Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • O.V. de L. Milosz | H








    Le jardin descend vers la mer. Jardin pauvre, jardin sans fleurs, jardin
    Aveugle. De son banc, une vieille vêtue
    De deuil lustré, jauni avec le souvenir et le portrait,
    Regarde s’effacer les navires du temps. L’ortie, dans le grand vide

    De deux heures, velue et noire de soif, veille.
    Comme du fond du cœur du plus perdu des jours, l’oiseau
    De la contrée sourde pépie dans le buisson de cendre.
    C’est la terrible paix des hommes sans amour. Et moi,

    Moi je suis là aussi, car ceci est mon ombre ; et dans la triste et basse
    Chaleur elle a laissé retomber sa tête vide sur
    Le sein de la lumière ; mais
    Moi, corps et esprit, je suis comme l’amarre

    Prête à rompre. Qu’est-ce donc qui vibre ainsi en moi,
    Mais qu’est-ce donc qui vibre ainsi et geint je ne sais où
    En moi, comme la corde autour du cabestan
    Des voiliers en partance ? Mère

    Trop sage, éternité, ah laissez-moi vivre mon jour !
    Et ne m’appelez plus Lémuel ; car là-bas
    Dans une nuit de soleil, les paresseuses
    Hèlent, les îles de jeunesse chantantes et voilées ! Le doux

    Lourd murmure de deuil des guêpes de midi
    Vole bas sur le vin et il y a de la folie
    Dans le regard de la rosée sur les collines mes chères
    Ombreuses. Dans l’obscurité religieuse les ronces

    Ont saisi le sommeil par ses cheveux de fille. Jaune dans l’ombre
    L’eau respire mal sous le ciel lourd et bas des myosotis.
    Cet autre souffre aussi, blessé comme le roi
    Du monde, au côté ; et de sa blessure d’arbre

    S’écoule le plus pur désaltérant du cœur.
    Et il y a l’oiseau de cristal qui dit mlî d’une gorge douce
    Dans le vieux jasmin somnambule de l’enfance.
    J’entrerai là en soulevant doucement l’arc-en-ciel

    Et j’irai droit à l’arbre où l’épouse éternelle
    Attend dans les vapeurs de la patrie. Et dans les feux du temps apparaîtront
    Les archipels soudains, les galères sonnantes —
    Paix, paix. Tout cela n’est plus. Tout cela n’est plus ici, mon fils Lémuel.

    Les voix que tu entends ne viennent plus des choses.
    Celle qui a longtemps vécu en toi obscure
    T’appelle du jardin sur la montagne ! Du royaume
    De l’autre soleil ! Et ici, c’est la sage quarantième

    Année, Lémuel.
    Le temps pauvre et long.
    Une eau chaude et grise.
    Un jardin brûlé.



    O.V. de L. Milosz, Adramandoni in Poésies, II, Éditions André Silvaire, 1960, pp. 113-114-115. Textes, notes et variantes établis par Jacques Buge.








    O. V. de L. MILOSZ


    Vignette Milosz
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site de l’association des Amis d’Oscar Vladislas de Lubicz Milosz
    → (sur Esprits Nomades)
    « Oscar Vladislas de Lubicz Milosz, D’un pays d’enfance retrouvée en larmes… », par Gil Pressnitzer (dossier comprenant un choix de textes)





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  • Louise Warren, Tricots





    A  MONTREAL
    Ph., G.AdC







    TRICOTS




    c’est très court une maille
    ça n’appartient pas à la nuit

    l’air glisse à l’envers

    un jardin sur les genoux
    calme à l’endroit
    la maille dans le jour





    une averse tombe
    une fatigue s’épuise
    vaste et légère
    près du cœur





    tout est muet
    dans la bouche
    le jour se vide
    creuse un trou

    on recommence plus serré





    prendre la mesure de l’air
    un apaisement
    entre les arbres et les semaines
    les inquiétudes, les manches défaites





    sans fin la chaleur
    les vitesses, les variations

    ce qui va dessus
    dessous
    ce qui veille




    Louise Warren, Tricots in Anthologie du présent, poésie, suivi de Le Premier Lecteur, une conversation avec André Lamarre, Les Éditions du passage, Montréal, 2012, pp. 53-54-55-56-57.








