Auteur/autrice : Angele Paoli


  • Denis Roche | Par tant de temps marchant

    «  Poésie d’un jour  »



    On_ne_peut_en_ceinturer_ton_sein_qu
    Ph., G.AdC






    PAR TANT DE TEMPS MARCHANT



    Par tant de temps marchant dans des Grèces rui-
    nées, sans aimer j’admirerai d’en sortir une
    lumière où je marche sur la ligne qui suit
    Celuy qui sçait quel toast il découvre ni quand
    Dans quelle demeure si ce ne sera pas pour nous
    Une aise, une heure d’aise, l’abondance qui
    Nous a si bien défigurés, tous les deux :
    Au-dessus de quelques autres excellences, nous
    Élevons pour les cultiver toutes les trouvailles
    De peu d’importance la/tranquillité de l’ordre
    (et si c’était la guerre) n’est que saloperie.
    Ça fait 23 signes et, même alignés, on ne peut en
    Ceinturer ton sein qui est infranchissable et
    Que tu caches toujours quand je suis sur le
    Point d’en associer la vue au plaisir de
    Savoir ce qu’il en incombe à ton regard.



    Denis Roche, La poésie est inadmissible* in Jean-Marie Gleize, « La figuration défigurative Denis Roche », Poésie et figuration, Éditions du Seuil, Collection Pierres vives, 1983, page 233.



    _____________________________
    * Il existe plusieurs textes de Denis Roche sous le titre « La poésie est inadmissible », soit sous une forme courte, soit sous une forme développée. Le premier texte, tel que publié dans Poésie et figuration de Jean-Marie Gleize (et en extrait ci-dessus), fut publié pour la première fois dans la revue Tel Quel (n° 31, automne 1967). Ce texte sera repris dans le recueil Le Mécrit, en position initiale, avec donc la valeur de point de départ d’une « démonstration », qui trouve son aboutissement avec le texte du « Mécrit » (1971), qui a donné son titre à l’ouvrage publié en 1972. Le second texte qui porte ce titre est la contribution de Denis Roche au recueil collectif Théorie d’ensemble, publié fin 1968 par le groupe Tel Quel ; il se compose de sept pages de « prose » théorique suivie de six séquences de vers. On y retrouve la formule développée en titre général d’une série de onze séquences de vers débutant tous par « La poésie est inadmissible. D’ailleurs elle n’/existe pas » (en caractères italiques), publiée pour la première fois dans n°4 (automne 1968) de la revue Manteia (1967-1982), également reprise dans Le Mécrit en 1972. C’est sous ce titre enfin que les œuvres poétiques complètes de Denis Roche ont été éditées en 1995 dans la collection de littérature contemporaine « Fiction & Cie » des éditions du Seuil (collection créée par Denis Roche en 1974 et que celui-ci a dirigée jusqu’en août 2004. Collection aujourd’hui dirigée par Bernard Comment). (AP, d’après une note de Jean-Marie Gleize)






    DENIS ROCHE


    Roche 3
    Denis Roche, Autoportrait au nu
    19 juillet 1978, Taxco, Mexique, hôtel Victoria, chambre 80.
    Source
    © musée nicéphore niépce




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Art Mag)
    une fiche bio-bibliographique sur Denis Roche
    → (sur le site de la revue Prétexte)
    un entretien (printemps 1998) avec Denis Roche





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  • 6 février 1948 | Francis Ponge, Pochades en prose

    Éphéméride culturelle à rebours



    Gentillesse_arabe_bis_2
    Image, G.AdC






    Sidi-Madani *, 5 et 6 février 1948.



    ACCUEIL ET GENTILLESSE ARABES


    ― (Au printemps de février en Afrique du Nord). ― Il y a certainement une gentillesse arabe, quelque chose ! dans l’accueil et le sourire de ces gens… ! Et naturellement, surtout chez les femmes et les enfants, et aussi chez les simples paysans. Une joliesse et une grâce, fort souvent accompagnées de malice, de vivacité, d’enjouement : un sourire ou un fou rire un peu timide d’être ainsi saisi sur le vif, touché à vif. Quelque chose dont on ne peut s’empêcher, quelque chose de non commandé, qui s’échappe, qui bondit malgré eux. Quelque chose de caché, de soigneusement (et fort gracieusement) drapé, qui se livrerait volontiers, qui se livre, qui ne se découvrirait pas volontiers, mais qui est content, ravi, avide qu’on le devine, qu’on le soupçonne. Et le regard des femmes voilées appelle à cela. Ces femmes sont des lampes. Rien n’est si appelant que la flamme.
        À la campagne, brusquement sur le seuil de portes, ces femmes non voilées qui apparaissent et se cachent aussitôt, ravies, en souriant. Cela ne dure pas beaucoup moins que la floraison des arbres fruitiers. […]
        Gentillesse et côté avenant, accueillant, de ce qui est soigné, préparé par les femmes : les maisons, la cuisine. Maisons et potagers ― vergers dans les campagnes ― le chez-soi est joli et paré (dans la plus grande simplicité et pauvreté). Vergers fleuris au printemps.
        Il brille partout dans la campagne, le blanc de chaux des maisons derrière la haie de cyprès. Oh ! les jolis nids ! Petits mignons villages, petites maisons blanches, petits mignons yeux et pieds des femmes. Jolis orteils brillant dans la montagne, maisons et marabouts. On n’en voit que l’œil ou l’orteil (la cheville, les mains, une main).
        Rapport entre œil et orteil. Petits oignons.

        Le fard, le charbon sous les yeux est comme le charbonnement de la mèche sous la flamme (de la lampe). Nécessité du fard. Et le rose aux joues c’est la surface proche sous l’abat-jour, que la lampe éclaire. (La chair qu’il s’agit d’éclairer, qui est ce qui est à offrir, à consommer, à manger : la partie comestible, le repas servi, la nourriture offerte.)
        Oh tu es ainsi comme une table servie, sous la lampe ! Mais table qui répond, est happée, se colle, est aimantée vers vous, contente, ravie d’être mangée et qui participe ainsi au festin… et nous l’aimons pour son goût du sacrifice. Et les fruits se multiplieront sur la nappe, parce que nous aurons ainsi pris le premier festin ensemble !
        Ainsi de même des vergers fleuris.

