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FIGURE 42.
C’est probablement assez vain de vouloir parler de ce paysage dans l’ouest du Massachusetts que c’est des maisons de style colonial peintes blanches et noires le plus souvent avec une sorte de portique devant ou simplement une forme en triangle au-dessus de la porte quand on s’approche on voit mieux les détails naïfs et fins de l’ouvrage dans le bois autour une étendue d’herbe fait que c’est toujours très propre et les dimensions de la pelouse ça arrive que c’est comme un pré entier avec un orme ou des érables volumineux dans l’espace de la saison tout ça que je voudrais dire comme un souvenir commun à ce poème et au plaisir d’un improbable lecteur c’est je comprends bien pas la peine que ça bouge peut-être les mots je voudrais que ça ouvre entre l’idée qu’on a habituellement d’un pré et la façon de penser avec son cœur au mot maison un espace autrement, qu’à la fois le mal connu et la familiarité s’y mêleraient dedans.
Dans le prolongement de l’automne en ce pays de la Nouvelle-Angleterre la couleur étonnamment rouge des feuillages ça ressemble d’une façon à la fois emportée et mesurément satisfaisante le plaisir d’aujourd’hui avec des visages qu’on a aimés les joues le cœur en désordre à travers les buissons où je me souviens mal quelle invention d’enfant que ça consistait à jouer à la vache et au taureau avec des fruits d’églantier un peu au loin on voit les tuiles du village la campagne autour c’était plus modérément coloré en automne mais justement dedans ces quelques détails vifs ça préparait le plaisir à maintenant connaître la splendeur à la fois tendre et obscène dans le rouge comme un cœur de ces arbres américains.
Pour vraiment parler précisément de ces maisons que j’aime il faudrait mettre ensemble ce que le cœur en peut dire à travers des souvenirs et des leurres pour mal oublier d’autres rouges avec des livres des reproductions qui montrent le détail de leur construction c’est pareil en somme pour tout et tel visage par exemple qu’on aime sa présence est autant l’ensemble des gestes mal précis qu’on le voit faire au loin autant une photographie dessus son sourire immobile est la solitude et le silence du monde que parfois soudain le mouvement de ses vêtements de ses lèvres dans l’espace alors confus que le désir et les yeux bougent ; les maisons coloniales de la Nouvelle-Angleterre quand on les imagine au loin on mesure entre les mots qu’on a pour penser à elles et la vraie couleur que ça fait leurs arbres grands devant et leur pelouse exactement la distance douloureuse et tendre qu’on met avec un poème entre un cœur on s’en souvient mal et des mots qu’on voudrait battants.
James Sacré, Figures qui bougent un peu, Gallimard, Collection blanche, 1978 in Figures qui bougent un peu et autres poèmes, Collection Poésie/Gallimard, 2016, pp. 112-113-114. Préface d’Antoine Emaz.
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JAMES SACRÉ
■ James Sacré
→ [Il y a le menhir] (extrait d’Et parier que dedans se donne aussi la beauté) → Le paysage est sans légende (lecture de Tristan Hordé) → Dans le format de la page (poème extrait du Paysage est sans légende) → Je t’aime. On n’entend rien (poème extrait d’Un paradis de poussières) → Le désir échappe à mon poème → Parfois (poème extrait d’Un paradis de poussières) → James Sacré, Lorand Gaspar | Dans les yeux d’une femme bédouine qui regarde ■ Voir aussi ▼ → (sur remue.net) James Sacré/Un paradis de poussières (article de Jacques Josse)→ (sur Loxias) une bio-bibliographie de James Sacré → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix) un article de James Sacré (« Une boulange de lyrisme critique »), texte paru dans la revue Le Nouveau Recueil (éditions Champ Vallon) → (sur Terres de femmes) | rouge | (Angèle Paoli) |
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