Pier Paolo Pasolini | [Ma io parlo… del mondo]

« Poésie d’un jour



Les premières marques d’une vieillesse féroce
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[MA IO PARLO… DEL MONDO]



Ma io parlo… del mondo ― e dovrei,
invece ― parlare dell’Italia, e anzi,
di una Italia, di quella di cui sei,

con me, destinatario dei miei versi, figlio:
fisica storia in cui ti circostanzi.
L’ho chiamato « innocente », il mondo, io,

io, in quanto cieco, figlio martoriato.
Ma se guardo intorno questi avanzi
d’una storia che da secoli ha dato

soltanto servi… questa Apparizione
in cui la realtà non ha altro indizio
che la sua brutale ripetizione…

che scena… espressionistica! Penso a un giudizio
subìto senza senso… le toghe… le tristi autorità del Sud…
dietro i visi dei giudici ― in cui il vizio

è un vizio di dolore, che denuda
ambienti miserandi ― non si leggeva che impotenza
a uscire da un’oscura realtà di parentele, da una cruda

moralità, da una provinciale inesperienza…
Quelle fronti da Teatro dell’Arte,
quei poveri occhi di obbedienti onagri

intestarditi, quelle orecchie basse,
quelle parole che per mascherare
il vuoto si gonfiavano a recitare una parte

di paterna minaccia, di indignazione floreale!
Ah, io non so odiare: e so quindi che non posso
descriverli con la ferocia necessaria

alla poesia. Dirò solo con pietà di quella faccia
di calabrese, con le forme del bambino
e del teschio, che parlava dialettale

con gli umili, scolastico coi grandi.
Che ascoltava attento, umano,
e intanto, negli ineffati e nefandi

fori interiori, covava il suo piano
di timido che il timore fa spietato.
Ai lati, altre due faccie ben riconoscibili,

faccie che per strada, in un bar affollato,
sono le faccie deboli, poco sane,
di precoci invecchiati, di malati

di fegato: di borghesi il cui pane
certo non sa di sale, non ignobili, no,
non prive affatto di sembianze umane

nel pungente nero degli occhi, nel pallore
delle fronti martoriate dalla prima
feroce anzianità… Un quarto inviato del Signore

― certo ammogliato, certo protetto da un giro
di rispettabili colleghi nella sua città
di provincia ― rappreso in un sospiro

di malato nei visceri o nel cuore ―
se ne stava in un banco isolato: come sta
chi si prepara a un premeditato disamore.

E davanti a questi, il campione: colui che ha
venduto l’anima al diavolo, in carne e ossa.

[…]



Pier Paolo Pasolini, La realtà in Poesie in forma di rosa, Garzanti Editore, 1964, 1976.






[MAIS JE PARLE… DU MONDE]



Mais je parle… du monde — et je devrais
plutôt — parler de l’Italie, et même
d’une certaine Italie, de celle dont tu es,

avec moi, destinataire de mes vers, le fils :
histoire physique dans laquelle tu te circonscris.
Je t’ai appelé « innocent », le monde, moi,

Moi, en tant qu’aveugle, fils martyrisé.
Mais si je regarde autour ces restes
d’une histoire qui depuis des siècles n’a donné

que des esclaves… cette Apparition
où la réalité n’a pas d’autre indice
que sa brutale répétition…

quelle scène expressionniste ! Je pense à un jugement
subi, privé de sens… les toges… les tristes autorités du Sud…
derrière les visages des juges — dont le vice

est un vice de douleur, qui dénude
des milieux misérables — ne se lisait qu’impuissance
à sortir d’une obscure réalité de parentés, d’une crue

moralité, d’une provinciale inexpérience…
Ces fronts de Commedia dell’Arte,
ces pauvres yeux d’onagres obéissants

entêtés, ces oreilles basses,
ces mots qui pour masquer
le vide s’enflaient pour jouer un rôle

de menace paternelle, d’indignation Art nouveau !
Ah, je ne sais pas haïr : et je sais donc que je ne peux pas
les décrire avec la férocité nécessaire

à la poésie. Je parlerai seulement avec pitié de ce visage
de Calabrais, avec les formes de l’enfant
et de la tête de mort, qui parlait en dialecte

avec les humbles, dans un style scolaire avec les grands.
Qui écoutait avec attention et humanité,
et en même temps, dans les fors intérieurs

tacites et indicibles, couvait son plan
de timoré que la peur rend impitoyable.
À ses côtés, deux autres visages bien reconnaissables,

visages qui dans la rue, dans un bar plein de monde,
sont les visages faibles, malsains,
de vieux avant l’heure, de malades

du foie : de bourgeois dont le pain
n’a certes pas le goût de sel, pas ignobles, non,
pas entièrement privés d’un semblant d’humanité,

dans le noir transperçant des yeux, dans la pâleur
des fronts martyrisés par les premières
marques d’une vieillesse féroce… Un quatrième envoyé du Seigneur

— évidemment marié, évidemment protégé par une clique
de collègues respectables dans sa ville
de province — figé dans un soupir

de malade de digestion et de cœur —
se tenait isolé sur un banc : comme quelqu’un
qui se prépare à un désamour prémédité.

Et devant eux, le champion : celui qui a
vendu son âme au diable, en chair et en os.

[…]



Pier Paolo Pasolini, La réalité (extrait) in Poésie en forme de rose, édition bilingue, Rivages poche | Petite Bibliothèque, 2015, pp. 124-125-126-127-128-129. Traduit de l’italien, annoté et préfacé par René de Ceccatty.





Pier Paolo rose 2






PIER  PAOLO  PASOLINI


Pasolini
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■ Pier Paolo Pasolini
sur Terres de femmes

5 mars 1922 | Naissance de Pier Paolo Pasolini
22 septembre 1962 | Sortie de Mamma Roma (Pier Paolo Pasolini)
2 novembre 1975 | Mort de Pier Paolo Pasolini
Al principe
A na fruta (+ bio-bibliographie)
El cuòr su l’aqua
Le chant des cloches
Pier Paolo, le poète assassiné
La Rage (extraits)



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