Gérard Cartier | Le philtre

« Poésie d’un jour »



Je serai peintre dans le talent des -tres.ce que je ne sais pas- je l-inventerai.
Ph., G.AdC






.Le philtre.



Elle est fille de l’île des saints et des savants. elle connaît des vertus oubliées.

Elle connaît le mal et les voies du corps. elle recueille le suc des herbes, fait macérer des graines, arrache des racines noires. elle verse sa liqueur dans d’étroits orifices, une plaie au talon, une oreille, le coin de l’œil : avec l’oubli, la mort.

Il geint dans un marais, le corps coagulé, attendant sa fin. elle s’agenouille et le guérit. puis la mer les prend. l’été suffoque, ils boivent le vin herbé, le traître love-drink. le vin généreux était un vénéfice : une chimie violente les accouche.

L’esprit leur est enlevé. ils souffrent et se refusent, et disent bilieux le mal qui les étreint. que le voyage est court et longue cette nuit ! la mer frappe la coque et les éclabousse ; ils éprouvent en silence les blandices du désir. qui pourrait désormais les séparer ?

Je serai peintre dans le talent des êtres, des passions. à nouveau je souffrirai. d’un fol amour trouver courage. je me souviendrai. ce que je ne sais pas, je l’inventerai.


Gérard Cartier, Tristran, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 2010, page 37.





GÉRARD CARTIER


PORTRAIT DE GERARD CARTIER
Image, G.AdC



■ Gérard Cartier
sur Terres de femmes

.La duplicité. (poème extrait des Métamorphoses)
Les Métamorphoses (lecture de Maëlle Levacher)
Tristran (lecture de Nathalie Riera)
[Terra nullius] (extrait de L’Ultime Thulé)
.Par moi on va dans la cité dolente… (poème extrait du Voyage de Bougainville)
Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)



■ Voir | écouter aussi ▼

→ (dans la sonothèque de la revue Secousse)
des extraits du Voyage de Bougainville, lus par l’auteur



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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    « Je me souviendrai. Ce que je ne sais pas je l’inventerai. »
    Nathalie Riera évoque (juin 2010), en fin de billet, cette mémoire de la Résistance que vous avez écrite.
    Dimanche dernier je me trouvais face au plateau du Vercors, du coté de l’Isère, mais je savais que du coté drômois que je ne voyais pas, il y avait la grotte de la Luire où furent massacrés, le 27 juillet 1944, une trentaine de résistants blessés et leurs soignants. Les infirmières, elles, furent déportées. Et puis je devinais Saint-Agnan en Vercors, La chapelle-en-Vercors, Valchevrière, le pas de l’Aiguille… Sous ce soleil bleu et ce ciel si calme, j’entendais une rumeur de sang.
    Aussi votre poème évoquant celle qui soigne et celui qui « geint dans un marais, le corps coagulé », cela fait trembler le silence. Merci Gérard Cartier.

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