Corse_3 Stefanu Cesari | Incù ciò chi tu m’ha’ lacatu

« Poésie d’un jour »


je peux dire que je perds toujours ta trace
Ph. angèlepaoli






Incù ciò chi tu m’ha’ lacata i socu custruitu un linguaghju.
si pudarà di ch’iddu m’apparteni ?
s’e riflettu, ùn vicu più chì visu t’avii, nè chì boci ― una prisenza in u verbu o’ tantu : a certitudina chì, un ghjornu, sè statu chivi.
ti possu invintà in a spaddera di certi omini, s’è voddu, ma chì bisognu ci hè ?
da tandu aghju imparatu ch’iddi si sìccani fàciuli i padola.
ch’un paesu intrevu pò nascia nant’à a stancàghjina di l’ochja ― silinziosu.
infini, credu. silinziosu soca parchì ùn lu capiscu micca.
nasciarii torra, tu, nant’à i me ochja ?
par cunfidenza ùn ti sunniighju mai. ma socu àbuli un pocu à i to staghjoni. ùmidi.
possu dìche perdu sempre a to traccia.
a dicu, ed hè tuttu ciò chì ferma.




Avec ce que tu m’as laissé, j’ai construit un langage.
pourra-t-on dire qu’il m’appartient ?
si j’y pense, je ne sais plus quel visage tu avais, ni quelle voix — une présence dans le verbe, sans doute : la certitude qu’un jour, tu as été là.
je peux t’inventer aux épaules d’autres hommes. à quoi bon ?
j’ai appris depuis qu’on assèche facilement les marais.
qu’une ville peut naître sur des yeux fatigués — silencieuse.
je ne comprends rien — c’est sûr.
pourquoi ne renais-tu pas, toi, sur mes yeux ?
pour confidence : je ne te rêve jamais, mais je connais un peu tes saisons. humides.
je peux dire que je perds toujours ta trace.
je le dis. et c’est tout ce qui reste.



Stefanu Cesari, Genitori, Éditions Les Presses Littéraires, 66240 Saint-Estève, 2010, pp. 20-21.






Genitori





■ Stefanu Cesari
sur Terres de femmes


Ti scrivaraghju in faccia (extrait d’A Lingua lla bestia)
[In un libru à a cuprendula russa] (extrait d’U Mìnimu Gestu)
Bartolomeo in cristu (lecture d’AP)
[Jeune […] autant que l’eau] (extrait de Bartolomeo in cristu)
[Nivi, nò?] (autre extrait d’U Mìnimu Gestu)
[On sent peser sur soi un vêtement immatériel] (extrait de Prighera par l’armenti)




■ Voir aussi ▼


→ (sur L’Or des livres)
une lecture de Genitori par Emmanuelle Caminade
Gattivi Ochja, la revue en ligne de poésie de Stefanu Cesari
→ (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
quatre poèmes de Stefanu Cesari
→ (sur Terre à ciel)
un entretien de Françoise Delorme avec Stefanu Cesari



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Commentaires

  1. Avatar de Mth Peyrin

    En écho, chez Claude Pujade-Renaud, Celles qui savaient, Actes Sud, pp. 40-41.
    « Et je repars, je fends les flaques de fraîcheur et de tiédeur alternées, traverse des marais (des marées ?) d’un sabot léger. Mon souffle prend appui sur celui de la brise, une ivresse neuve déferle sur mon poitrail. Et je galope, et j’oublie. Vers le soir, l’enchevêtrement des halliers m’accueille. Je dors sans être visitée par le rêve et ses figures d’angoisse.
    Un vent simple et souverain dispersera les ultimes résidus du langage qui murmurent encore au fond de moi et je me résoudrai à cette opacité animale d’où seront bannis le scintillement sombre du savoir et le désir de l’énoncer. »

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