Bernard Simeone | Madonna del Parto


Madonna particolare
Piero della Francesca, Madonna del Parto, v. 1455 (particolare)
Museo della Madonna del Parto, Monterchi








MADONNA DEL PARTO



Le gardien, qui a finalement consenti à nous ouvrir, ne quittera pas son siège un seul instant, surpris qu’on puisse encore admirer ce qui fait depuis longtemps son quotidien. Venir voir dans la cité des morts une Vierge de l’enfantement… Mais dans quel lieu serait-ce plus légitime ?

Lourdement aviné, il oscille à présent au bord du sommeil. Sur le mur de la chapelle, la Vierge enceinte forme avec lui un duo surréel, ou plutôt avec son indifférence qui nous paraît scandaleuse : les femmes des environs la supportent-elles, entre ces murs, quand elles viennent y conjurer les périls qui pourraient menacer leur grossesse ? Une conjuration si pressante qu’après-guerre la commune, sollicitée pour une exposition, refusa de prêter la fresque, de peur qu’il n’arrivât malheur en son absence.

Dans son impudeur, dans sa trivialité, cet homme encore jeune s’accorde mieux aux traits de la Vierge que nos regards. Aux abords de l’engendrement, de la genèse en un corps de femme, comment avouer autre chose qu’une opacité semblable au sommeil, une pose pétrifiée, celle qu’adopte un des soldats endormis de La Résurrection, à Borgo San Sepolcro ? Ce serait, soutient-on, un autoportrait. Se peut-il vraiment qu’une telle somnolence, une telle pesanteur à l’égard du monde, rappelle le visage qui fut celui de Piero della Francesca ? Quel ordre avons-nous donc interrompu, auquel ce gardien participe en s’abandonnant avec la désinvolture d’une longue familiarité ?






Piero della Francesca  Resurrezione
Piero della Francesca, Resurrezione (affresco)
Museo Civico, Sansepolcro (provincia di Arezzo)






Le manteau bleu de la Vierge s’entrouvre en une fente étroite, verticale, sur la ligne, impossible à situer mais de tous temps franchie, qui sépare le corps du désir du corps de l’enfantement. Deux anges semblables et charnels écartent les tentures de part et d’autre pour qu’à pleins regards nous la voyions, elle, une main sur la hanche, l’autre effleurant l’intime, ou le désignant, vertigineuse et placide.



Bernard Simeone, « Madonna Del Parto », Acqua fondata, éditions Verdier, 1997, pp. 107-108.






Bernard Simeone  Acqua fondata



PIERO DELLA FRANCESCA


Piero della Francesca  Autoritratto 2
Piero della Francesca, Autoritratto
Resurrezione (particolare)
Museo Civico, Sansepolcro





■ Bernard Simeone
sur Terres de femmes


Encre d’une disparue



■ Voir aussi ▼


→ (sur le site des éditions Verdier)
plusieurs pages consacrées à Bernard Simeone




■ Piero della Francesca
sur Terres de femmes


Yves Bonnefoy | Une silencieuse ordalie
Erri De Luca, Piero della Francesca
[Anne-Marie Garat, I] Piero della Francesca | La Madonna del Parto
[Anne-Marie Garat, II] Piero della Francesca | La Madonna del Parto
Michaël Glück, L’Enceinte
Mario Luzi | Près de la reine de Saba
Angèle Paoli | [Te souviens-tu de la Madonna del Parto ?]
12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca





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