         À propos de rose (incarnat) du Sahel, parler du (ou de la) rose (rouge) de confusion ; de la confusion du sang, du ciel, des veines ; de la confusion des couleurs (profusion, confusion), carnation, incarnation, ongles.


    Francis Ponge, Pochades en prose, Méthodes, Éditions Gallimard, 1961 ; Collection Idées, 1971, pp. 93 à 96.





    * Entre décembre 1947 et mars 1948, ont eu lieu, dans un ancien hôtel transatlantique à Sidi Madani, dans les gorges de la Chiffa, des rencontres d’intellectuels, écrivains, artistes venus d’Algérie et de France. Y participèrent notamment Louis Benisti, Malek Bennabi, Albert Camus, Jean Cayrol, Mohamed Dib, El Boudali Safir, Louis Guilloux, le docteur Khaldi, Michel Leiris, Brice Parain, Louis Parrot, Francis Ponge, Emmanuel Roblès, Jean Sénac, Jean Tortel,…
        Ces rencontres, bien qu’ignorées de la plupart des historiens ou passées sous silence, méritent d’être évoquées comme un moment important de la vie intellectuelle de l’époque. [Source]





    FRANCIS PONGE



    ■ Francis Ponge
    sur Terres de femmes

    27 mars 1899 | Naissance de Francis Ponge
    9 août 1940 | Francis Ponge, Le Carnet du Bois de pins
    10 avril 1958 | Francis Ponge, La figue
    29 mars **** | Le Verre d’eau
    Les hirondelles
    Philippe Jaccottet, Ponge, Pâturages, Prairies (note de lecture d’AP)





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  • 5 février 1972 | Mort de Marianne Moore

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 5 février 1972 meurt à New York la poète Marianne Moore, née le 15 novembre 1887 à Kirkwood (Missouri).






    Marianne_moore_1
    Source






                                                         SON BOUCLIER


    Le torque-épine ou porc piquant
               (le porc hérissé appelé à tort hérisson) avec tous ses tranchants dehors,
           échidné et échinoderme en manteau
    de fourrure d’épines de pelote d’épingles, le porc épineux ou porc-épic,
               le rhinocéros au museau cornu ―
           tout est paré pour la bataille.

    La fourrure de porc n’ira pas, je me
               ceindrai de peau de salamandre comme Jean Presbyteros*.
           Un lézard au cœur des flammes, un brandon
    qui est la vie, aux yeux d’asbeste**, aux oreilles d’asbeste, au pelage tatoué
               et au cochon permanent sur
           le cou-de-pied ; il peut résister au

    feu et ne se noiera pas. Dans son
               pays inconquérable au sobre enthousiasme,
           l’or était si banal que nul ne s’y intéressait ; la cupidité
    et la flatterie étaient inconnues. Bien que des rubis gros comme des balles
               de tennis s’agrégeassent dans les ruisseaux de sorte
           que la montagne semblait saigner,

    la salamandre
               inextinguible ne se faisait appeler que presbytère. Son bouclier
    était son humilité. En manteau de lin
    carpasien, flanquée par sa maisonnée de lionceaux et son cortège
               sable, elle révéla
    une formule plus sûre que

    celle de l’armurier ; le pouvoir de renoncer
               à ce qu’on voudrait garder ; c’est ça la liberté. Deviens crâne de
    dinosaure, garni de piquants ou de laine de salamandre, plus chaussé de métal
    et vêtu de javelines qu’un bataillon de hérissons en acier, mais sois
               terne. Ne sois pas envié ni
    armé d’un mètre d’arpenteur.


    Marianne Moore, Nouveaux Poèmes (1951) in Poésie complète, Licornes et sabliers, José Corti, 2004, pp. 168-169. Édité et traduit par Thierry Gillybœuf.



    *Jean Presbyteros : Jean l’Évangéliste (mort v. 100), un des douze apôtres, auteur du quatrième Évangile et à qui l’on attribue aussi l’Apocalypse.
    ** Asbeste : Minéral du groupe des Silicates, à structure filamenteuse, assez souple et résistante, dont on se servait autrefois pour fabriquer des tissus, des mèches de lampes et des explosifs.





    Marianne_moore_corti_4





    EN REGARDANT MISS MOORE…


        Miss Moore portait une longue robe crépusculaire à mince col blanc, et sa chevelure s’enroulait autour de sa tête en une tresse lustrée. Elle essayait de me sourire ; mais sourire lui était fort difficile avec ces petites lèvres tristes et ces grands yeux tourmentés.
         En regardant Miss Moore, je me sentais entraîné dans un âge révolu, peut-être le quinzième siècle, voire le onzième. Elle évoquait les grottes ombreuses d’une abbaye carolingienne, ou l’agate éclairée par une lampe d’une chapelle de Ravenne. Ses fins cheveux translucides semblaient de verre filé, et ses lèvres étaient ciselées dans de petits coraux timides.
         ― Vous préférez les choses aux gens, n’est-ce pas, Miss Moore ?
         ― J’aime bien les choses, oui, en effet ; il est si rare qu’elles aient un aiguillon perfide, comme en ont si fréquemment les gens avec leurs étiquettes et leurs attitudes ! Toutes les attitudes ont un certain aiguillon perfide ; mais hélas ! il est malaisé de vivre sans attitudes, n’est-ce pas ?
         ― Pourtant, les objets ont aussi des attitudes, vous ne croyez pas, Miss Moore ?
         ― Les objets ont souvent quelque chose d’humain aussi bien que l’animal. J’avais autrefois un panier en peau de tatou. Il m’avait été donné par un prêtre qui arrivait du Mexique. C’était un animal, voyez-vous, mais également humain puisqu’il s’agissait d’un panier. Les zébrures, l’étrangeté du dessin, la texture rêche, tout cela m’enchantait. L’odeur de la bête demeurait intacte en dépit de l’attitude humaine.
         ― Avez-vous écrit un poème sur le tatou ?
         ― Oh ! c’était beaucoup trop bonnet blanc et blanc bonnet !
    Les gens disaient : « Elle a donc enfin écrit un poème sur un tatou. Il était inévitable qu’elle écrivît un poème sur un tatou ! »
        Les curieux poèmes pareils à des crabes que j’avais de longue date découverts dans un livre intitulé Observations m’avaient plongé dans un ravissement perplexe. Ils se mouvaient avec une oblique délicatesse en remuant leurs antennes annelées, et semblaient rôder vers quelque exactitude sous-marine. Les motifs changeants de leurs assonances évoquaient des algues marines balancées dans l’eau. « Son bouclier » me plaisait surtout, qui parlait d’une salamandre à laquelle il donnait tout un spectre de couleurs changeantes :

    Des rubis gros comme des balles
    de tennis avaient beau s’unir en coulées telles     
    que la montagne semblait saigner,         

    l’inextinguible
        salamandre ne se qualifiait que d’ancienne. Son bouclier,
    c’était son humilité.


        Miss Moore essaya de sourire : elle sentait peut-être que je la considérais comme une salamandre ; mais le sourire s’évanouit dans l’air, et elle dit :
        ―…Maintenant, il faut que je rentre.


    Frederic Prokosch, Voix dans la nuit, 10/18, Librairie Arthème Fayard, 1984, pp. 190-191. Traduit de l’anglais par Léo Dilé.




    Salamandre
    Image, G.AdC





    MARIANNE MOORE


    Marianne Moore
    Source



    ■ Marianne Moore
    sur Terres de femmes

    15 novembre 1887 | Naissance de Marianne Moore



    ■ Voir aussi ▼

    → la
    fiche des éditions José Corti sur : Marianne Moore, Poésie complète, Licornes et sabliers
    → (sur Poezibao) une
    fiche bio-bibliographique sur Marianne Moore (+ deux extraits)
    → (sur Terres de femmes)
    Elizabeth Bishop | Invitation to Miss Marianne Moore
    → (sur le site de la photojournaliste Esther Bubley)
    trois photographies de Marianne Moore





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  • 4 février 1978 | Une journée particulière d’Ettore Scola

    Éphéméride culturelle à rebours


        Il y a quarante-trois ans, le 4 février 1978, le cinéaste italien Ettore Scola recevait l’Oscar du meilleur film étranger pour son film, Une journée particulière [Una giornata particolare, 1977]. Avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Sur une scénario de Scola et Ruggero Maccari avec la collaboration de Maurizio Costanzo.






    Une_journe_particulire_palazzo_fede
    Le Palazzo Federici
    de l’architecte romain Mario De Renzi (1897 – 1967)
    (29, viale XXI Aprile, Roma),
    où a été tourné Une journée particulière.
    Phalanstère conçu en 1931, et inauguré en 1933
    (année XI de l’ère fasciste).
    Source






        Rome, le 6 mai 1938. Rome, un ensemble d’immeubles mussoliniens. Avec patio et cour intérieure. Et drapeaux du IIIe Reich sur les façades. Dans les hauteurs de l’un des immeubles, l’appartement d’Antonietta. Un petit matin brumeux. Le réveil sonne. Plus tôt que d’ordinaire. La concierge est déjà à l’ouvrage, balai en main et air revêche. La journée d’Antonietta commence. Elle est mère d’une famille nombreuse. Première levée. Elle se met au travail. Préparer les affaires de chacun, costumes militaires, chemises noires, cravates et bérets. Surveiller et rythmer le réveil des enfants, du plus petit au plus grand, servir les petits déjeuners, beurrer les tartines du mari (café au lit), mettre de l’ordre dans la cuisine, faire la vaisselle et les lits, trier, étendre et ranger le linge, préparer la soupe du soir et le café. Et quoi d’autre encore ? Ah, oui ! Donner ses graines à Rosemond, l’ara qui trépigne dans sa cage ! Et expédier son monde. Enfin ! Mari en tête. Une journée tout aussi harassante et aussi ennuyeuse que les autres, en somme. Pas tout à fait pourtant. Il règne dès l’aurore une atmosphère étrange, une fébrilité inhabituelle qui circule d’un étage à l’autre de l’immeuble et d’un immeuble à l’autre aussi. « Nessun Romano mancherà allo storico evento », hurle la radio. Une journée historique commence ― la célébration de l’Axe Rome-Berlin ―, sans autre perspective pour Antonietta que d’en suivre le déroulement sur son poste.

        Et pourtant tout bascule pour elle. Très vite. Il aura suffi de quelques secondes pour que quelque chose change dans la vie morose et inexistante d’Antonietta. Un hasard ? Le destin ? Qui se manifeste sous la forme de Rosemond, son messager. Rosemond, qui profite d’un moment d’inattention d’Antonietta pour s’échapper de sa cage. Et s’envoler. D’un immeuble à l’autre, d’un appartement à l’autre ! De la cuisine cage d’Antonietta au bureau-cachette de Gabriele. Grâce à l’ara ivre de liberté dans cette journée si particulière du 6 mai 1938, Antonietta fait la connaissance de Gabriele. Le voisin d’en face. Un homme bizarre, honni par l’ignoble concierge. Et pour cause. Gabriele est un homme louche, peu recommandable. Un antifasciste. Un journaliste licencié pour dissidence. Et qui plus est, un homosexuel. Qui reste chez lui, bouclé à écrire des textes subversifs. Le jour tant attendu, le jour où le Duce reçoit le Führer !

