Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Natsumé Sôseki | Au milieu du printemps




    La traduction de mon -tat mental - mon arriv-e
    Ph., G.AdC






    [AU MILIEU DU PRINTEMPS]



        Mon crayon, qui était sans vie, s’est mis à bouger graduellement et, profitant de ce mouvement, j’ai réussi, au bout de vingt ou trente minutes, à composer ces six vers :


        Au milieu du printemps
        Ma mélancolie se mesure à la croissance des herbes parfumées
        Les fleurs tombent silencieusement dans mon jardin vide
        La cithare nue est posée sur le sol de la pièce déserte
        L’araignée est suspendue immobile à son fil
        La fumée forme des volutes comme un paraphe au-dessus de l’auvent
              [de bambou
    1


        En les relisant, je m’aperçois que chacun de ces vers pourrait être un tableau. J’en ai conclu que j’aurais dû, dès le départ, faire un tableau. Je me demande pourquoi il m’a été plus facile de composer un poème que de peindre un tableau. Arrivé à ce point, j’aurai moins de mal à exprimer le reste. Mais cette fois-ci, j’aimerais mettre en vers des sentiments ne pouvant donner lieu à un tableau. Torturé par mille hésitations, j’écris enfin :


        Assis seul en silence
        J’aperçois une lueur au fond de mon cœur
        Il se passe trop de choses chez les hommes
        Comment pourrais-je oublier ce monde intérieur ?
        J’ai par hasard obtenu une journée de sérénité
        J’ai compris cent ans d’agitation
        Où pourrai-je garder cette nostalgie lointaine ?
        Sinon dans le ciel vaste où règnent les nuages blancs



        Je relis le poème du début à la fin avec intérêt, mais je suis insatisfait, si je pense que c’est là la traduction de mon état mental à mon arrivée. Je me suis dit : pendant que j’y suis, je vais faire un autre poème. J’ai gardé mon crayon à la main et j’ai regardé inconsciemment vers la porte. Une ravissante silhouette se découpe en passant dans l’espace d’un mètre laissé visible par la porte coulissante. Tiens…


    Natsumé Sôseki, Oreiller d’herbes [ 草枕 | Kusamakura, 1906], Éditions Payot & Rivages, 2007, pp. 83-84. Traduit du japonais par René de Ceccatty et Ryôji Nakamura.



    1. Poème écrit en chinois par Sôseki, tout comme le poème suivant.




    Sôseki





    NATSUMÉ SÔSEKI


    Vignette Natsume Soseki
    Source



    ■ Natsumé Sôseki
    sur Terres de femmes

    9 février 1867 | Naissance de Natsumé Sôseki



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur benzinemag)
    une note critique sur Oreiller d’herbes
    → (sur le blog Graskissen ― Oreiller d’herbes)
    une version bilingue des deux premiers chapitres d’Oreiller d’herbes




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  • Ana Blandiana | Nec plus ultra




    Me livrer - cette recherche
    Ph., G.AdC





    NEC PLUS ULTRA



    Mi s-a spus să te caut
    Şi eu însămi nu voiam decât căutarea.
    Nici măcar nu mă gândisem
    Ce m-aş face cu tine
    Dacă te-aş găsi.
    Te-aş pune în pământ ca pe o sămânţă?
    Te-aş hrăni ca pe-un animal domestic
    Socotindu-ţi foloasele blănii şi cărnii,
    Lânii şi laptelui?
    Sau, dimpotrivă, m-aş lăsa eu devorată
    Ca de o fiară?
    Sau ca printr-o pădure
    M-aş rătăci cu spaimă prin time?
    Sau ca într-o prăpastie
    M- aş lăsa să cad nebănuind adâncimea?
    Sau ca într-o mare
    M- aş înmormânta în peşti ?
    Mi s-a spus să te caut,
    Nu să te găsesc.



    Ana Blandiana, Stea de pradă, Cartea Românescà, Bucarest, 1985, in Ana Blandiana, Un tempo gli alberi avevano occhi, Donzelli Poesia, Roma, 2004, pagina 124.






    NEC PLUS ULTRA



    Mi è stato detto di cercarti
    e io stessa non volevo che cercare.
    E non ho mai pensato
    a cosa fare di te
    nel caso ti trovassi.
    Ti affiderei alla terra come un seme?
    Ti nutrirei come un animale domestico
    soppesando il valore della pelliccia, della carne,
    della lana, del latte?
    O, al contrario, mi lascerei sbranare
    come da una fiera?
    O come in una foresta
    mi smarrirei sgomenta in te?
    O come in un burrone
    mi lascerei cadere senza saperne il fondo?
    O come dentro un mare
    nei pesci mi seppelirei?
    Mi è stato detto di cercarti,
    non di trovarti.



