Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Max de Carvalho | Adresse de la multiplication des noms



    Combien d'années sans te revoir
    Source






    ADRESSE DE LA MULTIPLICATION DES NOMS



    Fantôme du pied de groseillier au fond du jardin,
    fantôme de la boucle de cerises encore dans l’arbre de printemps,
    sous le soleil,
    spectre sylvestre de chien,
    et toi, fantôme de la mèche de cheveux pour l’écrin refermé,
    substances tues,
    objets laissés sur la coiffeuse de la chambre la plus fraîche,
    en été,
    je vous invoque.


    Grand-mère, tu peux dresser la table maintenant,
    ton enfant vient dans la vie par un couloir aux murs de fleurs.
    C’est l’heure où il frôle les sombres tentures humides de sa nuit,
    qu’il s’avance dans l’obscurité, à tâtons, pour se lever enfin et paraître
    à la lumière des chandeliers.
    Tu as dressé la table à laquelle j’ai pris place
    dans ce passé qui est la vérité vivante.
    Tu seras tout ce que j’aime, qui ne peut répondre
    et qui ne répond pas.


    Nous voici deux enfin, réunis,
    ombres égales à la lueur d’une flamme unique.
    Combien d’années sans te revoir ? combien d’années ne nous sommes-nous parlé,
    depuis nulle part d’où je m’adresse, à toi, dans le nulle part ?
    Et nous voilà partout déjà achevant cette phrase oubliée,
    nous reprenons son cours sans avoir méconnu tes cheveux violets
    ni la gelée de fruits rouges que tu m’offrais chaque soir de la mer,
    sous le Tropique du Capricorne,
    moi nouveau-né assis près de la fenêtre à la tombée du jour,
    et toi debout, penchée, qui regardes le phare des Trois Récifs,
    lorsque du milieu indivis des eaux bat son heure.


    Souviens-toi, c’est ton fils des Grisons
    qui partit deux fois seul, aimé deux fois ;
    celui de Bastogne devant toi cette nuit à la terrasse de finisterre,
    dans le miracle de la multiplication des noms
    (lait d’Eisenach, rouille de Görlitz et Karl-Marx-Stadt, si ces villes existent encore,
    et jusqu’au jour où elles existeront de quelque façon que ce soit),
    traversant des places sombres, coupant par des rues désertes.


    C’est ton enfant changé, méconnaissable,
    mais dans le cœur tel un stigmate la prédication de ta
    pureté aïeule.



    Max de Carvalho, Adresse de la multiplication des noms, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 1997, pp. 13-14.





    MAX DE CARVALHO


    Max de Carvalho
    Source



    ■ Max de Carvalho
    sur Terres de femmes

    Le reflux (ex-voto)[poème extrait des Degrés de l’incompréhension]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de BiblioMonde)
    une fiche bio-bibliographique sur Max de Carvalho
    → (sur le site lectio-adfinitas)
    une recension d’Adresse de la multiplication des noms, par Paul Farellier (note de lecture parue dans La Revue de Belles-Lettres, n° 3 – 4, 1997)






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  • Novella Cantarutti | Lûs davourj



    Libouton
    Source







    LÛS DAVOURJ



    Discori sui lens
    di fueis e cimi’
    ch’a si disviéstin,
    e ai coventa
    la lûs davourj
    par ch’a si scrivi
    sul ceil.
    Cussì
    al comparìs il jessi
    di nô ch’j passàn
    tal mont
    denant ch’a si distengi
    la lûs.






    CONTROLUCE



    Discorso, sugli alberi,
    di foglie e di rami
    che si snudano
    e cercano
    un campo di luce
    per disegnarsi
    contro il cielo.
    Così appare il nostro essere
    mentre passiamo
    nel mondo,
    prima che declini
    la luce.



    (traduit en italien par Novella Cantarutti)






    À CONTRE-JOUR



    C’est un dialogue
    de feuilles et de branches,
    dans les arbres
    qui se dénudent
    à la recherche
    d’un espace lumineux
    pour se confronter au ciel.
    Ainsi se révèle notre vie
    tandis que nous passons
    dans le monde,
    avant que ne s’évanouisse
    la lumière.




    Novella Cantarutti, In polvara e rosa, Udine, Arti Grafiche Friulane, 1989, in revue Fario n°12, 2013, pp. 135-136. Traduit par Serge Airoldi.