        Gabriele, au bord du suicide, se terre au milieu de ses livres et de ses papiers. Il attend. Un coup de fil ? Un coup de sonnette ? Il attend. Oui. Mais pas Antonietta. Antonietta qui fait irruption dans sa solitude. Et le distrait, le surprend et l’émeut. Antonietta qu’il dérange par ses gamineries. Ah, la partie de patinette dans la cuisine déboussolée d’Antonietta ! Et Gabriele à quatre pattes en train de ramasser un à un les grains de café qu’il a malencontreusement renversés ! Antonietta qui se rebiffe, qui résiste, qui remet de l’ordre dans ses cheveux défaits, rajuste ses bas filés, rajoute du rouge sur ses lèvres, tapote ses joues décolorées par la fatigue ! Antonietta qui a dû être belle, si belle, et qui se néglige, usée par les grossesses, défigurée, blafarde. Antonietta, désarmante face à cet homme étrange et étrangement tendre ! Antonietta désarmée par les explications de cet intellectuel compliqué, par ses questionnements déroutants. Antonietta qui ne comprend pas et livre à cet intrus qui l’écoute et lui prête attention, les secrets de son admiration pour Mussolini. Album Photos et commentaires ! Pauvre Antonietta !

        Gabriele qui grimpe quatre à quatre en se cachant, jusqu’aux terrasses de l’immeuble pour aider la ménagère à étendre sa lessive. Et s’engage dans une délirante partie de cache-cache sur l’air de Giovinezza. Antonietta qui s’empêtre dans ses draps et dans ses sentiments. Tombe dans les bras de Gabriele. Mais Antonietta n’a pas compris. Elle s’est trompée sur Gabriele. Ils se retrouvent et se séparent dans la tendresse. La journée touche à sa fin. Les héros de la famille sont de retour. La milice est là, elle aussi, qui vient chercher Gabriele. Envoyé « al confino » pour homosexualité. Antonietta, rêveuse, écoute distraitement le récit des exploits des uns et des autres. Tandis que l’époux repu de certitudes propose à sa femme de mettre en route le prochain rejeton. Mâle, bien sûr ! le futur Benito ! Antonietta découragée, prolonge sa soirée solitaire et entreprend en ânonnant la lecture du livre que Gabriele lui a laissé en souvenir. Les Trois Mousquetaires !

        Véritable huis clos, Une journée particulière donne à voir de l’intérieur, comme derrière une loupe grossissante, le face à face de deux êtres humains que tout oppose. Mais au-delà de la rencontre bouleversante de Gabriele et d’Antonietta, c’est une peinture acerbe de l’Italie mussolinienne qu’Ettore Scola donne à lire.

         Construit avec la rigueur dense de la tragédie classique ― unité de lieu, unité de temps, unité d’action ―, le film d’Ettore Scola est une impitoyable machine. Une force qui va et que rien n’arrête ! Reste l’espoir, infime, minuscule, la petite flamme que Gabriele, homosexuel et dissident, a allumée, ce jour-là, dans les yeux d’Antonietta. Un espoir amer, couleur sépia.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Ettore_scola_film
    Source





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur YouTube)
    un extrait d’Une journée particulière
    → (sur YouTube)
    Une journée particulière (v.o.)





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  • Corse_3 3 février 1921 | Joseph Conrad. En partance pour Ajaccio

    Éphéméride culturelle à rebours





    « […] Il y a de ces traversées qui semblent êtreIberia

    choisies pour servir d’illustration à la vie et

    qui pourraient bien faire office de symbole

    de l’existence. »

    Joseph Conrad (Jeunesse).



    EN PARTANCE POUR AJACCIO


        Dans la discrétion d’une journée d’hiver, un navire s’apprête à quitter le port de Marseille. Ciel et mer sont à l’unisson. Couleur d’absinthe. Parmi les passagers, un étranger, arrivé à l’âge où l’on sait bien ce que l’on perd à chaque heure qui passe. À sa démarche, on décèle un marin pour qui la terre ferme, après des années dans le balancement de la houle, semble ne jamais devoir être un terrain familier. Aujourd’hui, nul gros temps à l’horizon et la marche du vapeur se prévoit lente mais sûre. La traversée a toutes chances, pourtant, d’être inconfortable. Il est accompagné de Jessie et de l’infirmière dont elle a grand besoin. La cabine est minuscule et malodorante. Et point de champagne à bord. De bonnes raisons, s’il en fallait, pour rester sur le pont. Jusqu’à ce que le soleil se retire. Et même après. Sur le bateau, le remue-ménage alors cessera. Il fera encore gris. Assez clair pour voir le phare du Planier puis la côte filer. Telle une énigme à laquelle on réfléchit. Énigme d’une vie, énigme d’une rencontre. Quand « il reste ce fil ténu de lumière qui vous poursuit jusque dans votre sommeil et qui vous avertit qu’autrefois*… »

        Visage recuit, rides aux coordonnées féroces, tout en lui est prématurément entamé par une ligne d’ombre. Sauf son regard, pur. Indéchiffrable comme la mer étale. On le devine pourtant étrangement capable de passions violentes et de tempêtes. Mais dans l’ingratitude présente des travaux et des jours, il ne cesse de craindre, non sans raisons, que la fatigue de son corps ne se communique à sa mémoire inquiète.

        Sa vie, il l’a commencée comme il la finira : au milieu des livres. Si l’homme de la rue l’ignore, il a cependant perdu toute chance de mourir inconnu. Non seulement il a acquis, en Angleterre, le statut de grand écrivain, mais sa notoriété a gagné les États-Unis et la France. Il écrit donc toujours. Que faire d’autre désormais ? C’est une habitude. C’est son métier. « Il faut écrire, écrire, écrire, confie-t-il dans une de ses Lettres françaises. On se demande si cela vaut la peine ― car enfin, on n’est jamais satisfait et on n’a jamais fini. » D’un livre l’autre, c’est bien sur sa déception qu’il travaille. Sur cette insatisfaction sans cesse reconduite. Avec le désespoir en embuscade. Confusément conscient de côtoyer une vérité qui, depuis toujours, le hante. Il a mis en chantier ce qui deviendra Suspense [L’Attente]. Il s’y épuise. Sa chair est triste, sa vie s’est alourdie. Perdu, le paradis ?

