Michel Diaz / Francis Bacon / le lieu du visage

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BACON

FRANCIS BACON SELF PORTRAIT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Francis Bacon, Autoportrait (détail), 1972
Huile sur toile • 35,5 x 30,5 cm • Coll. The Lewis • © The Estate of Francis Bacon.*
All rights reserved / Adagp, Paris and DACS, London 2025 / 2025, ProLitteris, Zurich

 

 

 

 

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         Masque, regard fossilisé, comme si le jour l’avait calciné,
que le temps avait arasé ce qui, au fond de nous, s’applique à la
lumière,    et l’avait couturé de nuit,     le réduisant à cette noire
énigme qui nous tient lieu de nom,   livrant le nœud mutique de
nos solitudes à la seule lueur du silence.

 

        Yeux surnageant     de leur orbite,     couvés     dans leur nid
d’ombre comme sous le sable et la peur, dans un intervalle égaré,
déjà rempli de mort, grain à grain, goutte à goutte infusée, juste à
la césure     d’un meurtre     intimement lié       à sa lente et atroce
persévérance dans un épuisement paroxystique.

 

       Visage       retourné        sur la chair du dedans,       montrant
l’infigurable au verso de sa peau, projetant son sang sur les murs,
expulsant, comme on crache    à la face du monde,   la tourbe, les
viscères, les hardes des couleurs, un gémissement de douleur, un
râle d’au-delà    constamment    ramené à son échafaud de misère.

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       Visage aux lèvres distordues,   leur bourgeon   vénéneux qui
nous nargue,   et ce juste miroir de nous-mêmes qui nous jette en
plein cœur   notre image, dans sa trajectoire explosive, raccourci
foudroyant   de ce qui nous confronte   et nous mesure,  dans son
opiniâtre    détresse,   à ce qui veille et brûle  au plus vif de notre
volonté à être     dans un surcroît     d’être,    c’est-à-dire artisans
hasardeux d’une humanité toujours en sursis.

        Visage qui nous dévidage    au bord de ses ténèbres,   tel un
escarpement qui nous surplombe,    nous in vite  à interroger ces
territoires assiégés   de nuit qu’à nous-mêmes  nous sommes, ce
confus entrelacs de racines, ce ramas de tessons   où nos yeux se
déchirent,     cette contrée lointaine     où scintille pourtant, nous
appelant sur l’autre rive, une échancrure de clarté.

       

         Masque, embrasure de parole nue, qui nous enjoint de nous
tenir      debout,    au seuil de ce théâtre   de dévotion, à défier du
fond de nos blessures ce qui nous épouvante,  et à saluer dans le
même temps ce qui nous en délivre.

 

IMG_1780

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Diaz, Francis Bacon, le lieu du visage, Encres Vives N° 552, 2025, pp. 14, 15.

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M I C H E L    D I A Z

Michel Diaz
Source

■ Michel Diaz
sur Terres de femmes ▼


Michel Diaz, Lionel Balard, Éloge des eaux murmurantes, Éditions La Simarre, 2024,
Sous l’étoile du jour, Préface d’Alain Freixe, Rosa canina éditions,2023,
→ Comme un chemin qui s’ouvre (lecture d’AP)
→ clair-obscur (extrait de Lignes de crête)
→ [de tourbe] (extrait d’Offrandes Olivia Rolde)
→ Le Verger abandonné (lecture d’AP
→ Michel Diaz | Sous l’étoile du jour  (Lecture d’Alain Freixe) 

■ Voir aussi ▼)

→ (sur le site de L’Amourier éditions) la fiche de l’éditeur sur Comme un chemin qui s’ouvre
→ le site de Michel Diaz

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