Claude Ber | In memoriam

« Poésie d’un jour



IN MEMORIAM
Ad plures ire
(extrait)



Je te souviens pourtant au nid des corps à souvenir
champ de maïs au traversant des plaines
bruissant de vent
sa coulée de couleuvre entre les épis

fuyant le temps au dormant des fenêtres
ce lit des blés couchés c’est ta tombe le tertre
où ils s’arasent
le cœur commun que nous a fait l’amour

bat encore là je ne sais où
son édifice immatériel perdu dans un bout de Beauce
moissonné en bord de route droite

dans l’odeur de foin grillé
le bleu simple d’un ciel mince
son clapet d’éternité refermé sur nous à nos mesures


Au balancier des saisons (chaque septembre le remugle des feuilles fanées) tu suivais vivre, demain, encore ou bientôt
les nuages sans terre visible à leur dessus
la glissière des yeux curieux
le plaisir que tu avais des gens, des choses
Tu aimais aussi le courage et la clarté. Tout cela écarquillé par la mort. Sans équité. Sans justice. Le temps venu de moins que ton ombre dans sa paix.


La folie a mangé la moitié de ma vie et l’entier de la tienne, riveraine de biais pendue aux pampilles de l’esprit comme dans le parfum poivré des immortelles la chair blanche des eucalyptus est sous l’écorce

ce qui en réchappe s’agite désordonné et dérisoire
dénué de sensation de soi-même
une roue tourne silencieuse à la moue d’un capot
puis plus rien à ce rien donné absolument

ne reste de la nuit que ta rencontre, yeux vides, avec une telle tristesse d’être en mort que j’ai serré tes côtes creuses contre moi pour te consoler, berçant tes
os
et l’avenir offert comme un verre de vin je l’ai bu, trinquant au plus grand nombre que j’irai rejoignant, fuyant ma vie fuyante, que je croyais posée sur mon épaule voletant à mon cou l’apprivoisée, quand un fouet de soie a claqué une joue d’esclave à ma face et une voix de hache m’a finie au merlin telles les bêtes à l’abattoir autrefois, tandis que, soulagée de tout, dans le léger d’une vie soufflée comme un cheveu, j’ai ramené à mon visage le tien et tous ceux que j’ai aimés pour qu’ils m’emportent avec la joie que j’ai eue d’eux



Claude Ber, “In memoriam, Ad plures ire,” in Épître Langue Louve, fragments 6, Éditions de l’Amandier, Poésie, Collection Accents graves Accents aigus, 2015, pp. 60-61-62.







Claude Ber, Epitre, Langue Louve




CLAUDE BER


Claude-BER  ©-Adrienne-Arth NB
Ph.© Adrienne Arth
Source




■ Claude Ber
sur Terres de femmes


Épître Langue Louve (note de lecture d’AP)
Il y a des choses que non (note de lecture d’AP)
La mort n’est jamais comme (note de lecture d’AP)
Je dis mer (extrait de La mort n’est jamais comme)
Sinon la transparence (extrait du recueil Sinon la transparence)
[Toujours la langue veut dire] (extrait du recueil Il y a des choses que non)
Vues de vaches (note de lecture d’AP)
Claude Ber, Pierre Dubrunquez, L’Inachevé de soi (note de lecture d’AP)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
le miel à la bouche




■ Voir aussi ▼


le site de l’écrivain Claude Ber
→ (sur Place de la Sorbonne)
une lecture d’Épître Langue Louve par Joëlle Gardes



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