        Ainsi souffrant, s’apprêtant même à rédiger son testament, c’est le moment qu’il choisit pour venir en Corse. Une tentation constante. Une obsession selon Jessie. Sur ce pont du navire en partance pour Aiacciu, le rêve ancien devient soudainement proche. Instants battants où le désir est près d’être satisfait. Ultime résonance d’un destin, cette mer qui lui est si chère et qu’il va traverser pour la dernière fois, est-elle associée à quelque âpre et lointaine saison, aux prémisses d’une aberration, à quelque défaite connue de lui seul, à quelque lancinante absence ? « Peut-être était-ce une impulsion de loyauté inconsciente, ou l’accomplissement d’une de ces nécessités ironiques qui se dissimulent dans les faits de l’existence. Je ne sais. Je ne puis dire, mais j’y allais », avait-il écrit à un tout autre moment. Si un lieu, c’est aussi une lumière, va-t-il alors chercher en Corse ― cet ouvrage du soleil qui semble une colossale incarnation du silence ― un signe, un rien, une poignée de main, un bruit de fraternité ? Une ferveur de l’air, pour enfin s’éveiller accordé à l’horizon ? Et s’il avait besoin d’un lendemain ruisselant de bleu…

        À soixante-trois ans, Joseph Conrad a plus de souvenirs que s’il avait mille ans. Nous sommes le 3 février 1921. Dans les mots de la Méditerranée.


    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, « Un 3 février 1921 », Bleu Conrad, Le Destin méditerranéen de Joseph Conrad, Albiana, 2007, pp. 17-18.



    * Jean Grenier, Les Îles, Éditions Gallimard, Collection L’Imaginaire, Paris, 2003, page 92.





    Conrad en Corse
    Ph. D.R. Claudine Lesage
    Source





    ■ Joseph Conrad
    sur Terres de femmes

    → Maddalena Rodriguez-Antoniotti,
    Bleu Conrad (note de lecture)
    14 juillet 1900 | Joseph Conrad, Lord Jim
    Kenneth White | Conrad sur L’Île-Grande



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  • Vivian Lofiego | Un temps que les femmes filent

    «  Poésie d’un jour  »




    Strudwick__a_golden_threadLes Trois Moires [A Golden Thread]
    par John Melhuish Strudwick (1849-1937),
    un peintre pré-raphaélite tardif, disciple
    de Burne-Jones.
    Huile sur toile,
    72,4 x 42,5 cm
    1885
    Tate Gallery, Londres





    UN TIEMPO QUE HILAN LAS MUJERES


    Un tiempo que hilan las mujeres
    antiguo como la sal, la piedra, la serpiente
    Tiempo que abre la puerta al teatro oscuro
    con su complejo diagrama de muertos y de vivos

    Convergiendo los hilos del futuro, del pasado
    preparando ansiosas en la noche
    la trama del mundo, la vida urdida
    calculando el punto
    ascendiendo y descendiendo

    La experiencia y el sentido
    olvidando los tapices
    polvo de las cunas vacías

    Extraña verticalidad
    hilvan en este tejido de palabras
    enumeraciones minuciosas
    suerte de confecciones hacia dentro

    Cuando el tiempo se detiene
    cuando la aguja detiene su ritmo
    y cada sombra toma posesión del cuarto

    Concentración religiosa de la pequeña araña que crea un nudo invisible en su lienzo
    hecho de un río de venitas transparentes

    Balanceándose como trapecista

    Final del principio
    Principio del final

    Las causas coincidiendo
    por errantes laberintos.

    Vivian Lofiego, Naturaleza inmóvil, Alción Editora, Córdoba, Argentine, 2003.




    UN TEMPS QUE LES FEMMES FILENT



    Un temps que les femmes filent
    ancien comme le sel la pierre le serpent
    Un temps qui ouvre la porte au théâtre obscur
    avec son diagramme complexe de morts et de vivants

    En croisant les fils de l’avenir et du passé
    Elles préparent anxieuses dans la nuit
    la trame du monde, la vie ourdie
    et calculant le point
    montant et descendant

    L’expérience et le sens
    oubliant les tapisseries
    poussière des berceaux vides

    Étrange verticalité
    bâtie dans ce tissu de mots
    énumérations minutieuses
    possible confection vers l’intérieur

    Lorsque le temps s’arrête

    Lorsque l’aiguille retient son rythme
    et que chaque ombre prend possession de la chambre

    La concentration religieuse de l’araignée
    crée un nœud invisible dans sa toile
    faite d’un fleuve de veinules transparentes

    Elle se balance comme un trapéziste

    Fin de l’origine
    Origine de la fin

    Les causes qui coïncident
    Dans les labyrinthes errants.


    Vivian Lofiego, Nature immobile, Première partie, in Pierre d’infini, L’Atelier des Brisants, Collection Les Sèvres de la foudre, 2005, pp. 19-20. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Couffon. Préface de Bernard Noël. Postface de Jean-Pierre Luminet.





    VIVIAN LOFIEGO

    Vivian Lofiego
    Image, G.AdC


    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    Vivian Lofiego/Elle portait une blessure au front ;
    – (sur Terres de femmes) Vivian Lofiego/
    De l’autre côté du rituel (poème extrait d’Obsidiennes de la nuit + bio-bibliographie) ;
    – (sur Terres de femmes)
    Vivian Lofiego/Les arbres multiplient leurs branches… ;
    – (sur Terres de femmes) le
    portrait de Vivian Lofiego dans la galerie Visages de femmes ;
    – (sur le site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Vivian Lofiego dans la Poéthèque (+ un poème inédit : L’Heure Bleue », 2007) ;
    – (sur le site de
    RFI) une interview de Vivian Lofiego (en espagnol) lors de la sortie de son ouvrage Pierre d’infini ;
    – une courte anthologie sur le site
    Poésie d’hier et d’aujourd’hui.



