Françoise Ascal | [tu aurais voulu l’oublier]

« Poésie d’un jour



[TU AURAIS VOULU L’OUBLIER]



Tu aurais voulu l’oublier
ou ne jamais l’entendre
mais tu tendais l’oreille stationnais près de la margelle guettais malgré l’interdit

tu guettes encore

tu ne veux pas manquer le moindre de ses murmures mélopées sanglots litanies bercements tout cela qui vacille dans l’ombre de jour comme de nuit tout cela qui coule et roule dans sa voix secrète sa voix d’eau souterraine sa voix cachée retirée du monde mutique volontaire campée dans un refus de forêt noire non pas de pacte avec la lumière pas d’étreinte avec le bleu du ciel toujours elle veillera le malheur

elle n’entend pas les vivants qui l’appellent elle a quitté leur table depuis longtemps elle est avec eux les morts ses morts pour eux seuls sa langue se délie elle leur parle les rassure ils sont nombreux ne vieillissent pas à celui en tenue de soldat elle confie qu’elle ne tardera pas à cet autre elle chant une comptine

tu cherches les morts tu te demandes si toi aussi tu as des morts partout dans la maison tu les cherches les siens les tiens tu crois les apercevoir entre les cloisons ajourées de la grange les surprendre dans le craquement du plancher il leur arrive de te frôler quand tu t’attardes dans les friches un soir de lune tu les devines terrés au fond du puits

est-ce que les morts parlent
tu lances tes mots dans l’énigme la peur te répond
la peur trace des cercles au centre tu perds ton nom

tu aurais aimé l’oublier
ou ne jamais l’entendre
mais tu guettes encore

tu ne l’entends plus

elle est devenue ton ombre



Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, Éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2015, s.f. Dessins de Gérard Titus-Carmel.







Ascal desvoixdanslobscur





FRANÇOISE ASCAL


Francoise Ascal par Michel Durigneux
Ph. © Michel Durigneux
Source





■ Françoise Ascal
sur Terres de femmes


[longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
[Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
[Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
Des voix dans l’obscur (note de lecture d’AP)
Levée des ombres (note de lecture d’AP)
Lignées (note de lecture d’AP)
[Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
Mille étangs
L’Obstination du perce-neige et Variations-prairie (lectures d’AP)
Rouge Rothko
16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




■ Voir aussi ▼


→ (sur le site de la mél)
une fiche bio-bibliographique sur Françoise Ascal
le site des éditions Æncrages & Co





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