Richard Berengarten | Nada : hope or nothing

« Poésie d’un jour »
choisie par Sabine Huynh



NADA : HOPE OR NOTHING




Like a windblown seed, not yet rooted
or petal from an impossible moonflower, shimmering,
unplucked, perfect, in a clear night sky,


like a rainbow without rain, like the invisible
hand of a god stretching out of nowhere
to shower joy brimful from Plenty’s horn,


like a greeting from a child, unborn, unconceived,
like an angel, bearing a gift, a ring, a promise,
like a visitation from a twice redeemed soul,


like a silent song sung by the ghost of nobody
to an unknown, sweet and melodious instrument
buried ages in the deepest cave of being,


like a word only half heard, half remembered,
not yet fully learned, from a stranger’s language,
the sad heart longs for, to unlock its deepest cells,


a blue butterfly takes my hand and writes
in invisible ink across its page of air
Nada, Elpidha, Nadezhda, Esperanza, Hoffnung.




Richard Berengarten, The Blue Butterfly in The Balkan Trilogy, Selected writings 3, Part 1, Salt Publishing, 2006 & 2008 ; Shearsman Books, 2011, page 9.







Richard Berengarten, The Blue Butterfly







NADA : L’ESPOIR OU RIEN



Comme une graine portée par le vent, pas encore semée
ou un pétale détaché d’une fleur lunaire improbable, scintillante,
non effeuillée, parfaite, dans un ciel nocturne clair,


comme un arc-en-ciel sans pluie, comme la main invisible
d’un dieu, surgie de nulle part
pour répandre la joie débordant d’une corne d’abondance,


comme l’appel d’un enfant, pas encore né ni conçu,
comme un ange, porteur de présents, une bague, une promesse,
comme la visite d’une âme par deux fois rachetée,


comme un chant silencieux psalmodié par le fantôme de personne
à un instrument inconnu, doux et mélodieux
enfoui depuis une éternité au plus profond de la caverne de vie,


comme un mot à moitié entendu seulement, à moitié évoqué,
pas encore tout à fait appris, de la langue d’un étranger, dont le cœur
désolé, dans le désir de libérer ses cellules les plus intimes, se languit,


un papillon bleu prend ma main et écrit
à l’encre invisible à travers sa page d’air
Nada, Elpidha, Nadezhda, Esperanza, Hoffnung.


Traduction inédite de Sabine Huynh





RICHARD BERENGARTEN


Richard Berengarten
Source



(notice bio-bibliographique et note éditoriale établies par Sabine Huynh)

Descendant d’une famille de musiciens, Richard Berengarten (connu antérieurement sous le nom de Richard Burns) est né à Londres en 1943. Il a vécu en Italie, en Grèce, aux États-Unis et en ex-Yougoslavie. Il vit aujourd’hui à Cambridge (Angleterre), où il enseigne à l’université et où il a fondé en 1975 le Cambridge Poetry Festival. Davantage que poète britannique, il se revendique comme poète européen écrivant en anglais. Ses poèmes ont été traduits en une trentaine de langues (publiés soit sous le patronyme de Berengarten, soit sous celui de Burns).


The Blue Butterfly (« Le Papillon bleu ») fait partie d’un ensemble de cinq volumes. Il en constitue le troisième volume, publié en 2006 & 2008 dans la série des Textes choisis de Richard Berengarten (Selected Writings, Salt Publishing). Il est aussi le premier volet de sa Trilogie des Balkans (Balkan Trilogy), suivie de In a Time of Drought et d’Under Balkan Light. The Blue Butterfly s’inspire en premier lieu du massacre perpétré à Šumarice, aux abords de la ville de Kragujevac, en octobre 1941, mais aussi de la rencontre entre l’auteur et un papillon bleu, au même endroit, en mai 1985. Les poèmes sont accompagnés de documents, de photographies, d’une postface et d’un ensemble de notes, qui informent le lecteur sur le contexte, les dates et les lieux de rédaction du recueil. En octobre 2007, l’auteur a reçu le Veliki skolski čas prize lors de la commémoration annuelle du massacre de Kragujevac, et le poème « Le Papillon bleu » a servi de fil conducteur pour l’oratorio de la cérémonie en plein air de commémoration des victimes.


Le site officiel de Richard Berengarten => http://www.berengarten.com/site/





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Commentaires

  1. Avatar de christiane
    christiane

    Du massacre de Kragujevac à ce poème, tant d’années ont passé… 1941… 1985…
    Du monument-mémorial « Les ailes brisées » érigé sur le site de Sumarice à ce papillon bleu, de ces enfants-graines et de leurs professeurs assassinés à ces fleurs de ciel et d’arc-en-ciel, il a fallu que la mémoire trace entre grâce et gravité des paroles si justes qu’elles ont inspiré (trilogie) l’oratorio de la cérémonie qui a eu lieu en mémoire de toutes les victimes. Ainsi parfois la mort peut se traverser et par l’aile d’un papillon posée sur la main d’un poète, Richard Berengarten, s’alléger de tendresse. Grâce à la traduction de Sabine Huynh et à sa note biographique nous entrons dans la douceur du poème, dans l’horreur de la tragédie même si le son des mots est différent dans les deux langues. Ainsi ces « like » qui poussent les strophes vers le « blue butterfly ». Il faut alors marcher entre ces deux rives pour entrer dans la spiritualité du poème. Tant de légèreté délicate à poser sur la mémoire de ceux qui n’ont pas eu le temps de vivre, tant de bleus à l’âme, de vent, de « pétale… improbable », dans « ce chant silencieux psalmodié par le fantôme de personne »… Toute « une éternité au plus profond de la caverne de vie ».

  2. Avatar de Sabine Huynh

    Merci pour cette très belle mise en ligne, Angèle et Yves !

    Merci pour votre commentaire touchant, Christiane.

    Sabine

  3. Avatar de Sabine Huynh

    Richard Berengarten m’informe que grâce à ce livre (The Blue Butterfly), la commune de Kragujevac lui a accordé en 2012 la citoyenneté honorifique.
    Sabine

  4. Avatar de Lucy Hamilton
    Lucy Hamilton

    Reading ‘NADA: HOPE OR NOTHING’ and many others throughout The Balkan Trilogy is to experience moments of rare intuition and epiphany. One feels brushed by an ancient wind: residual voices, scents & visual motifs carried from other worlds, underworlds, paradisal and infernal, informing and illuminating the European present, the universal. Richard Berengarten articulates the unsayable and the horrific, and conveys unflinchingly a breadth and depth of experience with the beauty and lightness of a butterfly’s wing.

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