Joëlle Gardes | [Tota mulier in utero]

« Poésie d’un jour




[TOTA MULIER IN UTERO]




Tota mulier in utero
et celle qui écrit,
celle qui peint ?
n’y a-t-il de maternité que du ventre ?

Tota mulier in utero
tous ses maux viennent de la matrice
femme éternelle malade
nymphomane prostituée tribade
folle à surveiller à enfermer à cacher

Tota mulier in utero
je ne suis plus une femme dit la grand-mère qui ne voit plus depuis longtemps et se lamente dans son fauteuil d’ennui

Le chef de la police a dit :
il est fait interdiction aux femmes de rouler en bicyclette
Le chef du gouvernement a dit :
il est fait interdiction aux femmes de conduire une voiture
Tous ont dit :
tu ne voteras pas
tu n’apprendras pas à lire, la révolte se puise dans les livres
tu ne te réuniras pas avec d’autres femmes, les hommes vont en bande, les femmes restent seules
tu ne t’approcheras pas du saloir les jours d’impureté
tu pourrais gâcher le lard
tu ne participeras pas aux armées de la révolution qui crie à l’égalité
à la rigueur tu seras cantinière ta place est aux fourneaux
tu honoreras ton époux qui te déshonorera sans vergogne
tu seras belle mais tu voileras tes cheveux
tu te tairas

femme moitié d’un homme
femme sans âme
femme de solitude et de silence

Tentatrice impudique
Sexe denté dévorateur
Bitch putain puttana whore
Femmes aux appâts dégoûtants
Cache ou rase tes cheveux
Voile ton visage lubrique
et baisse les yeux devant moi
tu es à moi moi seul qui ai le droit de te porter des coups
de te cracher à la face
bonne à rien bonne à tout
tu n’as que le droit de te taire et de m’obéir
moi fait à l’image de Dieu
toi à l’image de la chienne aux mamelles pendantes qui quémande et court derrière le maître et ne sait pas mordre la main qui le frappe et ne le nourrit même pas

J’envie ta patience et ta ténacité
j’envie ton ventre quand il s’arrondit
et si je te punis c’est que tu es la seule lumière dans mon obscurité.



Joëlle Gardes, « Malédictions » in Histoires de Femmes, Poèmes, Éditions Cassis Belli, 2016, pp. 43-44-45. Dessins de Stéphane Lovighi Bourgogne.






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JOËLLE GARDES


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■ Joëlle Gardes
sur Terres de femmes

« Les arcanes subtils d’une relation triangulaire » (La Mort dans nos poumons) [note de lecture + bibliographie]
Dans le silence des mots, poésie (note de lecture)
Et si la profondeur n’était que… (extrait de Dans le silence des mots)
L’Eau tremblante des saisons (lecture de Françoise Donadieu)
Jardin sous le givre (note de lecture + extrait)
Jardins de toute sorte (extrait de Sous le lichen du temps)
[Matinée de printemps précoce](extrait de L’Eau tremblante des saisons)
[Le regard tourné vers l’intérieur ou l’ailleurs] (extrait de La Lumière la même)
Méditations de lieux (note de lecture)
Ostinato e chiaroscuro (Ruines) [note de lecture + extrait]
31 mai 1887 | Naissance de Saint-John Perse (Joëlle Gardes, Saint John-Perse, Les rivages de l’exil, biographie)
Trentième anniversaire de la mort de Saint-John Perse/20 septembre 1975 (chronique de Joëlle Gardes)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
Hôpital



■ Voir aussi ▼

le site de Joëlle Gardes






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