Françoise Ascal | Rouge Rothko

« Poésie d’un jour


Mark Rothko  1957
Mark Rothko, No. 16. Red, white and brown, 1957
Huile sur toile, 252, 5 × 207,3 cm
Musée d’Art de Bâle, Basel.
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ROUGE ROTHKO




Faut-il me jeter tête en avant dans votre toile en feu ?
Choisir la plus rouge, la plus incandescente, la plus haute ?
Traverser des parois de coquelicots des gorges de salamandres des pépins de grenades des gouttes de sang frais ?
Devenir torche ou tornade ?

Qu’enfin tombe en cendres le trop qui m’entrave.
Qu’enfin s’ouvre l’au-delà caché derrière l’iris.

Approcher, ne serait-ce que d’une largeur de paume, la calme vibration de ce qui brûle, là-bas derrière les pigments, dans un tout près insaisissable, dans un sans cesse habité par la joie – oui, la joie, je veux le croire.

Séjour de la lumière, comment te rejoindre ?

Faut-il grimper un à un les barreaux de votre échelle de Jacob ? Ou la descendre, comme on descend en soi-même, par seuils successifs au long de la vie, en voyage depuis l’humus brun des origines vers ce blanc éblouissant qui mange les paroles, dissout les peurs et les spectres.

Blanc chauffé à blanc, ouvrant sur… ?

Échelle ou marelle ?

Une marelle inversée, la terre à la place du ciel, le lourd au sommet, pesant son poids de chair avec son fracas familier, tandis qu’à l’étage inférieur, des fenêtres ou reflets de fenêtres appellent, appellent.

Peut-être suffit-il de sauter ?
D’une case à l’autre, à cloche-pied, en toute innocence ?

Jouer ?
Jouer à en perdre haleine ?
Jouer très sérieusement.
Monter descendre monter descendre, de haut en bas et de bas en haut, vite, de plus en plus vite, de plus en plus abandonnée, de plus en plus confiante, comme un derviche cherchant l’extase, comme le poète Rumi chantant les atomes de l’univers, ivre du « Soleil de Tabriz ».

Votre tableau est un « Soleil de Tabriz ».

J’attends qu’il me consume.



Françoise Ascal, « Rouge Rothko », Rouge Rothko, éditions Apogée, Collection « Piqué d’étoiles », 2009, pp. 55-56.








Françoise Ascal  Rouge Rothko




FRANÇOISE ASCAL


Francoise Ascal par Michel Durigneux
Ph. © Michel Durigneux
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■ Françoise Ascal
sur Terres de femmes


Des voix dans l’obscur (lecture d’AP)
[tu aurais voulu l’oublier] (extrait de Des voix dans l’obscur)
[longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
[Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
[Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
Levée des ombres (lecture d’AP)
Lignées (lecture d’AP)
[Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
Noir-racine précédé du Fil de l’oubli (lecture d’Isabelle Lévesque)
Mille étangs
16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




■ Voir aussi ▼


→ (sur le site de la mél)
une notice bio-bibliographique sur Françoise Ascal
→ (sur le site des éditions Apogée)
la fiche de l’éditeur sur Rouge Rothko de Françoise Ascal





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