Jean-Théodore Moulin | [Mais qui pleure là]

« Poésie d’un jour »


La douleur d’exister seul face à la nuit sans recel
Ph., G.AdC







[MAIS QUI PLEURE LÀ]



Mais qui pleure là au cœur noir de l’orchestre sinon
La voix simple à souffle suspendu parmi la forêt
De cactées géantes de Judée dans une hyperbole
De vert ma mue comme traîne abandonnée à la ruse
Du chasseur aveugle courant la Bête dans les champs
D’asphodèles.
                         Ô couleuvres de ma voix enroulant
Les anneaux d’une absence consentie de ma chair ! E
Den dénaturé ! brisure spontanée de mes os
Sur la scène ce jardin soit la clairière de mon corps !
Je meurs d’un songe interrompu par un éclat de voix
Tombé des combles du Théâtre : Ils ont rompu les vol
Iges du toit… brisé mes membres… compté tous mes os…
Dès lors dépisté par l’ardeur de mes chiens Cerf, oublie
La douleur d’exister seul face à la nuit sans recel.




Jean-Théodore Moulin, « Machines à détraquer le temps », Bestes & Panneaux, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 2012, page 39.





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NOTE : second opus de Jean-Théodore Moulin aux éditions Obsidiane (après Glaucos en 2006), ce recueil (que l’auteur place sous les signes de Maurice Scève, de Jean de Sponde et de Gerard Manley Hopkins) explore le thème de la chasse mystique dans la forêt des symboles (épervier, cerf…). Quête forcément déceptive de l’objet depuis toujours perdu : « Quand la chose est perdue qui me dira ce que je cherche ? » (Bestes & Panneaux, p. 57). Jean-Théodore Moulin structure subtilement ce livre autour de formes fixes, d’une métrique très particulière et d’un parti pris anti-musical qui honore pourtant la Voix (d’après le Prière d’insérer de l’éditeur).




JEAN-THÉODORE MOULIN


Moulin
Source


Jean-Théodore Moulin vit à Paris. Outre Bestes & Panneaux, il a publié plusieurs autres recueils de poèmes : La Bataille de Dunkerque (Le Capucin, 2002), S’éveiller fatigue (Le Capucin, 2005), Glaucos (Obsidiane, 2006) et Change est mon paradis (Obsidiane, 2020).




■ Jean-Théodore Moulin
sur Terres de femmes


Change est mon paradis



■ Voir aussi ▼


→ (dans la revue numérique de littérature Secousse, Troisième Secousse)
plusieurs poèmes de Jean-Théodore Moulin [PDF]





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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    « Oh! Gethsemani. La lune danse dans les arbres… » Ce chant de John Littleton entendu dans l’enfance ancienne est réveillé par ce poème, âpre, ce jardin… et ses références bibliques semées dans la fuite sans espoir du cœur-cerf. Mais ici tout se brise dans une extrême solitude…

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