    LOUISE WARREN


    Louise Warren
    Ph. Richard Gravel, 2006
    Source




    ■ Louise Warren
    sur Terres de femmes

    Apparitions
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Louise Warren + [Chaque lac a ses secrets] (extrait d’Anthologie du présent)



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Louise Warren
    → (sur le site des éditions L’Hexagone)
    une fiche bio-bibliographique sur Louise Warren
    → (sur remue.net)
    Louise Warren / September song
    → (sur remue.net)
    Bleu inédit © Louise Warren
    → (sur le site de L’ÎLE, Centre de documentation virtuel sur la littérature québécoise)
    une notice bio-bibliographique sur Louise Warren





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  • Vélimir Khlebnikov | [Une vieille et sauvage chiffe de cheveux]





    1921
    Source







    [UNE VIEILLE ET SAUVAGE CHIFFE DE CHEVEUX]




    Une vieille et sauvage chiffe de cheveux,
    Un champ noir labouré — son front.
    Des souches brûlées dans une tourbière — ses lèvres,
    Des mamelles de chèvre farouche — sa barbe,
    Une corde d’amarrage — sa moustache,
    La Fille des Neiges avec un balai noir — ses dents,
    Et pareils à des trous dans une couverture usée
    Ses yeux emplis de nuits sans sommeils.

    1921



    Vélimir Khlebnikov, Poèmes in Europe, Revue littéraire mensuelle, octobre 2010, page 199. Traduit du russe par Yvan Mignot.






    Vélimir Khlebnikov. Europe







    VÉLIMIR KHLEBNIKOV


    Vélimir Khlebnikov
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site The World of Velimir Khlebnikov





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  • Mariangela Gualtieri |
    [Per tutte le costole bastonate e rotte]

    « Poésie d’un jour »


    choisie par Marie Fabre





    Mariangela Gualtieri par Dino Ignani (1)
    Source







    [PER TUTTE LE COSTOLE BASTONATE E ROTTE]



    Per tutte le costole bastonate e rotte.
    Per ogni animale sbalzato dal suo nido
    e infranto nel suo meccanismo d’amore.
    Per tutte le seti che non furono saziate
    fino alle labbra spaccate alla caduta
    e all’abbaglio. Per i miei fratelli
    nelle tane. E le mie sorelle
    nelle reti e nelle tele e nelle
    sprigionate fiamme e nelle capanne
    e rinchiuse e martoriate. Per le bambine
    mie strappate. E le perle nel fondale
    marino. Per l’inverno che mi piace
    e l’urlo della ragazza
    quel suo tentare la fuga invano.

    Per tutto questo conoscere e amare
    eccomi. Per tutto penetrare e accogliere
    eccomi. Per ondeggiare col tutto
    e forse cadere eccomi
    che ognuno dei semi inghiottiti
    si farà in me fiore
    fino al capogiro del frutto lo giuro.

    Che qualunque dolore verrà
    puntualmente cantato, e poi anche
    quella leggerezza di certe
    ore, di certe mani delicate, tutto sarà
    guardato mirabilmente
    ascoltata ogni onda di suono, penetrato
    nelle sue venature ogni canto ogni pianto
    lo giuro adesso che tutto è
    impregnato di spazio siderale.
    Anche in questa brutta città appare chiaro
    sopra i rumorisissimi bar
    lo spettro luminoso della gioia.
    Questo lo giuro.


    Mariangela Gualtieri, Bestia di gioia, Einaudi, collana Collezione di poesia, 2010, pp. 7-8.







    [POUR TOUTES LES CÔTES MATRAQUÉES ET BRISÉES]




    Pour toutes les côtes matraquées et brisées.
    Pour chaque animal jeté de son nid
    et broyé dans son mécanisme d’amour.
    Pour toutes les soifs qui n’ont pas été étanchées
    jusqu’aux lèvres fendues jusqu’à la chute
    et à la cécité. Pour mes frères
    dans leurs tanières. Et mes sœurs
    dans les filets dans les toiles dans les
    flammes déchaînées dans les cabanes
    et enfermées et torturées. Pour mes petites filles
    arrachées. Et pour les perles dans les fonds
    marins. Pour l’hiver que j’aime
    et le hurlement de la jeune fille
    quand elle tente en vain de s’enfuir.

    Pour tout connaître de cela et l’aimer
    me voici. Pour tout pénétrer et accueillir
    me voici. Pour ondoyer avec le tout
    et peut-être tomber me voici
    Chacun des noyaux avalés
    en moi deviendra fleur
    jusqu’au tournis du fruit cela je le jure.

