Jean-Louis Bernard | [Ailleurs est une éclaircie que je cultive]

« Poésie d’un jour



[AILLEURS EST UNE ÉCLAIRCIE QUE JE CULTIVE]





Ailleurs est une éclaircie que je cultive. J’aimerais y donner couleur à des paysages de perte, dans le doux épuisement de lieux désaccordés. Escorté par un feu glacé rendant mes empreintes habitables.

Ailleurs, mes foulées se taisent en cadence sur les prairies tourbeuses et les feuilles d’oubli. Il neige des légendes et des vaisseaux brûlés. Sous l’emprise du soir, le long coulis des vagues grises. Dans la nuit illimitée, le pas forcé des nostalgies. Envie de faire halte pour peindre le vent, pas les herbes qu’il couche ou les branches qu’il brise, juste en lui sa nudité sauvage. Peut-être faudrait-il faire l’offrande d’une ellébore pour pouvoir tracer son nom secret, comme il faut le rire des ponts pour étancher la soif des fleuves.

Ailleurs trouvent refuge nos bienveillances recrues de siècles, nos défaites nettoyeuses d’effigies. Pour moi qui suis de l’autre rive, le dit de l’eau y est fable aux lèvres lentes. On y échange une grappe, une ombre, une amnésie, quelques gestes fantômes arqués sur nos sommeils.

Protégé par la pellicule invisible du songe, reprendre sans se retourner le chant pérenne des origines et des exils.



Jean-Louis Bernard, Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone, Collection Surya, 17102 Saintes, 2019, page 45. Encre de Silvaine Arabo.





Jean-Louis Bernard  Cahiers des chemins qui ne mènent pas





JEAN-LOUIS BERNARD


Jean-Louis Bernard 3
Source




■ Voir aussi ▼

→ (sur le site des éditions Alcyone)
la fiche de l’éditeur sur Cahiers des chemins qui ne mènent pas





Retour au répertoire du numéro de décembre 2019
Retour à l’ index des auteurs

» Retour Incipit de Terres de femmes

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *