5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige

Éphéméride culturelle à rebours



2017





5 août

Chutes de Miellin. Ce lieu est toujours aussi moussu, aussi japonisant que dans mon souvenir. Il y a plus de cinquante ans, je m’y baignais nue, avec un corps solide de jeune fille éprise des fougères.

Mélancolie en songeant à ma vie, en la considérant de l’extérieur, comme une chose presque achevée. Une petite vie. Sans grandes audaces. Aurais-je pu faire mieux ?


6 août

Lecture de Joël Cornuault, Ce qui fait oiseau. Beaucoup aimé cette notion, chez lui, d’« écarter les branches ». Oui, « il suffit parfois d’écarter les branches ». Et aussi : « Nos dialogues, engagés par hasard, avec des oiseaux de petite taille se prêtent admirablement à cet allègement du monde par allègement de soi. Plotin a dit que l’on ressemble à ce que l’on contemple ».


7 août

Jaccottet évoque les dix mots du poète Buson (dix-sept syllabes dans l’original) « assez limpides pour tinter au chevet d’un mourant comme une clochette de temple annonçant qu’une porte va s’ouvrir ». Il parle aussi de « descension », opposée à l’ascension de Dante vers le paradis, une descension vers le plus humble, « les verdures basses » dont « nous serons un jour, avec un peu de chance, revêtus ».


9 août

Ici, comme dans une estampe japonaise, le proche et le lointain paraissent contigus, sur un même plan vertical. Continuité de l’herbe au ciel, tandis que la lumière commence à décliner.
Plénitude qui ne peut se dire. L’éprouver suffit. Je voudrais posséder moins. Laisser davantage de vide pour qu’elle puisse surgir. Est-ce cela que je cherche ici, une vacance de l’être ? Contempler dissout les questions. Ici, plus facilement qu’ailleurs, j’assiste à la disparition de ce qui d’ordinaire est entrave. Comment oser dire que regarder pousser l’herbe, littéralement, s’absorber dans le flux des nuages, écouter la chute de quelques aiguilles de pin est une expérience des plus nécessaires ? Comment soutenir que cela modifie l’humain ? Le rend meilleur, plus tolérant, plus respectueux, plus aimant ?


10 août

Balade à Saint-Colomban. C’est un lieu qui évoque les petites chapelles bretonnes visitées durant plusieurs étés au moment de « L’art dans les chapelles ». Rencontre alchimique entre la roche, les arbres, la pierre, le ciel. Une « densité » qui diffuse son énergie.
La prairie, malgré sa superficie d’un hectare, est un jardin clos. Une forme de vaste non inquiétant. Le contraire de l’infini des Landes. C’est habitable. Les dimensions sont humaines. Les grands arbres bornent le regard. L’au-delà peut devenir désirable, rêvé, imaginé, non imposé comme la ligne d’horizon de la mer. On demeure dans une échelle proportionnelle au corps, au pas, à notre capacité d’appréhension, voire d’étreinte.



Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige (Carnets 2012-2017), éditions Al Manar, Collection Approches & Rencontres, 2020, pp. 127-129. Encres de Jérôme Vinçon.





Claudine Bertrand  Sous le ciel de Vézelay



FRANÇOISE ASCAL


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Ph. © Michel Durigneux
Source





■ Françoise Ascal
sur Terres de femmes


L’Obstination du perce-neige et Variations-prairie (lectures d’AP)
[longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
[Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
[Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
Des voix dans l’obscur (lecture d’AP)
Lignées (lecture d’AP)
[Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
[tu aurais voulu l’oublier] (extrait de Des voix dans l’obscur)
Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli (lecture d’Isabelle Lévesque)
Levée des ombres (lecture d’AP)
Mille étangs
Rouge Rothko
16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot




■ Voir aussi ▼


→ (sur le site de la mél)
une fiche bio-bibliographique sur Françoise Ascal
→ (sur le site des éditions Al Manar)
la fiche de l’éditeur sur L’Obstination du perce-neige de Françoise Ascal





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