    Chaque douleur sera
    ponctuellement chantée, et puis aussi
    la légèreté de certaines
    heures, de certaines mains délicates, tout sera
    admirablement regardé
    écoutée chaque onde sonore, pénétré
    dans ses nervures chaque chant chaque pleur
    tout cela je le jure maintenant que tout est
    imprégné d’espace sidéral.
    Même dans la laideur de cette ville apparaît limpide
    au-dessus des bars trop bruyants
    le spectre éclatant de la joie.
    Cela je le jure.


    Traduction inédite de Marie Fabre
    D.R. Texte Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    ______________________________________
    NOTE de MARIE FABRE : en 1983, Mariangela Gualtieri a fondé avec Cesare Ronconi à Cesena le Teatro Valdoca, dont elle est la dramaturge. Sa production théâtrale s’est enrichie dans les années 2000 d’une activité poétique, accompagnée de lectures et de performances. Son écriture est marquée par une recherche formelle qui donne toute sa place à la musicalité du vers – on y décèle notamment une influence importante d’Amelia Rosselli. Parmi ses dernières publications : les recueils Senza polvere senza peso (2006), Bestia di gioia (2010) et la pièce Caino (2011), publiés tous trois chez Einaudi.


    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Depuis 2013, Marie Fabre est maître de conférences en études italiennes à l’ENS de Lyon. Marie Fabre a aussi récemment participé à un dossier “Amelia Rosselli” pour la revue littéraire Europe (n° 996 | avril 2012) [pp. 216-223] et traduit en français l’intégralité des Variazioni Belliche d’Amelia Rosselli (Ypsilon, 2012).






    MARIANGELA GUALTIERI


    Gualtieri
    Source



    ■ Mariangela Gualtieri
    sur Terres de femmes

    Caino | Prologo
    Giorno d’aspromonte (poème extrait de Senza polvere senza peso)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Imperfetta Ellisse)
    une note de Giacomo Cerrai sur Mariangela Gualtieri, finaliste du Prix Ceppo 2011 de Pistoia (+ bio-bibliographie)
    → (sur poiein.it)
    un article (en italien) de Rossano Astremo sur la poésie de Mariangela Gualtieri (« piccolo immenso corpo poetico »)
    → (sur YouTube)
    une interview de Mariangela Gualtieri
    → (sur YouTube)
    une autre interview de Mariangela Gualtieri (dont de nombreux poèmes dits par l’auteure)





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  • Natalie Clifford Barney | « T’écrire des poèmes ! »





    Jeter sur cet abîme un arc-en-ciel, un pont
    Ph., G.AdC








    « T’ÉCRIRE DES POÈMES ! »



    Mon mal dépasse encor la mesure des vers,
    Et l’ombre de ma joie en ce ciel à l’envers
                             Est encor trop la même !
    Étoiler de mes pleurs ce céleste univers ?
    Trouver à ma tristesse un lumineux langage ?
    De la séparation faire un meilleur usage ?
    Jeter sur cet abîme un arc-en-ciel, un pont
    Par où, ressuscités, mes chagrins s’en iront ?
    Fidèles, au chevet chaque soir, ils reviennent ;
    Puis, à l’aube, au réveil, mes songes les contiennent.
    Ne m’apportent-ils pas un écho de ta voix ?
    …Et pendant ton absence ils protègent mon toit
    Où j’écoute en priant ce qui me vient de toi.
    Par-dessus la rumeur vile, trompeuse et preste,
    Ce qu’ils disent « perdu » c’est tout ce qui me reste !



    Natalie Clifford Barney, Nouvelles Pensées de l’Amazone [Mercure de France, 1939], Éditions Ivrea, 1996, page 108.







    NATALIE CLIFFORD BARNEY


    Natalie Clifford Barney
    Source



    ■ Natalie Clifford Barney
    sur Terres de femmes

    Apophtegmes de l’Amazone
    C’était, je me rappelle…
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Natalie Clifford Barney
    3 novembre 1910 | Remy de Gourmont, « Lettre intime » à l’Amazone
    2 février 1972 | Mort de Natalie Clifford Barney



    ■ Voir aussi ▼

    → un article sur
    Le Temple de l’Amitié où vécut pendant 60 ans Nathalie Clifford Barney





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  • Françoise Delcarte | [J’ai besoin d’aller seule]






    Les pierres où jouait tout notre temps promisDiptyque photographique, G.AdC







    [J’AI BESOIN D’ALLER SEULE]



    J’ai besoin d’aller seule,
    Très loin, contre mon gré,
    Disons que j’ai besoin de me fixer mes heures,
    Et de m’y succéder.

