Estelle Fenzy / Le Goût des merveilles

<<Poésie d'un jour 

 

 

 

Collage superstitieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Collage de G.AdC 

 

 

 

Nous faisons feu
des petites voix prisonnières
(celles de l’intérieur
d’un cœur qu’on a fermé
à clé)

Il s’agit de combattre
l’ardente révolte
qui pourrait nous abattre
la larme interdite
la sueur à la tempe
qui perle et qui révèle

Si la forêt s’évade
(elle qui laisse
abandonnés
les enfants affamés)
c’est qu’elle cherche
une terre qui la veut

un surcroît de racines
où garder la lumière
qui saigne de sa sève

 

Nous avons peur
que la mort arrive
avec la nuit
(ne pas laisser
le feu s’éteindre
n’être plus que ses cendres)

alors nous chuchotons
et les voyelles glissées
entre nos lèvres
sont autant de morceaux
de nous-mêmes
dispersés dans le noir

Plus tard
nous guetterons
des jeux l’as de pique
des nappes le sel renversé
les années de malheur
les miroirs brisés

Nous unirons
le ciel des vivants
les crues de nos revenants

(nous sortirons de l’ombre
intacts et transformés)

 

 

Nous bravons
le temps
des métamorphoses
des adieux
qu’une vieille femme
traverse
bras ouverts
à l’orée de la nuit

Les silences
et les cris souvent
dorment
dans le même lit

Il faudrait inverser
la course des étoiles
éviter qu’elle ne filent
et tombent désunies

dans les yeux des hiboux
et le panier des fées

 

Le-gout-des-merveilles-Fenzy-estelle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Estelle Fenzy, Le goût des merveilles, poèmes, Revue la forge I Éditions de Corlevour, 2024, pp.45, 46,47.

 

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