Sabine Péglion | Jacques Bret, Australie, notes croisées

par Cécile Oumhani

Chroniques de femmes – EDITO
Sabine Péglion (textes) | Jacques Bret (dessins),
Australie, notes croisées,
éditions Mazette, 78310 Plaisir, 2011.



Lecture de Cécile Oumhani


AustralieNB
d’après Jacques Bret, Sydney







CONCERTO À DEUX VOIX



Que reste-t-il au voyageur des terres lointaines un jour visitées ? Et que voit d’elles le « passager au long cours d’un vol sans images » avant d’embarquer ? Bref temps de couleurs et de scènes, dont ne survivent que d’énigmatiques syllabes… C’est à leur recherche que Sabine Péglion et Jacques Bret se sont mis dans leur « concerto à deux voix », poèmes et dessins croisés, nés d’une quête dans les contrées australes, survivantes de leur mémoire.

Invitation à un voyage recommencé, Sabine Péglion explore l’avant et l’après, remonte le fil des fragments et des images, trace et retrace des chemins éphémères et pourtant intenses. Que cherche le voyageur dans le labyrinthe des rues de Sydney ? Que découvre-t-il dans les reflets des vitres et l’acier des bâtisses de la ville ? Que rapproche le « pont entre deux rives » ? Bien sûr celles des continents que franchit le voyageur, mais aussi les siennes et celles du monde où il chemine. Ces poèmes sont une recherche des lieux qu’ils revisitent autant qu’un regard porté sur l’être et sa fragilité. Ces « anses où s’endorment les souvenirs » appartiennent à la fois à la géographie et aux cartes intérieures inscrites en soi jusque dans l’après du voyage. Le « bruissement des corps aux voix mêlées » imprègne les chaises du jardin, comme leur empreinte s’attarde dans les draps froissés. Vision du passage qui se fait et se défait d’un instant à l’autre, elle offre ici et là-bas le même condensé de sens. Comme cet aperçu est poignant lorsqu’il se mêle à la puissance de l’émotion, à la force de ce qu’éprouve le voyageur, aussi sujet que le sable aux éparpillements du vent ou du temps qui passe. Le rythme des poèmes, avec le choc des infinitifs, comme pierres polies pour ne garder que l’essentiel, insuffle une respiration de l’intime, celle où rejoindre l’impatience de la découverte, l’urgence du questionnement sur ce qui est encore à venir. Sans doute le « dépaysement » exacerbe-t-il les interrogations. Quel lieu ? Quel pays ? Quelle nuit ? Le voyage en Australie est aussi celui que fait tout un chacun, au jour le jour, pour peu qu’il y accorde attention et réflexion.

Et ce sont bien des paysages d’ailleurs qui se déploient ici d’un poème à l’autre, une Australie que l’on parcourt, dont on entend l’océan, dont on éprouve le sol à travers ses « volutes d’agate ». On y hume l’eucalyptus et les acacias, on se perd dans une « forêt de pluie ». On s’y glisse jusque dans la musique d’une autre langue avec ce poème où se croisent anglais et français. Ce qui se murmure de l’humain à l’envers de cette traversée des terres australes, comme écrit dans son prisme, touche avec une profondeur décuplée. Un peu comme la pureté d’un ciel qui exalte les couleurs et densifie leur magie.

Les dessins de Jacques Bret sont un très bel accompagnement pour ces poèmes. Le trait et les couleurs suggèrent si bien ce que le voyageur tente de saisir de l’instant qu’il rencontre, entre le cœur des choses et ce qui est de l’ordre de l’impalpable.

Un livre qui se fait lui-même voyage, un superbe rappel de ce que mots et dessins sont aux espaces que nous traversons.



Cécile Oumhani
D.R. Texte Cécile Oumhani
pour Terres de femmes





SABINE PÉGLION


Sabine Peglion




■ Sabine Péglion
sur Terres de femmes

Naxos (extrait de Ces mots si clairsemés)
[La glace dans les verres] (extrait de Derrière la vitre)
[L’eau s’écarte] (extrait de Faire un trou à la nuit)
[Ombre noire] (extrait du Nid)
Prendre le temps (extrait de Traversée nomade)
Que sais-tu (+ notice bio-bibliographique)
[Tu sais il n’est de lieu] (extrait d’Écrire à Yaoundé)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
Malhabile



■ Voir aussi ▼

→ (sur les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera, Bulletin N° 12 du 1er septembre 2009)
Water nymph de Sabine Péglion sur une sculpture de Simon Manby
→ (sur calameo.com/Virgules de pollen de Nathalie Riera)
Tu ne répares pas
→ (sur les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera, N° 28 de mai/juin 2011)
Derrière les grilles du parc & Girl with earing de Sabine Péglion
→ (sur le site des éditions Hélices)
une page consacrée à Sabine Péglion





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