Marie-Thérèse Peyrin | Marche forcée

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MARCHE FORCÉE


Tu les vois s’avancer vers le vide.

Certains d’entre eux brûlants soldats hallucinés
déambulent à grands pas, quand tant d’autres
s’enlisent, tremblent en sanglotant, s’enracinent
vaincus, statufiés pressentis, en quête de repos.

Les plus anxieux réclament, appellent la présence,
et l’incertaine manne de vieux mots prometteurs,
cherchant l’odeur du calme et la maigre étincelle
d’un sursis minuscule qui ne dit pas leur nom.

Quand les plus silencieux et les moins quérulents
détournent le regard, timide exagéré, pensant
qu’il est trop tard, que les dés sont mouillés,
que la fête est ternie, que l’oubli est ici.

Cette confiance aveugle vécue pendant l’enfance
tu la retrouves encore dans quelques yeux très rares,
crédulité ouverte cueillette de baisers,
mains tendues et tendresse appuyée sur un leurre.

Implacable glissade qui confond les époques,
empilements d’histoires, dilution des données,
repliements provisoires comme un fin parachute,
un mouchoir à carreaux, un résumé de lit.

Tu les vois s’avancer vers le vide
et tu respires parmi eux.


avril 2010


Marie-Thérèse Peyrin
Aux Devoirs de Mémoire, Proximités Sensibles (États 1)
Texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)





■ Marie-Thérèse Peyrin
sur Terres de femmes

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■ Voir aussi ▼

→ (sur Calaméo) Marie-Thérèse Peyrin, Rétrospectives Alliances (poèmes 1995-1999)
le blog personnel L’Entame des jours, Écriture de femme (textes en chantier)


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Commentaires

  1. Avatar de Gill M.
    Gill M.

    Quoi de plus généreux que le doute ? (c’est aux yeux de ma mère auquels je pensais, en écrivant cela…). Aujourd’hui… »ILS » me disent : « c’est une cataracte »… « c’est rien… ça s’opère… ».

  2. Avatar de Angèle Paoli

    Ce poème est bouleversant. Il me bouleverse. Les mots y disent combien son auteur(e) est en empathie avec ceux qui traversent pareille souffrance et pareil abandon! Il faut vivre au jour le jour auprès des plus démunis pour com-prendre (prendre avec soi). Et MTH le fait dans sa grande générosité.
    Un mot sur la forme, qui me surprend, par un classicisme auquel je ne suis plus habituée. Etrange comme nous revenons parfois à des structures anciennes, que l’on croyait oubliées.

  3. Avatar de Mth Peyrin

    Merci chère Angèle. Il est très difficile d’écrire de façon à la fois pudique et lucide ce qui se passe dans la rencontre avec la souffrance de l’autre. C’est la loi du silence et de l’anonymat qui prévaut au delà des murs et des situations. Le silence et l’ellipse procèdent aussi de la confidentialité due aux personnes.Seul le poème peut envelopper tout cela. Pour la forme, elle est venue toute seule.C’est un texte qui a besoin d’un rythme particulier,suffisamment familier pour faire passer l’émotion que je ne veux pas laisser déborder. Rencontrer l’autre, c’est se mettre en creux étanche et extensible pour mieux l’accueillir. Mais il y a des limites. Il faut pouvoir border et bercer. Il faut apprendre à passer à la ligne.

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