Françoise Clédat | [Se calmer. Reprendre souffle]

« Poésie d’un jour


[SE CALMER. REPRENDRE SOUFFLE]



Se calmer. Reprendre souffle. Etaler la narration. Dire. Simplement le dire : elles étaient mères et filles les aïeules. Une permanence qu’elles lui découvraient, si vieilles, jamais domptée, que sa propre existence n’accroissait ni ne déterminait. Ni une mère seule, ni une fille seule, mais mère et fille dans la violence indomptée de se séparer, cela entre qui s’engendre, et elle, l’enfant, caduque
soudain
sa propre substance d’entre fille et mère d’elle expulsée, volée, hors d’elle exhibée, n’étant plus alors d’aucune mère la fille, ne l’ayant à cet instant jamais été
mais cela que les très vieilles lui découvraient
sans fond ni cils ni margelle
non regard véritablement regard, non regard qui regarde mais passive et fervente dilatation de vide exorbitant les limites du corps tout autour, tout le corps autour se faisant bordure poreuse, lacunaire, réceptacle où la totalité de la scène venait de s’engouffrer

Nul autre repère que cet obscurcissement du sens, nulle autre voie que celle où procéder tendue vers la rupture, accumulant les éléments analogiques jusqu’à ce que parmi eux irrupte, brut, opaque, méconnaissable, celui que ni l’écriture ni le corps ne soutiennent plus mais cette sauvagerie du refus de désespoir
quand le refus ne se distingue plus de l’acceptation

quand l’acceptation s’affole de ne pouvoir être celle qui abolira le mouvement du corps qui follement s’arque
puis de tout son poids
retombe

les limites du corps par le corps rappelées alors te réenserrent
tu te réhabites, crois-tu, neuve, épuisée
et cependant te perds
ne sais ce qui de toi se perd
reflue dans les feuillages bruissants

les colonnes impitoyables et douces s’écartent, les racines sur tes lèvres incurvent l’arche qui les joint, les sépare, tu ne t’arrêtes pas, je cours à tes côtés, l’arbre léger du souffle te tire en avant de tes lèvres, très légèrement te devance, tu ne t’arrêtes pas, le rejoins, je le vois, l’entends, c’est son nom

son nom de fils comme un rouge arbrisseau de brume
sur ta bouche




Françoise Clédat, Mi(ni)stère des suffocations, Scène 5, éditions Tarabuste, 2021, pp. 33-34.






Françoise Clédat  Ministere des suffocations 2



FRANÇOISE CLÉDAT


Françoise Clédat





■ Françoise Clédat
sur Terres de femmes


Mi(ni)stère des suffocations (lecture d’AP)
L’Adresse de Françoise Clédat / Portrait d’Iseut en survivante [lecture de Marie Fabre]
Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
La nuit de l’ange (lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
L’Ange Hypnovel (extrait)
A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour [lecture d’AP sur EtnaXios]
(où le chant sans l’organe) (extrait d’EtnaXios + notice bio-bibliographique)
Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d’AP)
[Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
Une baie au loin (Turnermonpère) [lecture d’AP sur Une baie au loin (Turnermonpère)]
(maintenant je git)[extrait d’Une baie au loin (Turnermonpère)
Du jour à personne
→ (dans l’anthologie Terres de femmes)
Je vis une histoire d’amour
→ (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)





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