    ________________________________
    NOTE d’AP : ce poème a fait l’objet d’un portfolio édité par Federico Santini et publié à Udine en décembre 2010 par le Museo Etnografico del Friuli. Outre le poème « Lûs davourj », il contient deux gravures de Livio Ceschin : « Il ritratto di Novella » et « Paesaggio friulano ».






    Fario





    NOVELLA CANTARUTTI


    001-novella-a-frisanco-1994
    Ph. Danilo De Marco
    Source




    Née en 1920 à Spilimberc (Spilimbergo, province de Pordenone – Friuli-Venezia Giulia), Novella Cantarutti (morte à Udine le 20 septembre 2009) écrivait prose et poésie en frioulan (parler de Navarons [Val Meduna], un village proche de son village natal).



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site San Giorgio Insieme)
    une notice bio-bibliographique (en italien) sur Novella Cantarutti






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  • Moon Chung-hee | Chant de la flèche



    On ne compare pas les mots à l’épée mais à la flèche car une fois utilisés, fichée quelque part elle ne revient jamais
    Ph., G.AdC







    CHANT DE LA FLÈCHE



    Chaque fois qu’on me le dit
    je pleure toujours un peu
    Tu vivras en te servant des mots
    plus que de l’eau et du feu
    en vérité plus que de l’argent
    Alors tu dois ramasser beaucoup de mots
    Et puis tu dois les dépenser comme il faut avant ton départ

    Cependant on ne compare pas les mots à l’épée
    mais à la flèche
    car une fois utilisés, fichée quelque part
    elle ne revient jamais

    L’être vivant parmi les bois épais
    de flèches aiguës, dès que fiché en plein cœur
    c’est un poison qui pénètre à toute vitesse ou bien
          c’est une flamme

    Quand je vois l’amour qui commence par un mot nouveau
    comme la première page d’un nouveau livre sacré
    je pleure en sanglotant un peu

    C’est de mots que tu te serviras avant ton départ
    plus que de l’eau et du feu
    ou bien de l’argent
    car ils sont la plus belle des richesses
    Chaque fois qu’on me le dit
    oui, vraiment, je pleure un peu



    Moon Chung-hee, Celle qui mangeait le riz froid, Éditions Bruno Doucey, 2012, pp. 115-116. Traduit du coréen par Kim Hyun-ja avec la collaboration de Michel Collot. Préface de Michel Collot.





    MOON CHUNG-HEE


    Moon Chung-hee
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    rencontre avec Moon Chung-hee au Centre culturel coréen (Paris, le 22 mars 2013)
    → (sur Keulmadang | Littérature coréenne n° 19, février 2013)
    « Rage et solitude / Moon Chung-hee, poétesse », par Andrea De Benedittis (entretien avec Moon Chung-hee)
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    « Moon Chung-hee, solitaire et libre », par Vincent Rouillon [PDF]






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  • Claude Haza | [Matin sinueux]



    L'étrange mouvement venu de la nuit
    Ph., G.AdC







    [MATIN SINUEUX]



    Matin sinueux, comme au début du jour
    le ciel associe son désert brûlant et
    l’orient son arceau jailli d’un monde
    d’ombre. Le bois où chante un oiseau
    est teinté du tremblement des branches.
    Des voix parcourent au sol
    l’étrange mouvement venu de la nuit.
    Que puis-je en dire, et quoi faire avec ?
    Avec cette pensée en transition
    calculant toujours un principe nouveau
    pour entrer dans l’expérience des soleils
    qui me traversent.




    Claude Haza, « Gaîté ordinaire » in Douceur des reliefs, Éditions de l’Atlantique, Collection Phoibos, 2012, page 43. Préface d’Alain Freixe.




    Claude Haza Douceur des reliefs





        Né à Aspet (Haute-Garonne), Claude Haza vit aujourd’hui à Nice. Après une carrière de psychothérapeute et de responsable de formation dans le domaine de la communication, il consacre désormais son temps à l’écriture. Douceur des reliefs est son troisième recueil paru aux Éditions de l’Atlantique.

        Claude Haza a aussi publié plusieurs recueils aux Éditions Encres Vives (Saisons Présentes, 2001 ; Les Îles du vent, 2002 ; L’Instant brut, 2002 ; L’Ombre et la Forme, 2002 ; À ce moment présent en moi, 2004 ; Ces rencontres qui demeurent, 2004 ; La Petite Côte, 2006), et aux Éditions Tipaza (Frôlements, dessins de Gérard Eppelé, 2005 ; Le Silence là-haut, illustrations de Jani, 2009).