    Ana Blandiana, Stea de pradă, 1985, in Un tempo gli alberi avevano occhi, Donzelli Poesia, Roma, 2004, pagina 125. A cura di Biancamaria Frabotta e Bruno Mazzoni.






    NEC PLUS ULTRA



    On m’a commandé de te chercher
    Et mon unique désir c’était de me livrer à cette recherche.
    Je n’ai même pas songé
    À ce que je ferais de toi
    Si je te trouvais.
    Te mettrais-je en terre comme une semence ?
    Te donnerais-je à manger comme à une bête domestique
    Dont on prévoit d’utiliser la fourrure, la viande,
    La laine et le lait ?
    Ou bien au contraire me laisserais-je dévorer
    Comme par une bête fauve ?
    Ou alors me perdrais-je en toi
    En tremblant de peur, comme dans une forêt ?
    Ou comme au fond d’un précipice
    Me laisserais-je ensevelir par les poissons ?
    On m’a commandé de te chercher
    Pas de te trouver.



    Ana Blandiana, Étoile de proie, Ateliers du Tayrac, Collection « Tripes » n° 4, 12230 Saint-Jean-du-Bruel, 1991, page 24. Traduit du roumain par Hélène Lenz.





    ANA BLANDIANA

    Ana Blandiana




    ■ Anna Blandiana
    sur Terres de femmes

    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Ana Blandiana (+ le poème « Berçeuse »)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Atelier LiterNet)
    d’autres poèmes (traduits en français par Luiza Palanciuc) extraits du recueil Autrefois les arbres avaient des yeux d’Ana Blandiana (Anthologie [1964 – 2004], Cahiers Bleus / Librairie Bleue, 2005)
    → (sur Les Belles Étrangères)
    une bio-bibliographie (en français) d’Ana Blandiana
    → (sur le site Notre Europe)
    Rencontre avec Ana Blandiana, poétesse roumaine (entretien du 30 octobre 2008 à télécharger)
    → (sur Poesie.net)
    Anna Blandiana par Jean-Pierre Rosnay
    → (sur Romanan Voice)
    115 poèmes (en roumain) d’Ana Blandiana



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  • Kiki Dimoula | Temps allongé


    Comme un serment pi-tin-
    Ph., G.AdC








    ΑΝΑΣΚΕΛΟΣ ΧΡΟΝΟΣ



    Χαμομηλάϰι ϰαὶ γρασίδι
    στὰ μέσα ϰαὶ στὰ ἔξω χώματα
    χλόη χαιρετιστιϰὴ
    χρησμòς ἐξαπλώσεως
    πρασινομαντεία.
    Μεγάλη ἡ προσφορὰ τῆς ἀνανθίσεως
    ϰαὶ μοιάζει εὔϰολη ὑπόθεση
    τò τύλιγμα τῆς γύμνιας.
    Τί πανιϰò ἡ τόση ἄνθιση
    μή ϰαὶ δέν βρεῖ στὰ δέντρα θέση.
    Xαμομήλια, γρασίδι ϰι ἀγριολούλουδα
    ρηχή μαλαϰωσιὰ σὰν τοῦ βελούδου
    ϰαὶ τοῦ ὅρϰου — μὴν πατᾶτε τοὺς ὅρϰους.