    Un très grand laps d’amour fait qu’au lieu d’oublier,
    On récidive un crime,
    On s’ajoute à des blés,
    On se reprend d’odeurs, on se fouille,
    Presque l’on s’incrimine
    D’avoir pu préférer les berges de l’été,
    La rouille, et puis la mousse,
    Le vert de gris des jours,
    Et les pierres où jouait tout notre temps promis.

    Je voudrais dessiner pour moi ce compromis,
    Le lin, le chèvrefeuille,
    Le sable,
    Et puis pouvoir
    N’emporter que le lierre.



    Françoise Delcarte, Sables, Éditions Seghers, 1969 (édition originale), page 20.








    FRANÇOISE DELCARTE


    Françoise Delcarte3




    ■ Françoise Delcarte
    sur Terres de femmes

    [Peut-être, le visage se souvient-il encore] (poème extrait d’Infinitif)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Chroniques Asynchrones)
    « Le contrepoint organique de Françoise Delcarte », par Françoise Noël
    → (sur LaFreniere&poesie)
    une note sur Levée d’un corps d’oubli sur un corps de mémoire de Françoise Delcarte (+ extraits)
    → (sur Orbi, Université de Liège)
    Préface à Infinitif, suivi de Sables, de Françoise Delcarte, par Gérald Purnelle, éditions du Taillis Pré, 2001 [PDF]





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  • Allen Ginsberg | Kenji Myazawa






    Alan Ginsgberg by  Jan Herman








    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    All is Buddhahood
    to who has cried even once
    Glory be? ”
    So I said glory be
                        looking down at a pine
                                           feather
    risen beside a dead leaf
    on brown duff
    where a fly wavers an inch
                        above ground
    midsummer.


    Could you be here?
    Really be here
                  and forget the void?
    I am, it’s peaceful, empty,
    filled with green Ponderosa
          swaying parallel tops
    fan like needle circles
    glittering haloed
    in sun that moves slowly
          lights up my hammock
                       heats my face skin
                                                  and knees.


    Wind makes sound
                 in tree tops
    like express trains like city
                                machinery
    Slow dances high up, huge
                 branches wave back &
                                            forth sensitive
                 needlehairs bob their heads
    — it’s too human, it’s not
                 human
    It’s treetops, whatever they think,
    It’s me, whatever I think,
    It’s the wind talking.



    […]







    BOUDDHA
    Ph., G.AdC







    KENJI MYAZAWA
    (extrait)



    « Tout est Bouddha
    Pour qui s’est écrié même une seule fois
    Que soit la Gloire ? »
    Je dis donc que soit la gloire
                        regard posé sur une aigrette
                                              de pin
    s’élevant près d’une feuille morte
    sur le terreau noir
    où une mouche oscille tout
                        près du sol
    plein été.


    Pourriez-vous être là ?
    Vraiment là?
                  et oublier le vide ?
    Moi je suis là, c’est paisible, vide,
    empli de pins verts
          agitant leurs cimes parallèles
    cercles d’aiguilles en éventail
    halo étincelant
    dans le soleil qui bouge lentement
          éclaire mon hamac
                       réchauffe mon visage
                                                 mes genoux.


    Le vent bruisse
                 à la cime des arbres
    comme des trains rapides comme les machines
                                des villes
    Tout là-haut des danses lentes, des branches
                 énormes se balancent d’avant
                                            en arrière, sensibles
                 des têtes remuent leur chevelure d’aiguilles
    — c’est trop humain, ce n’est pas
                 humain
    Ce sont les cimes des arbres, quoi qu’elles en pensent
    C’est moi, quoi que j’en pense,
    C’est le vent qui parle.



    […]



    Allen Ginsberg, Souffles d’Esprit [Mind Breaths, 1972-1977], in Poèmes, édition bilingue, Christian Bourgois éditeur, 2012, pp. 444-447. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Pélieu et Mary Beach et par Yves Le Pellec et Françoise Bourbon.








