhabitable)
La nuit commence (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
→ (dans la galerie Visages de femmes)
le Portrait d’Ariane Dreyfus (+ un autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)



■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
une fiche bio-bibliographique sur Ariane Dreyfus



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Commentaires

  1. Avatar de florence Noël

    quelle puissance dans ce duo, ce répons entre la femme et l’enfant et ses mots à lui, d’une poésie à la fois accomplie et brute, je n’en reviens pas !!!

  2. Avatar de Christiane
    Christiane

    Quel étrange cerf-volant… Qui tient le fil qui limite son vol ? Est-ce l’enfant ? Est-ce la femme ? Les mots claquent au vent, abrupts. Désirs d’espace dans ce vide du coeur barbelé. Fragiles, retenus. Un rien d’absence dans l’entre-deux de la terre et du ciel. Ils se lisent et s’enchevêtrent, le langage en témoigne. Empreinte du vent. Leurs mots nous regardent et la douleur coupe le fil de l’inhabitable. Le secret monte haut dans ce ciel de « Couleur femme ». Quel Printemps arbitraire…

  3. Avatar de Agenda culturel de TdF

    Ariane Dreyfus a enregistré ce poème pour l’émission d’Aline Pailler, Jusqu’à la lune et retour sur France Culture, diffusée le samedi 6 mars à 19h30.

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