10 juillet 1888 | Naissance de Giorgio De Chirico

Éphéméride culturelle à rebours



    Le 10 juillet 1888 naît à Volos, en Thessalie, Giorgio De Chirico.




    Au début du XXe siècle, la peinture de Giorgio De Chirico, qui allie géométrie et onirisme, apparaît comme résolument nouvelle. Sans rapport avec les recherches formelles de son époque, ignorant divisionnisme, impressionnisme, fauvisme. La peinture de De Chirico puise ses racines dans d’autres traditions et ouvre la voie aux peintres surréalistes. Dès 1913, celui-ci affirme, avec L’Incertitude du poète (Tate Modern, Londres), un style propre qui déconcerte. En 1914, le peintre exécute un Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire.






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Giorgio De Chirico
Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, 1914

Huile sur toile, 65 x 81 cm
Musée national d’art moderne
Centre Georges-Pompidou, Paris

Source







PORTRAIT PREMONITOIRE DE GUILLAUME APOLLINAIRE: LECTURE PERSONNELLE


    La « peinture métaphysique »* de Giorgio De Chirico, influencée par la lecture de Nietzsche (apollinien/dionysiaque, Naissance de la tragédie) et par la peinture d’Arnold Böcklin, laisse peu de place à l’individu. Le poète Guillaume Apollinaire, fervent défenseur du peintre, est représenté ici en Apollon, le regard masqué derrière des lunettes noires (préfiguratrices des « Ray-Ban » ?), comme aveuglé lui-même par le trop grand rayonnement que sa divinité solaire a pourtant fini de diffuser. Lèvres closes, la bouche triste de la statue, fermée sur une moue désenchantée, ne profère aucune prophétie. Le poète tourne le dos à ce dont il pressent la présence, mais se refuse à voir : le fantôme silencieux qui glisse derrière la colonne « antique » sa silhouette inquiétante, symbole des désastres à venir. Du monde ancien que réfute le poète, il ne reste plus que quelques idoles, réduites à l’état de moulages. Celui d’un poisson, symbole christique et une main gantée. Symbole d’un pouvoir déchu ?

    « À la fin tu es las de ce monde ancien ! » clame Guillaume Apollinaire dès l’ouverture de « Zone », dans Alcools (1913). C’est aussi ce que semble vouloir dire Giorgio De Chirico. Les dieux sont morts. Seules demeurent, glacées et mutiques, les icônes aveugles du passé tandis que se profilent et planent sur la ville désertée, les ombres sinistres du mal !


Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli



    * Le mouvement Pittura metafisica a été fondé par Carlo Carrà et Giorgio De Chirico en 1915. L’expression Peinture métaphysique a été utilisée pour la première fois en 1913 par Guillaume Apollinaire, dans les Soirées de Paris, pour qualifier la peinture de De Chirico.




    Autres toiles de Giorgio De Chirico figurant sur Terres de femmes :

– Giorgio De Chirico, Le Duo [Les mannequins de la Tour Rose], 1915.
– Giorgio De Chirico, Andromaque, 1916.



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