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  • Elizabeth Bishop | Invitation to Miss Marianne Moore

    «  Poésie d’un jour  »



    Invitation_to_miss_marianne_moore
    Source






    INVITATION À MISS MARIANNE MOORE



    From Brooklyn, over the Brooklyn Bridge, on this fine morning,
           please come flying.
    In a cloud of fiery pale chemicals,
           please come flying,
    to the rapid rolling of thousands of small blue drums
    descending out of the mackerel sky
    over the glittering grandstand of harbor-water,
           please come flying.


    Whistles, pennants and smoke are blowing. The ships
    are signaling cordially with multitudes of flags
    rising and falling like birds all over the harbor.
    Enter: two rivers, gracefully bearing
    countless little pellucid jellies
    in cut-glass epergnes dragging with silver chains.
    The flight is safe; the weather is all arranged.
    The waves are running in verses this fine morning.
           Please come flying.


    Come with the pointed toe of each black shoe
    trailing a sapphire highlight,
    with a black capeful of butterfly wings and bon-mots,
    with heaven knows how many angels all riding
    on the broad black brim of your hat,
           please come flying.


    Bearing a musical inaudible abacus ,
    a slight censorious frown, and blue ribbons,
           please come flying.
    Facts and skyscrapers glint in the tide; Manhattan
    is all awash with morals this fine morning,
           so please come flying.


    Mounting the sky with natural heroism,
    above the accidents, above the malignant movies,
    the taxicabs and injustices at large,
    while horns are resounding in your beautiful ears
    that simultaneously listen to
    a soft uninvented music, fit for the musk deer,
           please come flying.


    For whom the grim museums will behave
    like courteous male bower-birds,
    for whom the agreeable lions lie in wait
    on the steps of the Public Library,
    eager to rise and follow through the doors
    up into the reading rooms,
           please come flying.
    We can sit down and weep; we can go shopping,
    or play at a game of constantly being wrong
    with a priceless set of vocabularies,
    or we can bravely deplore, but please
           please come flying.


    With dynasties of negative constructions
    darkening and dying around you,
    with grammar that suddenly turns and shines
    like flocks of sandpipers flying,
           please come flying.


    Come like a light in the white mackerel sky,
    come like a daytime comet
    with a long unnebulous train of words,
    from Brooklyn, over the Brooklyn Bridge, on this fine morning,
           please come flying.




    Elizabeth Bishop, « Invitation to Miss Marianne Moore », in Poems of Brooklyn, New York University Press, 2007, pp. 53-54.







    Brooklyn_old_fulton_bis_2
    Ph. Angèle Paoli







    INVITATION À MISS MARIANNE MOORE


    De Brooklyn, au-dessus du pont de Brooklyn, par cette belle matinée,
          venez à tire-d’aile.
    Dans une nuée d’ardentes substances pâles,
          venez à tire-d’aile,
    au rythme du rapide roulement de milliers de petits tambours bleus
    descendant du ciel pommelé
    sur l’estrade miroitante de l’eau du bassin,
          venez à tire-d’aile.


    Sifflets, enseignes et fumée jaillissent. Les navires
    agitent en signaux cordiaux des multitudes de pavillons
    ondoyant comme des oiseaux partout au-dessus du port.
    Entrez : deux fleuves, portant avec grâce
    d’innombrables petites gelées pellucides
    dans des surtouts en cristal taillé draguant avec des chaînes d’argent.
    Le vol est sans danger, le climat garanti.
    Les vagues avancent en vers par cette belle matinée.
          Venez à tire-d’aile.


    Venez, avec le bout pointu de chaque soulier noir
    traçant un sillage de saphir,
    avec une cape noire emplie d’ailes de papillons et de bons mots,
    avec Dieu sait combien d’anges tous à califourchon
    Sur le large bord noir de votre chapeau,
          venez à tire-d’aile.
    Arborant un inaudible abaque musical,
    une moue un peu caustique, et des rubans bleus,
          venez à tire-d’aile.
    Faits et gratte-ciel luisent dans les flots ; Manhattan
    est inondé de morale par cette belle matinée,
           alors venez à tire-d’aile.


    Chevauchant le ciel avec un héroïsme naturel,
    au-dessus des accidents, des films malveillants,
    des taxis et des injustices en liberté,
    tandis que les klaxons résonnent à vos belles oreilles
    qui écoutent en même temps
    une musique tendre inédite, digne du porte-musc,
          venez à tire-d’aile.


    Vous pour qui les austères musées se conduiront
    en galants oiseaux de paradis,
    vous que les lions affables guettent
    sur les marches de la Bibliothèque publique,
    impatients de se lever et franchir les portes,
    pour vous suivre dans les salles de lecture,
          venez à tire-d’aile.
    Nous pourrons nous asseoir et pleurer; nous pourrons faire des emplettes.
    ou jouer au jeu de nous tromper sans cesse
    en maniant un fabuleux vocabulaire,
    ou nous pourrons gémir bravement, mais venez,
          venez à tire-d’aile.


    Avec des dynasties de constructions négatives
    qui s’assombrissent et meurent autour de vous,
    avec une grammaire qui soudain vire et brille
    comme des bandes de bécasseaux en vol,
          venez à tire-d’aile.

    Venez comme une lumière dans le ciel blanc pommelé,
    venez comme une comète diurne
    avec un long cortège de mots sans nébulosité,
    de Brooklyn, au-dessus du pont de Brooklyn, par cette belle matinée,
          venez à tire-d’aile.




    Elizabeth Bishop, Un printemps froid [A Cold Spring, 1953], Circé, 2003, pp. 63-67. Traduit de l’anglais par Claire Malroux.