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  • Cole Swensen | If a garden of Numbers



    IF A GARDEN OF NUMBERS
    Triptyque photographique, G.AdC






    IF A GARDEN OF NUMBERS



    If a garden is the world counted
                                                              and found analogue in nature
    One does not become two by ever ending
                                                                             so the stairs must be uneven in number
    and not exceed
    thirteen without a pause
    of two paces’ width, which
                                                   for instance, the golden section
                               mitigates between abandon
    and an orchestra just behind those trees,
    gradations of green that take a stethoscope: we risk:
    Length over width
                                     to make the horizon run straight
    equals
               to make the pond an oval:
                                                              Width
                                                               over length minus the width
                                  in which descending circles curl
    into animals exact as a remainder.

                                  Which means excess. The meaning of the real
    always exceeds that of the ideal, said someone.

                                                                                       He was speaking of Vaux-le-Vicomte,
    but it’s equally true of parking, or hunting, or wishing you could take it back. He


                                  who is Allen Weiss, actually said, “The meaning
    of a plastic or pictorial construct always surpasses the ideal meaning of that work.”
    Which is something else entirely. Said
    the axonometric
    divided by
    the anamorphic.
                                  There is nothing that controls our thoughts
    more than what we think we see,
    which we label “we.”



    Cole Swensen, “If a Garden of Numbers”, in Ours, University of California Press, Collection New California Poetry, 2008.








    SI UN JARDIN DE NOMBRES
    Triptyque photographique, G.AdC






    SI UN JARDIN DE NOMBRES



    Si un jardin est le mode compté
                                                             et jugé analogue en nature
    Un ne devient pas deux en prenant fin
                                                                         donc les marches doivent être en nombre impair
    et jamais plus
    de treize sans une pause
    de deux pas de large, ce que,
                                                     par exemple, la section d’or
                               équilibre entre abandon
    et l’orchestre juste derrière ces arbres,
    des variations de vert mesurées au stéthoscope : on risque :
    longueur sur largeur
                                         faire courir tout droit l’horizon
    égale
               faire que le bassin soit ovale :
                                                                   largeur
                                                                   sur longueur moins la largeur
                                  dans quoi des cercles descendants s’enroulent
    en animaux, précis comme un reste.

                                  C’est-à-dire un excès. Le sens du réel
    excède toujours celui de l’idéal, a dit quelqu’un.
                                                                                       Il parlait de Vaux-le-Vicomte,
    Et cela vaut aussi pour se garer, ou chasser, ou avoir parlé trop vite. Il,

                                  c’est Allen Weiss, a dit en fait : « Le sens
    d’une construction plastique ou picturale dépasse toujours sa signification idéale ».
    Ce qui est tout autre chose. Dit
    l’axonométrique
    divisée par
    l’anamorphique.
                                  Rien ne contrôle davantage nos pensées
    que ce que nous pensons voir,
    ce que nous appelons « nous ».



    Cole Swensen, « Vaux-le-Vicomte », Le nôtre, Éditions Corti, Série américaine, 2013, page 39. Traduction de Maïtreyi et Nicolas Pesquès.



    _________________________________________
    NOTE d’AP : Le nôtre de Cole Swensen sera disponible en librairie le 4 avril 2013.






    COLE SWENSEN


    Portrait de Cole Swensen
    Image, G.AdC




    ■ Cole Swensen
    sur Terres de femmes

    17 août 1427 | Cole Swensen, Première mention des Bohémiens en Europe
    12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca
    L’acte du verre
    Une expérience simple…
    Le nôtre (lecture d’AP)
    Une trilogie française (lecture de Nicolas Pesquès)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur
    Pennsound) Cole Swensen lisant “If a Garden of Numbers” (Olympia, January 14, 2010)
    → (sur
    Pennsound) une lecture-conférence de Cole Swensen autour de Ours (Olympia, January 14, 2010)
    → (sur YouTube)
    « On the Fly: Cole Swensen », un entretien avec Cole Swensen
    → (sur le site José Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Le nôtre de Cole Swensen
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes inédits de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur en.Wikipedia)
    une notice sur Cole Swensen
    → (sur poets.org)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur le site de Poetry Foundation)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur YouTube)
    Cole Swensen : interview in The Continental Review






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  • Alejandra Pizarnik | Presencia de sombra



