Isabelle Lévesque, Ossature du silence

Isabelle Lévesque, Ossature du silence,
Éditions Les Deux-Siciles, Collection Poésie,
77330 Ozoir-la-Ferrière, 2012.
Encres de Claude Lévesque.
Préface de Pierre Dhainaut.



Lecture d’Angèle Paoli


Ossature du silence, page 29

« antique vin chargé des blessures
château démantelé
les pierres feront des maisons
toits simples sur

qui reste »







DIALOGUES D’ENCRES



Mystérieux, le titre du dernier recueil d’Isabelle Lévesque déconcerte. Énigmatique Ossature du silence. Comment circonscrire dans une forme le silence ? Quelle ossature lui donner lorsque celui-ci n’est qu’une ombre ? Par essence, volatile, fugitive, insaisissable ?

Par-delà, quel chemin de craie emprunter pour enter nos mots à ceux du poète ? Ancrer nos pas dans les dessins du père, récemment disparu. Se laisser guider au creux de l’ossature qui squelette, légère, ce petit opus, afin de percevoir ce qui, dans la jonction des mots et des encres, structure le temps. Passé présent se raboutent de part et d’autre des deux rives de la Seine, jonction étroite entre deux gestes, l’écrire et le tracer du dessin. Dialogue d’encres, « tu recommences »/« Je reviens ».

Isabelle Lévesque interroge les encres laissées par son père, jouxte ses mots à ses traits, traçant sur la page un chemin de mémoire. La poète suit les tracés du père, croquis surpris sur les carnets, à l’angle des feuilles. L’enfant des Andelys aime à les surprendre et recrée, avec les mots de ses poèmes, le lien entre « ce qui ronge, ce qui érige ». Là, sur la feuille, s’effacent les frontières, s’arriment les contraires. Les mots émaillent, trouent le silence blanc de la page. Ce qui relie ― (le calcaire) ― l’écriture. Les dessins. « La craie calme millénaire ». Creux et fentes de pierre blanche enserrent coteaux et ruines, le passé lointain de l’Histoire et celui plus proche de l’enfance ― « craie d’école, lissé », contes et vers ― et les mots tirés du silence. « L’écriture naît aux Andelys ».

Au cœur du texte ― en ouverture et en clôture, deux textes en italiques servent de bornage au texte principal ―, disséminées dans ses failles, affleurent les traces du père, légères, furtives, des esquisses, à peine, des silhouettes de murailles, des fantômes. Le Château-Gaillard de haute mémoire esquisse ses formes, ébauches de donjons, fenêtres vides et fissures, flammèches et zébrures, gouttes et pluie de traits filiformes. Quelques signes, qui trouent le rideau des parois de craie. Un paysage intérieur gagne. Habite l’espace. Un lieu chargé d’histoire et de mystère. La Normandie, la Seine, Les Andelys. Richard 1er Cœur de Lion. Sa forteresse démantelée, son « antique vin chargé des blessures ». Ses falaises de calcaire qui forment passage entre un avant et un après.

Isabelle Lévesque questionne : le ciel, l’infini ― « racine et ciel » (la mère et le père) ―, « l’ombre du silence » ; les souffles, de la pierre et des insectes. L’écriture crypte la page, les mots sculptent le silence, le prennent dans leurs mailles. « Ossature du silence », au cœur du poème, laisse affleurer le secret de ses images duelles. Érodée, l’écriture, tout en rupture de constructions et de rythmes, érige le poème. Dans le silence blanc de la page.



Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli






Isabelle Lévesque, Ossature du silence





ISABELLE  LÉVESQUE


Isabelle Lévesque
Source



■ Isabelle Lévesque
sur Terres de femmes

C’est tout c’est blanc
[Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
[Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
Le Fil de givre (lecture d’AP)
Le Fil de givre (lecture de Jean Marc Sourdillon)
[Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
Chemin des centaurées (lecture d’AP)
Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
[Les serments] (poème extrait de Le tue braccia saranno)
[Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
[Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
[Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l’oubli)
Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
Voltige ! (note de lecture d’AP)
Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
Territoire
→ (dans la galerie Visages de femmes)
le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un autre poème extrait de Va-tout)



■ Voir aussi ▼

→ (sur La Pierre et le Sel)
Isabelle Lévesque, de la terre à la lumière, par Pierre Kobel
→ (sur La Pierre et le Sel)
une recension d’Ossature du silence par Marie-Hélène Prouteau
→ (sur Recours au poème)
une recension d’Ossature du silence par Thomas Demoulin




■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
sur Terres de femmes


Max Alhau, Les Mots en blanc
Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
Gabrielle Althen, Soleil patient
Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
Edith Azam, Décembre m’a ciguë
Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
Mathieu Bénézet, Premier crayon
Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
Claudine Bohi, Mère la seule
Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
Fabrice Caravaca, La Falaise
Colette Deblé, La même aussi
Jean-Pierre Chambon, Zélia
Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
Pierre Dhainaut, Après
Pierre Dhainaut, Ici
Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
Pierre Dhainaut, Voix entre voix
Armand Dupuy, Mieux taire
Armand Dupuy, Présent faible
Estelle Fenzy, Rouge vive
Bruno Fern, reverbs    phrases simples
Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
Aurélie Foglia, Gens de peine
Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
Laure Gauthier, kaspar de pierre
Raphaële George, Double intérieur
Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
Sabine Huynh, Kvar lo
Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
Mélanie Leblanc, Des falaises
Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
Dominique Maurizi, Fly
Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
Nathalie Michel, Veille
Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
Jacques Moulin, L’Épine blanche
Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
Hervé Planquois, Ô futur
Sofia Queiros, Normale saisonnière
Jacques Roman, Proférations
Pauline Von Aesch, Nu compris





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