    Brooklyn_4_2_bis
    Ph. Angèle Paoli




    Note : En 1948, The Quaterly Review of Literature demanda à Wallace Stevens, William Carlos Williams, mais aussi à Elizabeth Bishop – dont les liens qui l’unissaient à Marianne Moore étaient bien connus – un essai pour un numéro spécial consacré à celle-ci. Elizabeth Bishop y joignit L’Invitation ci-dessus qui parut en août 1948.
    Les « jellies » évoquent bien évidemment des méduses.






    South_street_looking_toward_brookly
    Source





    ELIZABETH BISHOP


    Elizabeth bishop
    Source



    ■ Elizabeth Bishop
    sur Terres de femmes

    8 février 1911 | Naissance d’Elizabeth Bishop (notice bio-bibliographique + un poème extrait de North & South)
    Crusoe in England (poème extrait de Géographie III)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    5 février 1972 | Mort de Marianne Moore
    → (sur Terres de femmes)
    Acrossing the river
    → (sur Terres de femmes)
    Claire Malroux | Soleil de jadis



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  • TdF n° 39 ― février 2008



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    SOMMAIRE DU MOIS DE FÉVRIER 2008



    Terres de femmes ― N° du mois de janvier 2008
    Elizabeth Bishop/Invitation to Miss Marianne Moore
    Vivian Lofiego/Un temps que les femmes filent
    3 février 1921/Joseph Conrad. En partance pour Ajaccio
    4 février 1978/Une journée particulière d’Ettore Scola
    5 février 1972/Mort de Marianne Moore
    6 février 1948/Francis Ponge, Pochades en prose
    Denis Roche/Par tant de temps marchant
    7 février 1945/Ernst Jünger, Second Journal Parisien
    11 février 1860/Naissance de Rachilde
    cipM, Marseille/« John Cage ou la vie poétique »
    13 février 1951/Jean Malaurie, Les Derniers Rois de Thulé
    Eugenio De Signoribus, Ronde des convers (article d’Angèle Paoli)
    15 février 1710/Naissance de Louis XV
    Issa Makhlouf/Celui qui part, laissons-le partir
    Hélène Sanguinetti/De ce berceau, la mer
    Béatrice Bonhomme/La terre rouge
    19 février 1977/Julien Gracq, Les Eaux étroites
    Michel Deguy/Pour la poésie aujourd’hui
    Marie-Pierre Amiel/« Crépuscule Marseille-Sud », par Angèle Paoli (Chroniques de femmes) (+ galerie photos)
    22 février 1875/Mort de Jean-Baptiste Camille Corot (Corot et l’Italie, par Angèle Paoli)
    Christian Bobin, La Dame blanche (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Emily Dickinson, Quatrains
    Liu Shenxu/Le chemin s’étend à perte de vue
    25 février 1841/Naissance de Pierre-Auguste Renoir
    Noir écrin dans la revue Europe
    26 février 1802/Naissance de Victor Hugo
    Limon de haut vertige (Angèle Paoli)
    Joël Bastard, Casaluna
    Terres de femmes ― N° du mois de mars 2008



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  • Terres de femmes n° 38 ― janvier 2008




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    SOMMAIRE DU MOIS DE JANVIER 2008


    Marie-Claire Bancquart, Impostures (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Jean-Pierre Faye/et je ne sais qui est celle qui est mienne
    Acrossing the river (Angèle Paoli)
    5 janvier 1904/Lettre de Jean Lorrain à sa mère
    Patrizia Cavalli/Mes poèmes ne changeront pas le monde (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Patrick Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue (note de lecture d’Angèle Paoli)
    7 janvier 1896/Mort de Paul Verlaine
    8 janvier 1324/Mort de Marco Polo
    9 janvier 1915/Journal de Katherine Mansfield
    Badr Chaker es-Sayyâb/La maison s’est vidée
    10 janvier 1821/Giacomo Leopardi, Zibaldone
    11 janvier 1849/Victor Hugo, Choses vues
    Les Bruits dans l’eau, un recueil inédit d’Isabelle Raviolo
    12 janvier 1876/Naissance de Jack London
    Lionel Bourg/Ce fut un corps
    Strawberry Fields forever (Angèle Paoli)
    14 janvier 1976/Marguerite Duras, Des journées entières dans les arbres
    Monique Pietri, Marie-Ange Sebasti, Villes éphémères (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Léviathan (Angèlepaoli)
    16 janvier 1950/Lettre de Giuseppe Ungaretti à Jean Paulhan
    Contourner Charybde et éviter Scylla (Angèle Paoli)
    17 janvier 1945/Lettre de Carson McCullers à Reeves
    18 janvier 1862/Lettre de Flaubert à Mademoiselle Leroyer de Chantepie
    Jean Gabriel Cosculluela/Peindre se silence
    Hélène Sanguinetti, Alparegho, Pareil-à-rien (note de lecture d’Angèle Paoli)
    21 janvier 1934/Colette, La Jumelle noire
    Fernando Pessoa/Ulysse
    23 janvier 1783/Naissance de Stendhal
    Eduardo García Aguilar/Noche
    Hélène Sanguinetti dans le Cap Corse
    24 janvier 1862/Naissance d’Edith Wharton
    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Le Printemps des poètes 2008 : Valérie Rouzeau à Porto Vecchio
    Nelly Sachs/Quand le jour devient vide
    28 janvier 1936/Naissance d’Ismaïl Kadaré
    Jeanne Bastide, Intimité de la lumière
    29 janvier 1933/Giuseppe Ungaretti, Carnets italiens
    Paladins d’automne (Angèle Paoli)
    Santa Maria Assunta à Canari (Haute-Corse) [Angèle Paoli]
    Monique Pietri/Marie-Ange Sebasti, Garder infatigablement les yeux ouverts



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  • Marie-Ange Sebasti


    BIO|BIBLIO

    MARIE-ANGE  SEBASTI


    Sebasti
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    À la voir si menue et si réservée, on ne saurait imaginer que derrière tant de modestie se cachent à la fois un chercheur et un poète ! Eh bien oui, Marie-Ange Sebasti mène de front ses propres travaux d’écriture et ses activités d’ingénieur au CNRS ! Avec sa formation supérieure de Lettres classiques, elle aurait pu se consacrer à l’enseignement. Elle a préféré mettre à profit sa formation pour fouiller d’autres champs d’investigation… et d’autres lointains.

