| Dérives d’automne |




Dérives d'automne 3B
Hameau de Piazza (Canari, Haute-Corse)
Ph. : angèlepaoli







| DÉRIVES D’AUTOMNE |




Bruissements d’elles                        envolées
je vais au petit bois champ de lumière basse
je ne pense à rien ni personne
seulement aux sangles de verdures
aux masses taillées dur et dru
à l’immobilité
qui porte au silence


le silence dans l’immobilité
se fige                                            fibres dociles
les chèvres                                    tout là-haut
grelottent leur chant de cloches
dans les branches
une barque nacelle au large
dans le soleil sans bris de vent
les chevreaux nouveaux-nés frelonnent
                                                                       leur appel
un escargot
voyageur intime sans chagrin
coule sa lave douce sur la mousse


j’entends un pas caillou qui roule


        mais ce n’est rien
        qu’un crépitement de balles sèches



le promontoire caracole
feuillu de cornes de grelots
les mots s’effritent
dans le grain de la pierre
une fourmi s’étourdit à la blancheur de la page


tu cherches en vain sur les hauteurs
les fumées lentes de l’hiver


la barque glisse
une mer serrée de nuages
coule son moutonnement vers le soleil


tant de blancheur rassemblée
dans le pommelé du ciel
éveille ton étonnement
tu vas basculer dans l’ombre
la fraîcheur va te surprendre
qui te saisit


la mer bruit
d’éclats de lumière
l’escargot voyageur intime
a disparu dans le miroir


qu’y a-t-il derrière ce mamelon cet autre
sinon le silence privé de mots
sinon les montagnes


livrés aux vents tes mots dérivent sur la page
cherchent leur chant
sur le rivage.




Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli







Dérives d'automne 2C
Hameau de Vignale (Canari, Haute-Corse), 2010
Ph. : angèlepaoli




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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    Comme ce poème est beau. Il me donne accès au repliement de l’île avant que l’hiver, si rude, ne s’installe. Ce frissonnement des bêtes de laine donne envie de bergerie et cet escargot est bien hardi. C’est le temps où le hérisson va se faire oursin et s’enfouir sous les feuilles, où les chats vont retrouver en ronronnant le feu dans l’âtre et la poète, loin de sa treille et de la mer inhospitalière, se lovera dans son écriture. Et tout sera bien et rond, assemblé dans la chaude tendresse de la maison aux murs épais et aux volets clos pour les longues veillées. Là, crépiteront à l’amble les bûches et le clavier, à moins que ne crisse la plume sur la douceur de la page… Odeur de châtaignes grillées et de feuilles d’automne. Migration des oiseaux…

  2. Avatar de Viviane

    Les plus douces balades, les plus nostalgiques aussi
    sont celles que l’on fait en automne
    le cœur étreint de cette petite douleur
    qui est déjà hiver.

    Ton poème est magnifique
    d’observation des petites choses
    je t’en offre un en retour

    La terre est devenue rêche
         je n’y sens plus l’espoir des mois passés
    lorsque se préparaient au loin les pluies qui bêchent

              je n’entends plus que la mélodie
    des petites choses blessées.

    Derrière chez nous
              un chemin simple s’adosse aux herbes des maisons
         qui poussent toutes droites
    et drues contre les grilles

    Je le guidais souvent en arrachant certaines de ses mauvaises graines
         heureuses de me défier elles repoussaient plus haut

    Parfois l’ombre d’un peu de peur
         m’y offrait un abri
              et lorsque je cueillais les blanches pierres
         pour les poser le long de mon sentier fleuri
    leur grain râpeux disait :

    « Qui es-tu pour prétendre
         quand la lenteur des fleurs déchire ma lenteur?  »

    Ces mots me tissaient.

    Aujourd’hui la lumière, le silence, l’herbe jaunie et rase
    effleurent mes souvenirs
    et rien ne se déchire
    et rien ne se prétend…

                     Laissons l’hiver venir.

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