    ALLEN GINSBERG


    Ginsberg
    Source



    ■ Allen Ginsberg
    sur Terres de femmes

    3 juin 1926 | Naissance d’Allen Ginsberg
    11 octobre 1961 | Allan Ginsberg, Journal 1952-1962
    Sabine Huynh, Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Christian Bourgois éditeur)
    une fiche descriptive d’Allen Ginsberg
    the website of the Allen Ginsberg Estate







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  • Monchoachi | Le mage






                XI

    Le mage           


    Feuilles bananier dans les nuages
    Ph., G.AdC








    Rouges les cirouelliers
                                                              et les coqs bigarrés servis aux carrefours
    Rouge du roucou le riz de l’offrande
                                             Et les cassaves
    Rouge la sève du calebassier du milieu du jeu de paume
                                 Qui bruitalise tant les entrailles des vestales
    Et la terre où prospère le mèdecinier
    Demeure du vieux-corps dépenaillé
                                                             Harassé jouer zo avec le temps
                                              Qui agonise en plein soleil      c’était samedi
                                                                 Le corps couvert de bouse


    Bleu grand-goût les terres rèques
                                              Les mangots vètes frottés face bleu-indigo
    Et la fumée en-affaise du cachimbo
                                              Où bougonne l’obscur acassan
    Manger-lèsprit parfumé et puis fèuilles-bois
    Œillades d’anolis d’oeils
                                 Verts constellant le fruitapain bléu
    La fiante verte sur la console
                                 La déméfiante pavane bleue
                                 En-rhaut la travèsse d’un mabouya
    La falle ouayayaïe du grand duc Valcin
                                       Feuilles bananier dans les nuages
                                        Au Maître génial suffisantes
                                        Air bleu oracle pour le cacher
                                        Ô le temps pleurer
                                        Creuser sillon
                                        Et en suivre le cours


    Blanc le saisissement
                                                          que la jaune fleur-date le dévire ici même
    Blancs les signes les rendez-vous sacrés
    Serpente le lieu de l’aube à tout moment
                                               À tout moment l’ange dansant
    La blanche couleuvre-déux-têtes
                                               Dévidant l’ondoyant chemin d’astres
                                Cavalier travesti dans le frissonnant-zentraille
    L’offrande de la belle femme fessue
    Larges palmes toute chapée de blanc
    La source-lhorizon en quelle est-ce s’abreuve la cigouane


    Roses les lauriers
                                Roses l’œil rond de l’amour
    Rose la coquetterie surannée de la bourrelle
                  Le frai maite-tête la rose rhâler-meînin-vini
    La sente-bon- madigouane de la prune mombin des rivières
    Rose le cœur-miroir de la putain reflétant d’innombrables mondes
                                                          Prodiguant tant et tant de bonheurs
                                                          jusqu’au fin fond des chambres nuptiales
    Rose le cœur-miroir de la chouette à l’âme humide
                                                          La sereine réfutation des hérésies


    Rouge le carême emmitouflé dans des peaux de taureau
    Rouges les gens du lignage du chien
    Mêche-lumin rouge la langue divine parlée pour transpercer
                                              Zyeux et cœurs
    Rouge le bruit qui a résõnnin comme le crié-lan-mort
                                                                                                           trois fois
    Trois fois la femme a parlé tout seul
                                                          « Ouaë ! Ya rien qui est francé vrémant dans ça ! »
    Rouges les torches bois-min rouges Fifi et Mimi
                                Qui a jambé dleau sans mouiller son déux petits quatiètes
                                Bricolobric! Bricolobric! Rouges tites colobri!


    Rouges les turbulents présages le devègondage sophistique
                                                Les lieux pathétiques
                   (Et Prodicos de Céos, le Grec,
                                                                    condamné à boire la rouge ciguë
                                                                    il a fait comme ça :
                                                                    « Ce qui est utile à la vie,
                                                                    il doit être tenu pour divin ».
                                                                                                                 Ouaïe!)


                                                Noires les nuits qu’illumine l’étoile
                                                Noires les nuits qu’alerte le songe
                                                Les nuits qu’encensent les larmes
                                                                    De l’oliban


                                                Au leurre le temps qu’escortent les âmes
                                                                    En-deux-eaux la fortune
                                                Mage cheminant à la main bâton de bois d’orme.



    Monchoachi, “Rara solé”, in Lémistè (1. Liber América), Obsidiane, 2012, pp. 39-40-41.








