Kiki Dimoula | Autoconservation

« Poésie d’un jour



Autoconservation
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ΑΥΤΟΣΥΝΤΗΡΗΣΗ



Θά πρέπει νά ῾ταν ἄνοιξη
γιατί ἡ μνήμη αὐτή
ὑπερπηδώντας παπαροῦνες ἔρχεται.
Ἐκτός ἐάν ἡ νοσταλγία
ἀπό πολύ βιασύνη,
παραγνώρισ᾿ ἐνθυμούμενο.
Μοιάζουνε τόσο μεταξύ τους ὅλα
ὅταν τά πάρει ὁ χαμός.
Ἀλλά μπορεῖ νά ῾ναι ξένο αὐτό τό φόντο,
νά ῾ναι παπαροῦνες δανεισμένες
ἀπό μιάν ἄλλην ἱστορία,
δική μου ἢ ξένη.
Τά κάνει κάτι τέτοια ἡ ἀναπόληση.
Ἀπό φιλοκαλία κι ἔπαρση.

Ὅμως θά πρέπει νά ῾ταν ἄνοιξη
γιατί καί μέλισσες βλέπω
νά πετοῦν γύρω ἀπ᾿ αὐτή τή μνήμη,
μέ περιπάθεια καί πίστη
νά συνωστίζονται στόν καλύκά της.
Ἐκτός ἂν εἶναι ὁ ὀργασμός
νόμος τοῦ παρελθόντος,
μηχανισμός τοῦ ἀνεπανάληπτου.
Ἂν μένει πάντα κάποια γῦρις
στά τελειωμένα πράγματα
γιά τήν ἐπικονίαση
τῆς ἐμπειρίας, τῆς λύπης
καί τῆς ποίησης.




Κική Δημουλά, Το λίγο του κόσμου, εκδόσεις Νεφέλη, Ἀθήνα, 1971, 1983 ; εκδόσεις Στιγμή, 1990.






AUTOCONSERVATION



Ce devait être le printemps,
car cette mémoire
arrive enjambant les coquelicots.
À moins que la nostalgie
dans sa hâte
n’ait méconnu le souvenir.
Tout se ressemble tant
lorsque la perte s’en empare.
Mais le souvenir peut être exact
le fond étranger
et les coquelicots empruntés
à une autre histoire,
mienne ou étrangère.
La réminiscence en est bien capable
par amour du beau et arrogance.

Mais ce devait bien être le printemps
car je vois des abeilles
voler autour de cette mémoire,
affectueuses et fidèles
se presser sur son calice.
À moins que ce ne soit l’orgasme
loi du passé,
mécanisme de l’irréitérable.
Et qu’il reste toujours quelque pollen
dans les choses finies
pour la pollinisation
de l’expérience, de la tristesse
et de la poésie.




Kiki Dimoula, Le peu du monde in Du peu du monde et autres poèmes, édition bilingue, La Différence, Collection Orphée dirigée par Claude Michel Cluny, 1995, pp. 28-31. Choix, traduction du grec et présentation par Martine Plateau-Zygounas.





Kiki Dimoula  Du peu de différence





___________________
Ci-dessous, une traduction du même poème par Michel Volkovitch :



AUTOCONSERVATION



Ce devait être le printemps
car le souvenir qui arrive
saute par-dessus les coquelicots.
Sauf si la nostalgie
dans sa hâte,
a mal vu le souvenu.
Tout se ressemble tant
au moment de la perte.
Mais la mémoire est peut-être exacte
et ce fond étranger,
et les coquelicots issus
d’une autre histoire,
mienne ou étrangère.
La mémoire fait des coups pareils.
Par amour du beau et par vanité.

Pourtant ce devait être au printemps
car je vois aussi des abeilles
voler autour de ce souvenir,
et s’entasser avec foi et passion
dans son calice.
Sauf si l’orgasme
est une loi du passé,
un mécanisme de l’unique.
Et s’il reste toujours du pollen
dans les choses achevées
pour la fécondation
de l’expérience, de la tristesse
et du poème.




Kiki Dimoula, Le Peu du monde [Το Λίγο του κόσμου, Ἀθήνα, 1971] in Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2010, pp. 26-27. Traduit du grec par Michel Volkovitch.





Kiki Dimoula  Le Peu du monde





KIKI DIMOULA (1931-2020)


Kiki_dimoula portrait
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■ Kiki Dimoula
sur Terres de femmes




La pierre périphrase (autre poème extrait du Peu du monde)
Temps allongé (poème extrait de Mon dernier corps)




■ Voir | écouter aussi ▼


→ (sur le site de Michel Volkovitch)
d’autres poèmes de Kiki Dimoula
→ (sur Poetry International)
dix poèmes de Kiki Dimoula
→ (sur Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet)
un article de Jacques Ancet (« Tristesse de fond ») sur la poésie de Kiki Dimoula
→ (sur le site du Σπουδαστήριο Νέου Ελληνισμού/Center for Neo-Hellenic Studies)
trois poèmes de Kiki Dimoula (dont Ο πληθυντικός αριθμός) dits par elle-même






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