Florentine Rey, Le bûcher sera doux

par Michel Ménaché

Florentine Rey, Le bûcher sera doux,
La rumeur libre éditions, 2019.
Prix Amélie-Murat 2020.



Lecture de Michel Ménaché



Poète, performeuse, animatrice d’ateliers d’écriture, Florentine Rey réédite une version nouvelle d’un recueil d’abord publié par Gros Textes sous un titre différent (Je danse encore après minuit, 2017). Pour cet ouvrage remanié, Le bûcher sera doux, elle a bénéficié d’une bourse de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle affiche un féminisme teinté d’une ironie mordante et fait preuve d’un humour roboratif, jouant sur les détournements d’expressions, les renversements de situation, la déconstruction par l’absurde des idées reçues…

L’auteure rit souvent d’elle-même en multipliant les autoportraits nonsensiques :

« J’ai un cœur de bouchère qui rissole à chacun de mes coups de sang ».

Ou encore :

« L’orage dehors c’est moi.

J’inonde. »

Elle se met en scène dans des tableaux grotesques qui font penser à certains dessins cruellement drolatiques de Topor :

« Je rêve de me faire plumer et de sentir des œufs chauds sous mes fesses. »

Plus incisive, ardemment polémique, Florentine Rey s’interroge sur la parité et constate :

« Il y a peu de candidates pour enfermer les hommes

les tabasser

les violer

en faire des marchandises

[…]

Il y a des femmes perdues dans un monde d’hommes

elles traversent la vie à la nage en tenant d’un côté

le réel

et de l’autre

la main de leurs enfants. »

Nettement plus concise que Simone de Beauvoir, elle réduit à un diptyque choc Le Deuxième Sexe :

« Les hommes ont des outils

les femmes des accessoires. »

Avec légèreté, elle franchit le pas, des revendications féministes au plaisir érotique intime, simplement suggéré d’une ellipse finement provocante :

« J’ai trouvé le commutateur pour faire tourner la terre

plus vite.

Touche ! »

Ou encore, conjuguant érotisme, humour et vertige métaphysique :

« L’équerre de mes cuisses mesure le vide entre

la bouche de Dieu

et mon désir. »

L’auteure s’inscrit radicalement dans l’errance avec son corps pour seul lieu, ou comme pour y avoir lieu. Elle évoque son nomadisme d’une métaphore lumineuse :

« À chaque halte, nouvelle lumière.

Derrière mes yeux : une grange où je stocke mes soleils. Quand finira l’errance je les allumerai tous.

Le bûcher sera doux. »

Frémissements à fleur de peau que le poème capte au rebond de la langue, en éclats sensibles et jubilatoires…



Michel Ménaché

D.R. Texte Michel Ménaché
pour Terres de femmes







Florentine Rey  Le bûcher sera doux 2






FLORENTINE REY


Florentine Rey 2
Source



■ Voir aussi ▼

→ (sur le site des éditions La rumeur libre)
la page de l’éditeur sur Le bûcher sera doux




■ Autres lectures de Michel Ménaché
sur Terres de femmes


Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement
Mireille Fargier-Caruso, Comme une promesse abandonnée
Maram al-Masri, Métropoèmes
Paola Pigani, Le Cœur des mortels






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