    MONCHOACHI


    Monchoachi2
    Ph. © Phil Journé
    Source




    ■ Monchoachi
    sur Terres de femmes

    Mâle/Fimelle (extrait de Partition noire et bleue)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur île en île)
    une fiche bio-bibliographique sur Monchoachi







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  • Philippe Soupault | Les mains jointes






    Le silence est de rigueur
    Triptyque photographique, G.AdC








    LES MAINS JOINTES



    Dans le ciel fument de grands vaisseaux
    et sur terre il y a ce soir un homme qui écrit
    près d’une bougie
    avec un stylographe Watermann
    Il pense aux oiseaux gris
    il pense au pays qu’il ne connaît pas
    comme on pense à son chien endormi
    Il sait beaucoup de choses qui n’ont pas de nom
    sur la terre et dans les cieux
    d’où s’envolent les grands vaisseaux
    Les arbres réclament le silence et la pluie
    Il y a un homme qui écrit près d’une bougie
    près d’un chien endormi
    et qui pense à la lune
    et qui pense au Bon Dieu
    Il y a aussi ces papillons petites réclames du paradis
    maison des anges très bien mis
    propriétaires des cannes élégantes
    et de grandes voitures simples souples silencieuses
    Les anges sont des amis
    à qui l’on demande conseil pour choisir une cravate
    et qui répondent tristement
    Choisis celle qui a la couleur de tes yeux
    Les anges disparaissent dans les flammes des bougies
    et il n’y a plus que les arbres
    et naturellement les animaux que l’on oublie
    et qui se cachent
    Ces braves savent que le silence est de rigueur
    à cette heure de la nuit courageuse
    à cette heure où descendent les prières
    et les chansons sur des échelles de coton
    C’est l’heure où l’on voit aussi des yeux
    qui ne veulent pas s’éteindre
    immobiles comme des séraphins
    Anges de Paris prêtez-moi vos ailes
    prêtez-moi vos doigts
    prêtez-moi vos mains
    Faut-il que je dorme encore si longtemps
    et que ma tête soit plus lourde qu’un péché
    Faut-il que je meure sans un cri
    dans le silence que réclament les arbres
    près d’une bougie
    près d’un chien endormi



    Philippe Soupault, « Les mains jointes », in Philippe Soupault par Henri-Jacques Dupuy, Collection Poètes d’aujourd’hui, n° 58, Pierre Seghers Éditeur, 1957, pp. 130-131.







    PHILIPPE SOUPAULT


    Philippe Soupault par Bérénice Abbott
    Source



    ■ Philippe Soupault
    sur Terres de femmes

    12 mars 1990 | Mort de Philippe Soupault



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur La Pierre et le Sel)
    Philippe Soupault, un révolté désinvolte, une contribution de Jacques Décréau
    → (sur le site de l’INA)
    un entretien de Philippe Soupault avec Bernard Pivot (1er août 1980)







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  • Zbigniew Herbert | La maison du poète





    LA CHAMBRE DE VINCENT
    Vincent Van Gogh (1853-1890)
    La Chambre de Van Gogh à Arles, 1889
    Huile sur toile, 57,5 x 74 cm
    Paris, Musée d’Orsay
    © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/Hervé Lewandowski
    Source







    DOM POETY



        Kiedyś był tu oddech na szybach, zapach pieczeni, ta sama twarz w lustrze. Teraz jest muzeum. Wytępiono florę podłóg, opróżniono kufry, pokoje zalano woskiem. Całymi dniami i nocami otwierano okna. Myszy omijają ten zapowietrzony
    dom.
        Łóżko zasłąno porządnie. Ale nikt nie chce spędzić tu ani jednej nocy.
        Między jego szafą, jego łóżkiem a jego stołem – biała granica nieobecności, ścisła jak odlew ręki.






    LA MAISON DU POÈTE



        Il y avait ici naguère un souffle sur les vitres, une odeur de rôti, le même visage dans le miroir. C’est un musée à présent. On a arraché la flore des planchers, vidé les malles, astiqué les pièces à la cire. On a ouvert les fenêtres nuit et jour. Les souris évitent cette maison bien aérée.
        Le lit a été fait soigneusement. Mais personne ne veut passer la nuit ici.
        Entre son armoire, son lit et sa table – une limite blanche d’absence, distincte comme le moule d’une main.



    Zbigniew Herbert, Inscription in Monsieur Cogito, Œuvres poétiques complètes II, édition bilingue, Le Bruit du temps, 2012, pp. 72-73. Traduction du polonais par Brigitte Gautier.







    ZBIGNIEW HERBERT


    Zbigniew-Herbert-auteur-polonais-photo-anonyme
    Source



    ■ Zbigniew Herbert
    sur Terres de femmes

    Nature morte avec bride et mors (lecture de Claire Vajou)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    une page sur Zbigniew Herbert
    → (sur Esprits Nomades)
    Zbigniew Herbert, La voix amère de la conscience collective polonaise, par Gil Pressnitzer







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