    Quelqu'un projette son ombre sur le mur de ma chambre.
    Ph., G.AdC






    PRESENCIA DE SOMBRA


        Alguien habla. Alguien me dice.
        Extraordinario silencio el de esta noche.
        Alguien proyecta su sombra en la pared de mi cuarto. Alguien me mira con mis ojos que no son los míos.
        Ella escribe como una lámpara que se apaga, ella escribe como una lámpara que se enciende. Camina silenciosa. La noche es una mujer vieja con la cabeza llena de flores. La noche no es la hija preferida de la reina loca.
        Camina silenciosa hacia la profundidad la hija de los reyes.
        De demencia la noche, de no tiempo. De memoria la noche, de siempre sombras.







    PRÉSENCE D’OMBRE


         Quelqu’un parle. Quelqu’un me dit.
        Extraordinaire le silence de cette nuit.
        Quelqu’un projette son ombre sur le mur de ma chambre.
        Quelqu’un me regarde avec mes yeux qui ne sont pas les miens.
        Elle écrit comme une lampe qui s’éteint, elle écrit comme une lampe qui s’allume. Elle marche en silence. La nuit est une vieille femme la tête pleine de fleurs. La nuit n’est pas la fille préférée de la reine folle.
        Elle marche en silence vers la profondeur la fille des rois.
        De démence la nuit, de temps nul. De mémoire la nuit, d’ombres toujours.



    Alejandra Pizarnik, L’Autre Rive, III (poèmes écrits entre 1971 et 1972), Éditions Unes, 12 décembre 1983, s.f. (édition originale tirée à 299 exemplaires). Traduit de l’espagnol et préfacé par Jacques Ancet.





    ALEJANDRA PIZARNIK

    Alejandra_pizarnik_1
    Image, G.AdC



    ■ Alejandra Pizarnik
    sur Terres de femmes

    Cahier jaune et L’Enfer musical (note de lecture d’AP)
    El olvido (poème extrait de Les Travaux et les Nuits)
    Fiesta (poème extrait de Les Travaux et les Nuits)
    Invocations (poème extrait de Les Travaux et les Nuits)
    La lumière tombée de la nuit (poème extrait des Aventures perdues)
    Les Aventures perdues (extraits)
    La parole du désir
    Quelqu’un tombe dans sa première tombée (extraits de Textes d’Ombre)
    22 mai 1966 | Journal d’Alejandra Pizarnik
    25 septembre 1972 | Mort d’Alejandra Pizarnik
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    « L’Obscurité des eaux » (poème extrait de L’Enfer musical)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    7 août 1560 | Naissance d’Erzsébet Báthory (extrait d’À propos de la comtesse sanglante d’Alejandra Pizarnik)
    → (sur le site de France Culture)
    Choix de poèmes et d’extraits du Journal d’Alejandra Pizarnik (fiction diffusée la première fois le 19 septembre 2012)
    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Alejandra Pizarnik (Toute la nuit écrite sur le mur écaillé de la vie)








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  • William Carlos Williams | [The sea that encloses her young body]



    Lucien-Clergue 1
    Ph. Lucien Clergue
    Source







    [THE SEA THAT ENCLOSES HER YOUNG BODY]


    XX


    The sea that encloses her young body
    ula lu la lu
    is the sea of many arms –

    The blazing secrecy of noon is undone
    and and and
    the broken sand is the sound of love –

    The flesh is firm that turns in the sea
    O la la
    the sea that is cold with dead men’s tears –

    Deeply the wooking that penetrated
    to the edge of the sea
    returns in the plash of the waves –

    a wind over the shoulder
    large as the ocean –
    with wave following wave to the edge

    coom barroom –

    It is the cold of the sea
    broken upon the sand by the force
    of the moon–

    In the sea the young flesh playing
    floats with the cries of far off men
    who rise in the sea

    with green arms
    to homage again the fields over there
    where the night is deep –

    la lu la lu
    but lips too few
    assume the new–marrruu

    Underneath the sea where it is dark
    there is no edge
    so two –




    William Carlos Williams, Spring and all, 1923, in The Collected Poems, ed. Christopher MacGowan, vol. 1, New Directions Publishing, New York, 1986, pp. 222-223.