    Marie-Ange a une passion. Une passion qui va bien au-delà des simples savoirs, pourtant très pointus, qu’exige la recherche. Elle se passionne pour l’écriture : écriture épistolaire et écriture oratoire, dont elle décortique la rhétorique et analyse les fonctions. Et cette passion prend corps chez les Pères de l’Eglise. Dans la littérature patristique. Côté épistolaire, les Lettres de Firmus de Césarée, évêque de Cappadoce. Côté discours, le théologien Grégoire de Nazianze, « philosophe » chrétien du IVe siècle de notre ère. L’art oratoire de ce prédicateur, dont elle traduit et commente les Discours (Discours, 6 à 12), Marie-Ange en exhume les clés proprement « littéraires ».

    Marie-Ange, yeux pétillants de malice et petit sourire fin au fil des lèvres, est une femme sensible et fière. Fierté sauvage qui est le sceau des femmes insulaires. La terre de Marie-Ange, c’est Kallistè, la Corse. Et le sol de ses ancêtres, Sartène. C’est dans cette sève-là, faite des lumières et des senteurs de son île, que sa plume puise sa source. Délicatement empreinte des nostalgies des montagnes ancestrales, sa poésie regorge d’images bouleversantes. Une écriture des profondeurs, scandée par une rythmique forte, nourrie des alternances de dactyles et spondées. C’est cela, l’écriture poétique de Marie-Ange. Une écriture de chair et d’âme. Car Marie-Ange Sebasti vit dans la poésie et pour la poésie. Une poésie à plein temps qui se nourrit aussi de sa vie de « continentale ». Et de ces échanges nourris et incessants entre l’être-dans-l’île et l’être-hors-de-l’île.

    Marie-Ange vit la poésie comme une injonction à vivre et à saisir tous les instants. Avec le temps, ses textes s’amenuisent, se condensent, se densifient. Elle va vers le moins-de-mots avec toujours plus de rythme, toujours plus de souffle. Et dans ce souffle-là, il y a comme une traînée de poudre légère mais volontaire qui court d’un poème à l’autre, comme un trait de révolte qui suit sa trajectoire assurée. La poésie de Marie-Ange, c’est une poésie qui ébranle et dérange, décentre, oblige au déplacement celui qui croise ses textes. Une poésie de la traque, alors ? Oui, c’est cela, une poésie de la traque – dure et tendre à la fois – à laquelle il faut se laisser prendre pour en savourer toutes les traces !

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    Marie-Ange Sebasti a notamment publié :

    Effleurements, Regain, 1963.
    Paroles pour une île, Promotion et Édition, 1967.
    Contours apparents, Collection « Les Poètes de Laudes », n°12, Cahier 95, 1989.
    Presque une île, La Marge Édition, 1997. Préface de Charles Juliet ; rééd. Colonna Édition, mars 2010.
    Corse dans le chalut des jours, avec des photos de Monique Pietri, Éditions de l’Envol, 2001.
    Seuils, poème, avec une gravure de Bernadette Planchenault, Empreintes, Paris, juin 2002.
    Demain, poème, avec une gravure de Bernadette Planchenault, Empreintes, Paris, juin 2004.
    Les Marges arides, in Friches/Cahier de poésie verte n° 85, hiver 2004.
    – Ouvrage collectif,
    Ougarit, la terre, le ciel, La Part des Anges édition, 2004. Textes réunis par Marie-Ange Sebasti et Joël Vernet.
    Marges arides, Jacques André Éditeur, Lyon, mars 2006 ; rééd. Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI, janvier 2009.
    La Porte des lagunes, Editions Sang d’encre, Collection Opuscules, illustration de Colette Milly, juin 2006.
    Permis fluvial, 17 poèmes, Poésie rencontre, bulletin spécial, juin 2006.
    – (Monique Pietri),
    Villes éphémères, Jacques André Éditeur, Lyon, 2007.
    – (Monique Pietri),
    Bastia à fleur d’eau, Jacques André Editeur, 2008.
    – (Monique Pietri), Venise février, Jacques André Éditeur, 2010.
    Haute Plage, Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI, 2011.
    Cette parcelle inépuisable, Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI, 2013.
    Heures de pointe (récits courts), éditions Le Pont du Change, 2014.
    La Connivence du marchand de couleurs, Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI, 2016.
    La Caravage de l’orage, Jacques André Éditeur, collection Poésie XXI, 2019.





    ■ Marie-Ange Sebasti
    sur Terres de femmes

    → une
    petite anthologie poétique de Marie-Ange Sebasti
    Rue natale (extrait de La Caravane de l’orage)
    Cette parcelle inépuisable (note de lecture d’AP)
    [Un chemin de silence a gonflé ton chargement de mots] (extrait de Cette parcelle inépuisable)
    Demain (extrait de Marges arides)
    → « 
    Notre héritage n’est pas forteresse »
    [On voudrait partager sans parole] (extrait de La Connivence du marchand de couleurs)
    Parlemente (extrait de La Porte des lagunes)
    Plage d’encre (extrait de Haute plage)
    Quand les îles pouffent de rire (extrait de Presque une île)
    Une petite vieille en noir (extrait de Paroles pour une île)
    Monique Pietri, Marie-Ange Sebasti, Bastia à fleur d’eau
    → Monique Pietri, Marie-Ange Sebasti,
    Villes éphémères (note de lecture)
    → Monique Pietri, Marie-Ange Sebasti
    Garder infatigablement les yeux ouverts (extrait de Villes éphémères)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ils étaient partis
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Marie-Ange Sebasti (+ un extrait de Paroles pour une île et de Corse, dans le chalut des jours)