Sylvie Fabre G. | La demande profonde

Poésie dédiée à Jean-Louis Giovannoni


«  Poésie d’un jour »
dédiée à Jean-Louis Giovannoni



En lisant Voyages à Saint-Maur et
la poésie de J.-L. G.



Et lointain un village corse.
Source







LA DEMANDE PROFONDE




Du bout de l’horizon, du là-bas qui hante l’ici,
quand « la terre gagne », que s’abîment les morts
et que les temps s’emmêlent, le passé soulève
le présent, ouvrant d’autres vies dans ta vie.
Est-ce les mots alors qui viennent te chercher
répondant à ta demande profonde pour la vêtir ?
Tu oublies le cimetière et la maison déserte,
la langue en toi se met à parler, rapproche
ta voix des paysages intouchés,
du corps livré à la matière et aux vents.


À l’affût tu crois entendre l’enfance
qui la colore, sur fond de mère disparue
elle chantonne contre la peur, c’est l’heure,
il ne faut pas lâcher prise et écrire ce qui s’écrit
à la source de douleur, fragments ou fresque,
sa mosaïque est lieu d’amour désabrité,
il ne faut pas lâcher prise et envisager pour survivre
le temps enfui immobile, sa porte ouverte
sur ombres éphémères et étonnantes lumières,
devant derrière, là tu demeures.


En errances de possible et impossible passage,
vers, autour, à côté, jusqu’à, ta quête
qui se fait enquête, un moment tu crois en tenir la clé
qui ouvre à Saint-Maur le 23 rue Jean-Jaurès
mais la porte est à jamais close, et par le haut
ou par le bas toujours tu ne fais qu’approcher
son rêve et sa réalité. Malgré l’appel
ni la maison d’enfance, ni le visage de la mère
ne réapparaissent au grand jour, malgré l’appel
ils continuent leur danse dedans.


Les bruits, les odeurs, les saveurs nourris
des choses et des êtres habillent tes souvenirs
et seule la mémoire reconstitue le peu d’histoire :
vombrissants hannetons, tricots et chat, graines
parfum de mère et pétillante Vittelloise, paroles,
café banlieue, femmes et Dédé, idiot et monstres
sortis des murs ou du noir, otites et poliomyélite
le lait et les livres à boire, à l’école des fantômes
les voix et les images parlent en silence
d’années 1950, points d’ancrage et d’éloignement.


Il y a encore la Marne, sa passerelle et la barque,
une mère et son garçon. Et lointain un village corse.
Dans une disposition de résonances, la contemplation
se fait éperdue à travers la vitre d’un bus en marche
ou sur des photos sépia, l’aération est la même,
les saisons passent, et jamais hors, est-ce ton geste
d’écrire qui te les rend sans issue de retour
mais en parfait état de conservation ?
La barque pourtant est sous les eaux, la mère
sous terre, le village abandonné et l’enfant sur son vélo


n’est plus qu’un filet de voix dans ta voix,
pulsatile comme la présence,
et flou comme ses frontières.
Partir et revenir, loger et croître
pour supporter l’insupportable
pour décanter et faire circuler le souffle
sur les visages morts ou absents,
l’état du corps ou de l’âme n’y change rien
ni la question d’être ici ou là-bas,
tes mots, vivant, sont des oiseaux en vol.


Dans leur sillage ils délivrent le vide et le plein,
éclairent l’enfoui et les interstices,
ils donnent un instant au corps leur énergie,
une vibration qui tient en éveil ta voix
où ils ont élu domicile et compagnie.
De l’autre côté alors peuvent te revenir
les existences, rayonnement du feu
et montée de la fumée, ta tâche de poète
est d’agrandir pour nous le temps et l’espace
de l’inséparable où elles brûlent.


Sylvie Fabre G.
D.R. Texte Sylvie Fabre G.
pour Terres de femmes





SYLVIE FABRE G.


Sylvie Fabre G.
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■ Sylvie Fabre G.
sur Terres de femmes

Frère humain (note de lecture d’AP)
Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
[À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
[C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
Lettre des neiges éternelles (extrait de La Maison sans vitres)
Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
Pays perdu d’avance (note de lecture d’AP)
Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
[La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
[Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
Tombées des lèvres (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
[Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
Quelque chose, quelqu’un
Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
Jean-Marie de Crozals & Sylvie Fabre G. | [La montagne bascule]
→ (dans la galerie Visages de femmes)
le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
L’au-dehors
→ (dans les Chroniques de femmes)
L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
→ (dans les Chroniques de femmes)
Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
→ (dans les Chroniques de femmes)
Une terre commune, deux voyages



■ Lectures de Sylvie Fabre G.
sur Terres de femmes

Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer
Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman
Ludovic Degroote, Un petit viol, Un autre petit viol
Pierre Dhainaut, Après,
Alain Freixe, Vers les riveraines
Emmanuel Merle, Ici en exil
Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation
Pierre Péju, Enfance obscure
Pierre Péju, L’État du ciel
Didier Pobel, Un beau soir l’avenir
Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer
Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.






JEAN-LOUIS  GIOVANNONI


Giovannoni 3
Ph. © Phil Journé
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■ Jean-Louis Giovannoni
sur Terres de femmes

Voyages à Saint-Maur (note de lecture d’AP)
[Huitième voyage à Saint-Maur]
Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
Envisager (note de lecture de Tristan Hordé)
[Il faut si peu de chose] (extrait de Variations à partir d’une phrase de Friedrich Hölderlin)
Issue de retour (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
Issue de retour (note de lecture d’AP)
[Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant] (extrait de Journal d’un veau)
[Le jour se lève] (extrait de Sous le seuil)
Mère (+ notice bio-bibliographique)
[Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
[Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
[Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
Sous le seuil (note de lecture d’AP)
[toujours cette envie de t’ouvrir] (extrait de Derrière la vitre)
[Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (note de lecture d’AP)
Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (note de lecture d’AP)



■ Voir | écouter aussi ▼

→ (sur le site des éditions Champ Vallon)
la page de l’éditeur consacrée à Voyages à Saint-Maur
→ (sur Eden Livres)
un autre extrait de Voyages à Saint-Maur






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