    Lucien-Clergue 2
    Ph. Lucien Clergue
    Source








    [LA MER QUI CONTIENT SON CORPS JUVÉNILE]


    XX


    La mer qui contient son corps juvénile
    ula lu la lu
    est la mer aux bras nombreux –

    L’ardent secret de midi est dévoilé
    et et et
    le sable fracassé est le bruit de l’amour –

    La chair est ferme qui se tourne dans la mer
    O la la O
    la mer froide de toutes les larmes des morts –

    Ces cajoleries qui ont pénétré
    jusqu’au bord de la mer profondément
    retournent au clapotis des vagues –

    un clin d’œil par-dessus l’épaule
    aussi large que l’océan –
    vague après vague jusqu’au bord

    Roule coule roule

    C’est le froid de la mer
    que la force de la lune
    vient fracasser sur le sable –

    Dans la mer cette chair juvénile folâtre
    et flotte avec les cris d’hommes lointains
    qui se lèvent dans la mer

    Les bras verts
    en hommage renouvelé aux prairies là-bas
    où la nuit est profonde –

    la lu la lu
    mais des lèvres trop rares
    simulent le nouveau – marou ouh

    Au fond de la mer où il fait noir
    il n’y a pas d’écueil
    si deux –




    William Carlos Williams, Le Printemps et le reste [Spring and all, 1923], Éditions Unes, 2000, pp. 75-76. Traduit en français et présenté par Valérie Rouzeau.






    WILLIAM CARLOS WILLIAMS


    WCW
    Image, G.AdC



    ■ William Carlos Williams
    sur Terres de femmes

    17 septembre 1883 | Naissance de William Carlos Williams
    20 août 1878 | William Carlos Williams, Paterson
    Asphodèle
    Beauté



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une note bio-bibliographique (en anglais) sur William Carlos Williams
    (+ William Carlos Williams disant A Love Song)
    → (sur Modern American Poetry)
    On Spring and All






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  • Marilyse Leroux | [Une goutte est la mer]



    Les pas renouent les fils du paysage
    Ph., G.AdC







    [UNE GOUTTE EST LA MER]



    Une goutte est la mer
    un éclat tout le soleil

    Le jour est tout le jour
    pour qui avance
    le corps léger

    Les pas renouent
    les fils du paysage
    en quête de pierres
    et de lumières oubliées

    Les prés se donnent
    comme autrefois
    le velours d’une robe

    Du plus loin
    ou du plus proche
    l’œil remonte
    à la source.




    Marilyse Leroux, Le Temps d’ici, Éditions Rhubarbe, 2013, page 57. Prix Angèle Vannier de poésie 2014.






    MARILYSE LEROUX


    Marilyse Leroux





    ■ Marilyse Leroux
    sur Terres de femmes

    [Autour de nous le mouvant devient cercles] (extrait d’Ancrés)
    [Livre ouvert] (extrait de Nés arbres)
    Le Sein de la terre (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Tu ouvres une brèche]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Texture)
    une note de lecture de Michel Baglin sur Le Temps d’ici






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  • Fabiano Alborghetti | Canto 13






    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif les dimanches de foi
    Ph., G.AdC







    CANTO 13.


    Divagava con lo sguardo nel mimare l’attenzione
    le domeniche di fede, il vestito tra gli scranni
    moglie e figlio giusto accanto

    se devoti o ammaestrati non sapeva. Interrogando
    il volto in croce interrogava il come il quando
    e se qualcosa per preghiera gli venisse ritornato

    e quante occhi può contare chi dall’alto vede e veglia
    e vede tutti per davvero? C’è premura di salvezza offerta in cielo?
    Questa è vita da canile sussurrava non sentito:

    siamo in mano alla pietà, ringraziamo dei frammenti
    che pensiamo siano ascolto. Cosa resta della fame non saziata?
    Imparare a comportare è la questione:

    nel bisogno ognuno un credo, un estrarre un amuleto
    che risveglia a giorni alterni un potere d’intervento.
    Son diverso ripeteva a bassa voce, son diverso

    e guardava gli esegeti di quel Cristo appeso in croce
    reso quota per martirio: si chiedeva e se non basta?
    Basta credere nell’uno si diceva calcolando

    o più efficace l’occasione, tutto il caso degli opposti?


    Fabiano Alborghetti, Registro dei fragili, 43 canti, Edizioni Casagrande, 2009, pagina 30. Prefazione di Fabio Pusterla.






    Fabiano_alborghetti_registro_11







    CHANT 13.



