Anne-Marie Albiach | La Gradiva

« Poésie d’un jour »



Ph., G.AdC
Une lumière va sourdre dans l’éveil de la mémoire mise à mort et dans ce pan de couleurs (1) LA GRADIVA


    Elle tient ― une lignée vocale « Allongée » dans la charge sombre des tentures. Une répétition d’eau mine les vitres : tombe : surplombe la chute noire. Nuit. la voix. Elle extrait le mythe de celle qui se jette un flambeau à la main dans la verrière nocturne. Des personnages épient la montée du thème. la voix se donne alternative et se reprend, tandis que les larmes des acteurs simulent la disparition. elle subit la torture des absences répétitives, et la voix redit les notes de la rencontre et de la disparition.
    l’absence dans la voix se joue plusieurs fois. Comme la note dans la peinture déjoue la fixation de la couleur, à plusieurs degrés. le blanc est mis à nu ; le corps pansé de près de bandelettes odoriférantes « le lied perce un corps nu que dévore une broderie » la menace perpétuelle oscille avec la nuit. Elle se tient dans le passage
      Remontent aux lèvres les répétitions anciennes du dénuement. Une forme d’élaboration alternée : tout ce qui se passe comme sur la scène d’un opéra dédoublé s’enfonce dans les coulisses, archives d’un acte presque oublié, dont une blessure factice palpite sous les bandages : ils jouent avec l’alternance des secondes un jeu serré Un corps éclate se renverse sur la couche : « la voix monte dans une tache qui se plaque sur la toile » la nuque supporte la tombée des draperies sombres
    Y a-t-il une réponse répètent-ils ?            les bijoux ― les bijoux qui gardent le corps symbolique le préservent de la chute à travers la vitre.     le chant    Une cité élaborée et ses colonnes stratifiées. D’elles sortent les pas d’une Gradiva parée pour la rencontre seconde.
    Dans les feuilles elles retournaient lentement à leur corps. Elles pourraient courir sur des terrains glaireux, glisser la voix s’est dédoublée, les bandages tombent. Ce mal qui le prenait à la cheville ne l’empêche pas d’aller à sa rencontre
    Une lumière va sourdre dans l’éveil de la mémoire mise à mort et dans ce pan de couleurs


Anne-Marie Albiach, La Gradiva in Anawratha, Spectres Familiers, 1984 ; rééd. Éditions Al Dante, 2006, pp. 65-66.





ANNE-MARIE ALBIACH


Albiach
Image, G.AdC



■ Anne-Marie Albiach
sur Terres de femmes

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la voix distincte (+ bibliographie)
Le chemin de l’ermitage
4 novembre 2012 | Mort d’Anne-Marie Albiach
→ (dans la galerie Visages de femmes)
Délinéation du désir



■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur le site du Monde)
Anne-Marie Albiach, figure de la poésie française contemporaine, par Florent Georgesco
→ (sur Jacket2)
Anne-Marie Albiach (1937-2012), par Charles Bernstein
→ (sur le site du cipM)
une fiche bibliographique sur Anne-Marie Albiach + un extrait sonore (La Nuit) [pour un accès direct à l’extrait sonore, cliquer ICI]
Anne-Marie Albiach dire « Énigme IX » (État) et « Esquisse: le froid » (Mezza voce). Enregistrement effectué par Jonathan Skinner dans l’appartement de la mère de l’auteure, rue de l’Hôtel-de-Ville à Neuilly-sur-Seine, le 29 juillet 2000 et le 31 juillet 2000 (Source : Kenning 12)
→ (sur YouTube)
Anne-Marie Albiach – In Memoriam (une émission d’Alain Veinstein sur France Culture avec Anne-Marie Albiach en 2003)





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Commentaires

  1. Avatar de Dominique Hasselmann

    Gradiva peut-être avec une trace freudienne, belle dans son étrangeté et ses bandelettes odoriférantes.

  2. Avatar de Angèle Paoli

    Oui, cher Dominique, la référence à Wilhelm Jensen, Gradiva, fantaisie pompéienne est mentionnée dans la table des matières de cet opus.

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