Jean Tardieu | Complainte du verbe être

« Poésie d’un jour




CAILLOU BIS
Ph., G.AdC







COMPLAINTE DU VERBE ÊTRE




Je serai je ne serai plus je serai ce caillou
toi tu seras moi je serai je ne serai plus
quand tu ne seras plus tu seras
ce caillou.
Quand tu seras ce caillou c’est déjà
comme si tu étais n’étais plus,
j’aurai perdu tu as perdu j’ai perdu
d’avance. Je suis déjà déjà
cette pierre trouée qui n’entend pas
qui ne voit pas ne bouge plus.
Bientôt hier demain tout de suite
déjà je suis j’étais je serai
cet objet trouvé inerte oublié
sous les décombres ou dans le feu ou l’herbe froide
ou dans la flaque d’eau, pierre poreuse
qui simule un murmure ou siffle et qui se tait.
Par l’eau par l’ombre et par le soleil submergé
objet sans yeux sans lèvres noir sur blanc
(l’œil mi-clos pour faire rire
ou une seule dent pour faire peur)
j’étais, je serai je suis déjà
la pierre solitaire oubliée là,
le mot seul sans fin toujours le même ressassé.




Jean Tardieu, Un monde ignoré, 1974, in Œuvres, éditions Gallimard, Collection Quarto, 2003, page 1059.






Tardieu montage




JEAN TARDIEU


Jean Tardieu 1
Source




■ Jean Tardieu
sur Terres de femmes


Feindre de fuir… (extrait des Figures du mouvement)
Le voyage (extrait de Jours pétrifiés)
1er novembre 1903 | Naissance de Jean Tardieu





Retour au répertoire du numéro de mai 2020
Retour à l’ index des auteurs

» Retour Incipit de Terres de femmes

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *