Auteur/autrice : Angele Paoli

  • Anne Barbusse / Ohitza

    << Poésie d'un jour

     

     

     

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    premier portrait à l’Européenne
    parfaitement cadré
    très beau bleu des tissus imprimés
    et collier
    très beau sourire
    regard-caméra dirait le cinéma
    bref portrait
    offert avec le sourire
    pose
    un oiseau sur la tête et comme
    une auréole
    la femme noire parfaite, répondant aux critères de
    beauté connus                                                                                     
    comme une assimilation le sourire
    dédié directement au photographe
    par connivence c’est tout comme
    acceptation de devenir photo en tant que telle
    satisfaction de plaire
    accueil
    comme une assimilation possible le genre européen
    du portrait

     

     

    Ozitha

     

     

     

     

     

     

     

     

    Anne Barbusse, « Sénégal » in Ohitza, photos de Louis Ausquichoury, avant-voir de David Paigneau, POÈTISTHME 2024, pp.50-51.

     

    Anne-barbusse_2(1)

     

     

    Voir aussi sur =>  terre à ciel 

     

     

     

     

     

  • Jean-Marc Barrier / 196 matins

    <<Poésie d'un jour

     

     

    Cypres du matin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph: G.AdC 

     

     

    l’autre ce matin la parole impossible  le geste
    empêché à chercher le vecteur  le cœur ce qui
    déborde  ce matin    je respire son air limpide
    j’apprends encore la langue vulnérable ce qui
    reste muet dans l’amour

    le départ ce matin l’envol comme un art de la
    fugue les pulsations la disponibilité
    grande la zone de rien le cœur les poumons et
    l’envie de ruer à l’infini

     

                                                                ce matin est facile

     

     

    la rumeur  ce matin les sons utiles la machine
    la musique étrange  ce qui n’a rien  d’humain
    la basse continue  qui nous disjoint du silence

     

     

     

    ce matin     la nostalgie légère  des simplicités
    la géométrie    l’apprentissage d’une vie à l’os
    respirer tracer une corde chercher l’asymptote
    le calme équanime     d’un théorème   l’amitié
    d’une équation à deux inconnues   juste avant
    que tout ne se complique

     

                                     le brouillard quantique ce matin

     

     

    vois ce matin    en plein centre je retourne à la
    coulée sombre     au refuge    de brindilles à la
    mousse la défaite ce matin    c’est forêt calme
    où je ne compte où   quand les mains reposent
    je touche    à la confiance      des temps  longs
    appuyé au sol sans le nécessaire à cœur ralenti
    je guette   le son des ailes froissées    la goutte
    qui tombe les insectes rares la feuille enroulée
    au vent  ce matin je hume la naissance   d’une
    femme   je sens la diagonale de l’homme    et
    penché dans la zone blanche   j’habite le rêve
    des mots et des broussailles

     

                     
                                                           ce matin est sauvage

     

     

    IMG_1161

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Marc Barrier, 196 matins, encre de couverture de André Aragon, achevé d’imprimé par monedition.fr à Nîmes, 2024, pp. 52, 53, 54, 55, 58

     

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    JEAN-MARC BARRIER

    Jean-Marc Barrier

    ■ Jean-Marc Barrier
    sur Terres de femmes ▼

    → La rue infinie , Textes et photographies, Phloème, Collection Lumière écrite, 2021.
    → [Vient le temps du fléchir]

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La tête à l’envers) une notice bio-bibliographique sur Jean-Marc Barrier
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers) la fiche de l’éditeur sur Noir estran
    → le site de Jean-Marc Barrier

     

  • Sabine Péglion / L’espérance d’un bleu

    << Poésie d'un jour

     

     

     

    Sabine-peglion-lesperance-dun-bleu

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Peinture de Sabine Péglion

     

     

     

    Partir à l’orée de la nuit

    Sous la lumière mauve
    les gouffres se creusent
    les buissons se délitent

    les derniers rayons
    écorchent la montagne
    livrant ses entailles

    Rare l’épine
    en éclairs d’infortune luit

     

     

    Attendre au bord de l’ombre

    Voir surgir
    rebelle       devant les pierres
    une étrange citadelle

    Avancer
    en ces lieux désertés
    creusés de labyrinthes
    aux destins occultés
                Tour de non-retour

     

    Sur le chemin        de genévriers
                    aux ronces mêlées
                    affleurent
                   des visages oubliés

    Dans l’enclos du lavoir
                    leurs voix      résonnent
                    encore

    Elles s’égarent      se brisent
                         ruissellent

     

    IMG_1162 (1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sabine Péglion, L’espérance du bleu, Peintures de Sabine Péglion, La tête à l’envers 2024,pp.44, 45, 46.

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    S A B I N E     P É G L I O N

    Sabine Péglion portrait
    Source

    ■ Sabine Péglion
    sur Terres de femmes ▼

    Cet au-delà de l’ombre, Œuvres de l’artiste Sabine Péglion, Collection Grand Ours, L’Ail des ours / n°21
    Sabine Péglion | Jacques Bret, Australie, notes croisées (note de lecture de Cécile Oumhani)
    → [La glace dans les verres] (extrait de Derrière la vitre)
    → [L’eau s’écarte] (extrait de Faire un trou à la nuit)
    → [Ombre noire] (extrait du Nid)
    → Prendre le temps (extrait de Traversée nomade)
    → Que sais-tu
    → [Tu sais il n’est de lieu] (extrait d'Écrire à Yaoundé)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de FemmesMalhabile

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La tête à l’envers) la fiche de l’éditeur sur Ces mots si clairsemés

  • TdF sommaire du mois de Novembre 2024 / N° 238

     

    TdF NOVEMBRE 24

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    ♦ SOMMAIRE DU MOIS  DE NOVEMBRE 2024  ♦

     

    ♦ Cartouche du N°238 de Terres de femmes / novembre 2024 ♦

     

    Pascal Commère / Garder la terre en joie / Lecture de Gérard Cartier
    Christiane Veschambre / Là où je n'écris pas   
    Françoise Clédat / Le reflux lyrique
    Helen Hunt Jackson / Calendrier de sonnets et autres poèmes
    Erwann Rougé / Asile
    Sabine Dewulf / Où se cache la soif / Lecture d'Isabelle Lévesque
    Valérie Canat de Chizy / Après l'averse / Morgan Riet / Comme un lieu entre
    Kamel Daoud / Houris / Prix Goncourt 2024
    Aurélie Foglia / Green feelings
    Roselyne Sibille / Une libellule sur l'épaule

    Esther Tellermann / Selon les sources /Lecture de Michael Bishop

    Etel Adnan / Le dernier été / Éphéméride culturelle à rebours / Jean Frémon

    Luminitza C. Tigirlas / L'évidence de la paix nous enfante

    Jean-Christophe Bailly / Temps réel

    Patricia Cottron-Daubigné / Parure pour un sein absent

    Gérard Cartier / L'Oca nera / Lecture d'Angèle Paoli

    Nimrod / Anniversaires & Paquets Cadeaux
    Luigi Martellini / Polvere Di Mare (Poesie scelte 1964-1987)

    Katie Peterson / Douceur en plein visage
    Julia Peker / Marelle

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                    ♦ Tdf sommaire du mois d'octobre 2024 ( N°237)
                    ♦ Cartouche du sommaire du mois d' octobre  2024 ( N° 237)  

                          ♦  Voir le  →  répertoire chronologique de tous les numéros de Tdf
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  • Terres de femmes n° 238 ―Novembre 2024

    CLIQUER SUR LA PHOTO
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    du numéro du mois de novembre 2024
     
    TdF NOVEMBRE 24
     
     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    Responsable de la rédaction :  Angèle Paoli
    Coordination éditoriale et mise en pages :  Yves Thomas  ( † 2021 ) 
    Direction artistique et  mise en images: Guidu Antonietti di Cinarca:  (G. AdC ) 
     
     
  • Aurélie Foglia / Green feelings / lecture de Michaël Bishop

    Aurélie Foglia, Green Feelings, Épousées par l’écorce, 2024.
    Photographies de Natacha Nikouline
    Lecture de Michael Bishop

     

     

    Le titre de ce nouveau long poème en révèle la dimension fondamentale : le propulsent des sentiments, un désir, c’est-à-dire un manque qui n’empêche ni ténacité, ni rêve, vision. Loin de toute idée d’argument, de persuasion, et pourtant, dans les coulisses, implicite, la conviction des « vérités » du vert, de la vivacité d’une terre que l’on oublie parfois d’honorer, d’aimer, tout comme on oublie les vérités de ce que l’on est soi-même.

    Le poème, largement composé de petites strophes de deux ou trois vers sans ponctuation, non rimés, courts, qui canalisent la lecture, l’aérant et l’intensifiant à la fois, s’accompagne des photographies de Natacha Nikouline où le vert rivalise avec le noir, y plongeant le corps lumineux de la femme, Aurélie Foglia poussant à in-distinguer, entretisser texte et image, tout comme la poète elle-même qui, d’ailleurs, semble procéder en partie de manière ekphrastique, heureuse sans doute de voir ce subtil et divinatoire blasonnement des éléments de son poème. Celui-ci déroule la lente danse de son imaginaire, élaborant les fragments d’une vertigineuse figuration de la fusion viscérale-ontique de l’humain et de la terre, de sa foisonnante et « verte » énergie originaire. S’y baigner devient l’acte hallucinatoire – mais poétiquement réalisé – d’une espèce de réincarnation, régénération, d’une juste et merveilleuse ré-imagination de l’être, de notre faire dans le lieu de l’ontos. « Je te vois », lit-on, « toi cultivant couvant / encore ce vieux rêve à voix humide / de se renaturer au sein / quand c’est le soir que s’abattent // sur nos vies brutes les barrières » (9). Si cette fusion peut frôler le terrifiant ensevelissement de ce que l’on est, c’est que le poème, provocateur à certains égards, envisage, est même, « un moment où le vert / est le véritable événement » ; une sorte de métempsycose ou trans-formatio (dirait Michel Deguy) audacieusement emblématique. S’immerger dans le vert, ce serait devenir radicalement autre, pénétrer dans l’Autre, dans ce dont nous dépendons, qui nous sous-tend, présumé à la fois « indifférent » dans son inimaginable inhérence (12) et exaltant dans l’extraordinaire pseudo-expérience de son outre-temporalité et de sa logique chimico-physique à peine concevable. « Une femme-forêt », dit le poème, son regard braqué sans doute sur l’image, « // fantôme de dos pelée / par son drap en plastique // sous couronne épineuse / caillassée par la pluie // laquelle sème non saigne / ses arômes sur ses traces // et toi tu la sens tu la sais / tu l’es tu la suis flairant // le long démembrement / et l’assassinat de saison » (16-17). La métamorphose fusionnante s’accomplirait au-delà de ce qui aurait pu sembler déranger, effrayer; « que me fait la terre sur ma tête » continue le poème, « // […] // que me fait pourrir si mes doigts / sont changés en mousse // à quoi bon promettre le ciel / au lieu d’un corps // que me fait l’arbre si je suis l’ombre » (19-20).

    Si Green Feelings est l’acte et le lieu d’une énorme fantaisie que l’art sait projeter sur le monde grâce aux beautés et vérités qu’il entraîne et héberge sous le couvert de la profonde métaphoricité de son imaginaire, le poème n’hésite pas à parler de ce qui le menace. « Guerrière fragile aiguillée / par les pins » (22), la femme des photos et le corps de la poésie apprécient pleinement l’impossible qu’entreprennent ensemble les deux arts. Le vert « n’es[t] plus ce que tu étais // […] // tu recules et tu doutes », lit-on (38); le « pauvre poème [est] chargé / de faire l’inventaire » de la dissolution-disparition, de la « désunion de] l’univers » (40); « le tout ne fait plus / une totalité » (42). Le sentiment du beau, du (sur)vivant du vert cède la place à une impuissance, un inaccomplissement; les peut-être, les ô, les « métamots-images » en deviennent les signes qui effacent l’assertivité, expriment le doute, le soupir, l’à-côté, le non-coïncident du métaphorique. Et pourtant, comme insisterait Jean-Paul Michel, l’art ne cesse jamais de répondre à ce que l’on a si souvent nommé l’impossible; c’est son devoir; ses modes essentiels sont la métamorphose, la multiplication, précisément, des métamots-images, l’audace, la résistance, l’imaginaire, écartant « l’absurde » (34), l’acquiescement, l’abandon. Denis Roche disait que la poésie était « inadmissible », mais ajoutait qu’elle était surtout et fatalement « combative ». Green Feelings met entre nos mains la vive et émouvante preuve de deux grandes artistes relevant le défi du poïein, se réjouissant de ses visions comme de ses apories qui restent à transcender, ironiquement et superbement.

    Michaël Bishop

     

  • Pascal Commère / Garder la terre en joie / Lecture de Gérard Cartier

    Pascal Commère, Garder la terre en joie
    Tarabuste, 2024, Aquarelle Djamel Meskache, Tarabuste Éditeur 2024
    Lecture de Gérard Cartier

     

     

     

    9782845876491

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pas d’autre temps
    (pas d’autre monde)

    De Pascal Commère, on a l’image d’un poète enraciné dans son terroir. Elle n’est pas fausse, comme le montre un texte récent sur l’animal fabuleux qu’est la vache (« …les apprentis sorciers de l'INRA, traficotant leurs gènes, les font naître tête nue, ce qui est bien dommage. On ne touche pas à l'intégrité de la Vache sans bousculer un peu l'ordre du monde… », in Cornes et mamelles, Obsidiane, 2024), mais elle est réductrice. Elle occulte, en particulier, le pan de son œuvre consacré aux voyages, parfois très lointains – ainsi de Tashuur. Un anneau de poussière (Obsidiane, 2012), rapporté de Mongolie.

    De cette veine vagabonde, témoigne son dernier recueil ; on pourrait même prétendre, avec un peu de hardiesse, qu’il épuise la notion de voyage, que ce soit de corps, à l’étranger (Stockholm, Venise, l’Allemagne) ou dans la campagne bourguignonne (qui lui fournit ce titre à la longue résonnance : « Garder la terre en joie »), par le regard (la contemplation d’un jardin) ou par le seul moyen de l’esprit, emporté dans le temps, vers le passé (le « Voyage de la mère », remémorée après sa mort) ou vers l’avenir (« Un rêve prémonitoire »).

    La géographie sollicite Commère, mais ne le retient pas. Bien qu’ancrés dans un paysage fermement dessiné, ses poèmes s’en échappent assez souvent pour embrasser d’autres réalités. Révélateur, à cet égard, est la longue section qu’il consacre à sa mère. Embarqué dans un train régional, distrait par les minuscules péripéties du trajet ou par son livre (Cendrars, bien sûr, et la Prose du transsibérien ), il est insensiblement happé par le souvenir de sa « Petite mère ». Les vers qu’il lui voue, faits de la seule réalité concrète, des choses nues et banales qui subsistent d’un être après qu’il a disparu, sont magnifiques. L’émotion naît de la grande retenue avec laquelle il dit l’absence et le regret : « certains mots plus que d’autres / sont durs à avaler… ». Pour en donner ici une idée, il faut faufiler bord à bord quelques-unes des strophes qui, dans le poème, sont égrenées au fil des pages :

    Je n’ai de maison qu’un grand vide, pure
    Portion d’espace. Mère est morte,
    Rendue à la poussière, ses os
    Bientôt mêlés à ceux qui les ont précédés
    En ces étranges noces de cendres et de riz noir.

                                  ***

    Je n’ai pas d’autre temps que ce temps où je vais
    Sans but ni plus de raisons. Vides
    Les placards, le pain dans les coffres bleuit. Les fourmis
    S’en sont pris au sucre, elles accaparent
    Les gestes que tu ne feras plus.

                                   ***

    J’ai retrouvé dans ton fourbi une valise – à quoi
    Peut bien servir pareil bagage lorsqu’on ne s’en va pas,
    valise en carton bouilli, de celles
    qu’on portait à la main – aujourd’hui on les roule,
    cela change-t-il quelque chose à l’heure du grand départ ?

     

    Des trois voyages à l’étranger, si divers de thèmes et d’atmosphères¬, le plus éloquent est « Berlinoises » – qui devrait d’ailleurs être titré Allemandes, Berlin n’étant qu’un des lieux visités. Pour en connaître la langue et y avoir fréquemment séjourné, l’auteur a une grande familiarité intellectuelle et sentimentale avec ce pays qui est sans doute, pour la plupart d’entre nous, le plus étranger de tous nos voisins. Presque toutes les pages de cet ensemble seraient à citer. Plutôt que les souvenirs d’école, occasions de quelques poèmes malicieux, ou que les scènes tirées de vieux carnets retrouvés dans une boîte à chaussure, j’ai choisi un poème qui inscrit l’Allemagne dans l’Histoire et, ce dont on sait gré à Commère, donne corps à la tragédie qu’elle a engendrée :

    Ce qu’aucune mémoire ne peut malgré tout
    oublier, les images moins encore (déferlement
    de chars, sirènes, bombardements – où
    se réfugier, ciel lacéré, façades &
    toitures éventrées, est-ce
    que les rats aussi dans les abris…) Tout cela
    si présent encore et que tout rappelle à l’instant, listes
    interminables et des nombres. Des nombres
    à n’en plus savoir – le malheur et des nombres, par dizaines
    de millions acheminés vers la mort
    gazés, brûlés, ô barbarie – quelle chienne enragée
    nourrit de son lait aigre la folie humaine ?

    Si le mot n’avait pas perdu son aura, on pourrait dire Commère matérialiste. Tous ses poèmes naissent et sont tissés du monde sensible, de la réalité la plus concrète (j’ouvre le recueil au hasard : un mille-pattes dans un abricot, des tags sur un mur, les poteaux de bois d’une ligne électrique…), et on le sent peu enclin aux vieilles transcendances. Ici et là, pourtant, une inquiétude sourde trouble le poème. Ce n’est qu’un sentiment flottant, une présence ou une absence d’on ne sait quoi (« …attendre / quoi dans le soir vide… ») qui pince un peu le cœur, presque rien, mais qui semble mettre en jeu la vie entière, sentiment qui n’est pas neuf chez lui, mais qui m’a paru plus insistant que dans les recueils précédents. Et, qu’on soit dans la campagne bourguignonne ou au bord de la lagune, en hiver, c’est la vertu du poème que d’aider à l’affronter : « la parole, entée dans l’indicible, / est la seule arme contre le froid, le vide. »

    Hormis un rêve en prose et la longue coulée d’ « Une halte à Stockholm » (de longs vers enchaînés qui, pour peu qu’on les dise à voix haute, comme il convient, emportent le lecteur dans une sorte de vertige, comme la pluie qui en est le principal motif), tous les poèmes de ce recueil sont faits de strophes assez brèves, fortement ponctuées (virgules, parenthèses, quadratins, points, rejets), mais aux liaisons thématiques assez lâches, aux phrases parfois même inachevées, laissant la pensée en suspens (« Ou parce que le soleil à cet instant… »), que le lecteur fait sienne à sa guise – l’indicible aussi peut-être éloquent.

    Gérard Cartier 

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    P A S C A L   C O M M È R E

    Commere

    source

    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes ▼

    Garder la terre en joie, Aquarelles de Djamel Meskache, Tarabuste Éditeur, 2024
    → [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    Territoire du Coyote (note de lecture d'AP)
    → [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    Sur la poussière
    → [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)

     

    ■ Voir | écouter aussi ▼
    → (sur reflets de lumière) Joseph Beuys – Coyote
    → (sur Terre à ciel) une page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture) Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)

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    PORTRAIT DE GERARD CARTIER
    Image, G.AdC

    ■ Gérard Cartier
    sur Terres de femmes ▼

    L’Oca Nera, La Thébaïde, Collection roman, 2019, (lecture d'Angèle Paoli)
    → « Les Docks » & « Les Hautes Terres » in Le Méridien de Greenwich, Éditions Obsidiane, 2000.
    La duplicité. (poème extrait des Métamorphoses)
    → Les Métamorphoses (lecture de Maëlle Levacher)
    → Tristran (lecture de Nathalie Riera)
    → Le philtre (extrait de Tristran)
    → Le Voyage de Bougainville (lecture de Marie-Claire Bancquart)
     Le Voyage de Bougainville (lecture d’AP)
    → EX MACHINA, Journal de L’OIE, La Thébaïde, Collection Roman, 2022.
    → Gérard Cartier / Le Voyage intérieur
    → Gérard Cartier, Le voyage intérieur, Flammarion poésie, 2024 (Lecture d’Angèle Paoli)
    → « I, Les enfances de Mara » in Le Roman de Mara, Tarabuste éditeur, 2024
    → « Terra nullius », Mers Boréales .87., in L’Ultime Thulé  Jeu de l’oie, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2018 


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Flammarion) d’autres extraits de L’Ultime Thulé [PDF]
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Gérard Cartier

     

     

  • Christiane Veschambre / Là où je n’écris pas

    <<Poésie d'un jour

     

     

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    Ph: G.AdC 

    il reste
    le vide

     

     

    Là où je n’écris pas

    écrire

    était une maison

    un temps il en est resté
    au plus haut étage d’un immeuble
    une petite pièce
    nue

    dedans
    une petite table
    qu’on voit du dehors
    par une fenêtre
    en avançant pas après pas
    sur une planche
    longeant l’immeuble
    au-dessus du vide

    dépassé
    la petite table
    aperçue
    du dehors funambule
    on arrive
    au bout de la planche
    il reste
    le vide

    on disait :
    écrire sauve
    là où in n’écrit pas
    on est perdu
    condamné

    mais écrire ne sert (à) rien
    de rien n’est le serviteur
    (l’instrument)

    ne se met pas à votre écoute
    est toujours là
    où on n’écrit pas

    on pourrait écrire
    là où on n’écrit pas
    si on savait
    cette vive
    fugitive
    vérité

     

    Ciontre allées

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Christiane Veschambre in Contre-Allées,
    revue de poésie contemporaine, Automne 2024, pp.2, 3.

     

    CHRISTIANE  VESCHAMBRE

    Christiane Veschambre 2
    Ph. Olivier Roller
    Source

    ■ Christiane Veschambre
    sur Terres de femmes ▼

    Julien le rêveur, Éditions] Isabelle Sauvage, 2022,
    → dit la femme dit l’enfant (lecture d’AP)
    → Basse langue (lecture d’AP)
    → Une Hôtesse minuscule (extrait de Basse langue)
    → [Cela s’est passé lundi] (extrait d’Ils dorment)
    → Écrire Un caractère (lecture d’AP)
    → [Écrire n’a pas d’objet] (extrait d’Écrire Un caractère)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Christiane Veschambre
    → (sur En attendant Nadeauun entretien avec Christiane Veschambre, par Gérard Noiret
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage) la page de l’éditeur sur dit la femme dit l’enfant

     

  • Françoise Clédat / Le reflux lyrique

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    J’aurai-réappris-le-vide

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Ph / G.AdC 

     

     

    Étrangeté de sur-
    Vivre

    Une vie subie

    Un soi
    Que soi n’a pas choisi

    Et que ce soit
    Être soi

    Et que ce soit
    Vivre

     

    Je voudrais me réconcilier
    Cesser de désirer ce que je ne peux plus
    Ne plus souffrir de ne plus pouvoir
    Adhérer
    à la présence de chaque et du moindre être-là
    d’une présence égale à l’égale présence des
    feuillages
    qu’agite le vent
    Être leur croulement vert
    dressé comme un éboulement de sensualité
    vertes rotondités de chair
    dont chaque grappe est nécessaire
    chaque grain à chaque grappe comme à la peau
    la retombée du drap que balance le vent qu’il
    lui ouvre les doigts
    pour qu’entre doigts ouverts cela circule
    qu’ils ressentent le passage
    mais ne le retiennent pas
    Je voudrais être peau de ces doigts limbe de ces
    feuilles
    pour ressentir entre moi et moi
    le passage du don

     

    Tisser la ténuité multiple et foisonnante de la présence
    À l’invisibilité d’une absence
    Dont nul ne pourra dire qu’elle fut mienne

    Dans quelle mesure – jour, lieu, temps –
    La stabilité du monde telle
    Que mes sens encore l’appréhendent
    Est-elle affectée par
    Le tremblement de la terre
    En Turquie en Syrie
    De quelle absence la creuse
    Celle dénombrée de 23000 disparus

    Que vieillir ne soit pas
    Exploration solipsiste
    Que la perte de l’Eros partenaire
    Ne soit perte d’aimer mais
    Devienne
    Adhésion sans pourquoi
    À l’immédiateté du don

                                                                                                                                                              

    IMG_1112

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Françoise Clédat, « Passage du don » in Le reflux lyrique, Tarabuste Éditeur, 2024, pp. 56, 57, 58.

     

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    FRANÇOISE   CLÉDAT

    Françoise Clédat

    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes ▼

    "V, la parole même (2)" in EtnaXios, L’Amourier 2008
     Les Parentés inhumaines, Et in Arcadia ego, Fugue,1.
    → Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d'AP)
    → Mi(ni)stère des suffocations (lecture d’AP)
    → L’Adresse de Françoise Clédat / Portrait d’Iseut en survivante [lecture de Marie Fabre]
    → Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L'Adresse)
    → La nuit de l’ange (lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
    → L'Ange Hypnovel (extrait)
    → A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour [lecture d’AP sur EtnaXios]
    → (où le chant sans l’organe) (extrait d’EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    → Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
    → Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d'AP)
    → [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    → Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    → Une baie au loin (Turnermonpère) [lecture d'AP sur Une baie au loin (Turnermonpère)]
    → (maintenant je git)[extrait d'Une baie au loin (Turnermonpère)
    → Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes) Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmesle Portrait de Françoise Clédat  par G.AdC (+ un extrait d’EtnaXios)

  • Helen Hunt Jackson / Calendrier de sonnets et autres poèmes

    << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    Cheyenne-mountain-colorado-springs-photochrom-circa-1900-war-is-hell-store

     

     

     

     

     

     

     

     

                             Cheyenne Mountain – Colorado Springs –
                             Photochrom Circa 1900 is a photograph by War Is Hell Store
                             which was uploaded on May 11th, 2020.

    Source : Google images 

     

     

    Cheyenne Mountain

    By easy slope to west as if it had
           No thought, when first its soaring was begun,
          Except to look devoutly to the sun,
    It rises, and has risen, untill, glad,
    With light as with a garment, it is clad,
           Each dawn, before the hardy plains have won
          One ray ; and after day has long been done
    For us, the light doth cling reluctant, sad
    To leave its brow.
                                   Beloved moutain, I
    Thy worshipper, as thou the sun’s, each morn,
          My dawn , before the dawn, receive from thee ;
          And think, as thy rose-timed peaks I see,
    That thou wert great when Homer was not born,
    And ere thou change all human song shall die !

     

    Montagne Cheyenne

    Par la pente aisée vers l’ouest comme si elle ne pensait
          À rien, quand elle commença son ascension,
          Sauf à contempler dévotement le soleil,
    Elle se lève, et elle s’est élevée jusqu’à ce que, heureuse,
    Elle s’habille d’un vêtement de lumière,
          Chaque aube, avant que les plaines tardives n’aient
          Conquis
          Un rayon ; et après que le jour s’est fini depuis longtemps
    Pour nous, la lumière se cramponne à contrecœur, triste
    De quitter son front.
                                        Montagne bien-aimée, moi
    Ton adoratrice, comme tu l’es du soleil, chaque matin,
          Je reçois de toi, avant l’aube, mon aube ;
         Et je songe, voyant tes cimes teintées de rose,
    Que tu étais déjà grande quand Homère n’était pas né,
    Et qu’avant de changer, tout humain mourra !

    Helen Hunt Jackson, « Autres poèmes » in Calendrier de sonnets et autres poèmes, Présenté et traduit par Lydia Padellec,

    Éditions La Part Commune 2024, pp. 42,43.

                                                                                                                                                                

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    Helen Hunt Jackson, 1877, par George H. Hastings

           Amie d’Emily Dickinson, née comme elle en 1830 à Amherst dans le Massachussetts, Helen Hunt Jackson était considérée par Emerson comme « la plus grande poète américaine du XIXe siècle ». Ce n’est pourtant qu’à l’âge de 35 ans, après la mort prématurée de son dernier fils Rennie, qu’elle commença à écrire. Son succès fut immédiat après la publication de son premier recueil Verses en 1870. Ses poèmes d’une facture classique, mettent à l’honneur le sonnet comme dans Calendrier de sonnets qui évoque les mois et les saisons à travers de belles descriptions de la nature. Helen Hunt Jackson dévoile aussi ses combats dans des poèmes tels que « Deux récoltes », « Une quête Arctique » ou encore « Liberté » qui dénonce l’esclavage.

    Écrivain engagé, journaliste, militante, elle contribua jusqu’à sa mort en 1885, à travers ses œuvres, à dénoncer les conditions de vie des Amérindiens. Célèbre pour son plaidoyer Un Siècle de Déshonneur (1881) et surtout pour son roman Ramona (1884), Helen Hunt Jackson a écrit des centaines de poèmes qui n’avaient jamais, jusqu’ici, été traduits en français.