    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif
    les dimanches de foi, les beaux habits dans les travées
    épouse et fils juste à côté

    sans savoir s’ils étaient pieux ou bien dressés. Interrogeant
    le visage en croix il interrogeait le quand et le comment
    lui demandait si la prière lui vaudrait quelque chose en retour

    et combien d’yeux peut-il compter celui qui d’en haut voit et veille
    et les voit-il tous pour de vrai ? Se soucie-t-on d’un salut offert au ciel ?
    C’est une vie de chien murmurait-il sans qu’on l’entende :

    nous sommes aux mains de la piété, nous remercions pour les fragments
    où nous croyons voir une écoute. Que reste-t-il de la faim inassouvie ?
    Il faut apprendre comment se comporter :

    dans le besoin chacun son credo, sortir une amulette
    qui réveille un jour sur deux une force d’intervention.
    Je suis différent répétait-il à voix basse, je suis différent

    et il regardait les exégètes de ce Christ en croix
    devenu cote par le martyre : il se demandait et si ça ne suffit pas ?
    Suffit-il de croire en un seul se disait-il en calculant

    ou plus efficace selon les circonstances, tout le débat des contraires ?


    Fabiano Alborghetti, Registre des faibles, 43 chants (Registro dei fragili, 43 canti), Éditions d’en bas, Collection bilingue, Lausanne, 2012, page 43. Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf. Préface de Fabio Pusterla. Coédition avec Le Centre de traduction littéraire de Lausanne et Le Service de presse suisse.







    Alborghetti, Registre










    FABIANO ALBORGHETTI


    Fabiano Alborghetti.2
    [Ph. Alain Intraina – Fotostellanove – DR]
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site officiel de Fabiano Alborghetti
    → (sur RTS.ch)
    Fabiano Alborghetti, David Collin et Jean Richard (directeur des Éditions d’en bas) dans Entre les lignes (une émission du 4 mars 2013)
    → (sur YouTube)
    Fabiano Alborghetti lit un extrait de Registro dei fragili (Canto 17)



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo







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  •      Cristina Campo | Sindbad



    Des ombres me disent   C’est l’hiver.
    Ph., G.AdC






    SINDBAD



    L’aria di giorno in giorno si addensa intorno a te
    di giorno in giorno consuma le mie palpebre.
    L’universo s’è coperto in viso
    ombre mi dicono: è inverno.

    Tu nel vergine spazio dove si cullano
    isole negligenti, io nel terrore
    dei lillà, in una vampa di tortore,
    sulla mite, domestica strada della follia.

    Si stivano canapa, olive
    mercati e anni… Io non chino le ciglia.
    Mezzanotte verrà, il primo grido
    del silenzio, il lunghissimo ricadere

    del fagiano tra le sue ali.


    Cristina Campo, Poesie sparse, in La Tigre Assenza, Biblioteca Adelphi, 2012, pagina 38. A cura e con una nota di Margherita Pieracci Harwell.







    SINDBAD



    L’air de jour en jour s’épaissit autour de toi,
    de jour en jour consume mes paupières.
    L’univers s’est couvert le visage,
    des ombres me disent : C’est l’hiver.

    Toi dans le vierge espace où se bercent
    de nonchalantes îles, moi dans la terreur
    des lilas, dans une flambée de tourterelles
    sur la douce, familière route de la folie.

    S’entassent chanvre, olives,
    marchés et années. Je ne baisse pas les yeux.
    Minuit viendra, le premier cri
    du silence, la très longue retombée

    du faisan entre ses ailes.


    Cristina Campo, Le Tigre Absence, Arfuyen, 1996, page 43. Poèmes traduits et présentés par Monique Baccelli.





    CRISTINA CAMPO


    Portrait de Cristina Campo
    Image, G.AdC



    ■ Cristina Campo
    sur Terres de femmes

    29 avril 1923 | Naissance de Cristina Campo
    8 mai 1972 | Cristina Campo, Lettre à Mita
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Les Impardonnables (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    le site Cristina Campo, site (en italien) créé par Arturo Donati
    → (sur le site de la Revue Nunc)
    « Cristina Campo, mystique absolue, ou la recherche de la sprezzatura », par Réginald Gaillard
    → (sur Lettre(s) de la Magdelaine de Ronald Klapka)
    Cristina Campo, sotto vero nome : sprezzatura (8 mars 2006)
    → (dans Le Monde du 3 mars 2006)
    Les incendies d’une mystique, par René de Ceccatty [Word, .docx]






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