    Тεράστια ϰύματα ἀγρῶν
    ἔρχονται ἀπò τὰ βάθη τῆς ὑπαίθρου
    βουλιάζουν ϰρινάϰια
    λεμονανθοὶ ἀναφαίνονται,
    μοναχοανθοί,
    παλμώδης διάπλους Ἀπριλίου.
    Τὸ ϰόϰϰινο τῆς παπαρούνας
    φάρος ποὺ ἀναβοσβήνει.
    Tεράστια ϰύματα ἀγρῶν
    ἔρχονται ἀπὸ τὰ πελάγη τῆς ὑπαίθρου.
    Κι ἀπò τὰ βάθη τοῦ ϰαιροῦ ἔρχονται
    ϰαὶ σϰᾶνε χαμομήλια, γρασίδι, μοναχοανθοὶ
    στὰ συρτάρια μου, ἀγριολούλουδα
    στ’ἀγριοσυρτάρια μου.
    Xαρὰ θεοῦ τὰ ϰλειδωμένα ἐϰεῖ μέσα πράγματα
    ἀνταλλαγμένα, ἀνταλλάγματα ϰι ἀλλαγμένα
    θυμητικῶν φτεροϰοπήματα
    σύρσιμο προσφωνήσεων ἐϰεῖ μέσα
    ψίθυροι ψίθυροι: ψιμύθια τῆς σιωπῆς
    τῆς ἀγριοσιωπῆς,
    μαῦρο βλαστάρι ἡ μελάνη
    τῶν γραμμένων, τῶν ξεγραμμένων, τῶν γραφτῶν
    τῶν ἀγριογραφτῶν.
    Χρονολογίες μαϰροπρόσωπες
    ποὺ νήστεψαν τò μέλλον ϰι ἅγιασαν
    πετᾶν τὰ ράσα τους
    ϰι ἀνθίζουν ἐγϰόσμιο ἀνάσϰελο χρόνο,
    χρόνο ἀγριολούλουδο
    ἀγριοσυρταριῶν.

    Τετράπαχο γρασίδι στὰ συρτάρια μου
    ρηχὴ μαλαϰωσιὰ σὰν τοῦ βελούδου
    καὶ τοῦ πατημένου ὅρϰου
    καὶ ρίχνει ϰάτι ξάπλες
    μὰ ϰάτι ξάπλες ἡ φωτογραφία σου.




    Κική Δημουλά, Το τελευταίο σώμα μου, Ποιητική Συλλογή, ἐκδόσεις Κείμενα, Ἀθήνα, 1981.






    TEMPS ALLONGÉ



    Herbe et camomille
    sur la terre du dedans du dehors
    verdure salutatoire
    oracle qui étale
    prophétie verte.
    Une offre de choix cette refloraison
    et cela paraît facile
    d’envelopper la nudité.
    Quelle panique cette poussée de fleurs
    pour se trouver une place dans les arbres.
    Herbe, camomille, fleurs sauvages
    douceur sans profondeur comme du velours
    ou un serment — ne pas piétiner.

    D’énormes vagues de prairies
    arrivent des campagnes profondes
    les lis plongent
    les fleurs de citronnier réapparaissent,
    fleurs uniques,
    vibrante traversée d’Avril.
    Le rouge des coquelicots
    phare qui clignote.
    D’énormes vagues de prairies
    arrivent du large des campagnes.
    Arrivent aussi des profondeurs du temps
    herbe, camomille et fleurs uniques pour éclore
    dans mes tiroirs, fleurs sauvages
    dans mes tiroirs sauvages.
    Une merveille les choses enfermées là-dedans
    échangées, à échanger, changées
    battements d’ailes de mémoire
    apostrophes là-dedans traînantes
    chuchotis chuchotements : masques du silence
    du silence sauvage,
    et pousse noire de l’encre
    des écrits, des désécrits, des réécrits
    des écrits sauvages.
    Des chronologies à longue figure
    jeûneuses d’avenir devenues saintes
    jettent la bure aux orties
    et font fleurir un temps profane allongé,
    temps fleur sauvage
    des tiroirs sauvages.

    Herbe grasse dans mes tiroirs
    douceur sans profondeur comme du velours
    ou comme un serment piétiné
    et je vois qui se délasse et se prélasse
    ta photo.




    Kiki Dimoula, Mon dernier corps, Arfuyen, 2010, pp. 75-77. Traduit du grec par Michel Volkovitch.





    Kiki Dimoula Arfuyen




    __________________________________
    Note d’AP : ce poème a aussi été choisi par Eglal Errera pour l’anthologie Les Poètes de la Méditerranée (pp. 36-39), publiée en novembre 2010 par Poésie/Gallimard et Culturesfrance avec le soutien de Marseille Provence 2013 et du Conseil Culturel de l’Union pour la Méditerranée.





    KIKI DIMOULA (1931-2020)


    Kiki_dimoula-2
    Source





    ■ Kiki Dimoula
    sur Terres de femmes


    Autoconservation (poème extrait du Peu du monde)
    La pierre périphrase (autre poème extrait du Peu du monde)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    les pages consacrées à Kiki Dimoula
    → (sur le site de Michel Volkovitch)
    d’autres poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Poetry International)
    dix poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Exigence : Littérature)
    un article de Françoise Urban-Menninger sur Mon dernier corps de Kiki Dimoula
    → (sur Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet)
    un article de Jacques Ancet (« Tristesse de fond ») sur la poésie de Kiki Dimoula
    → (sur YouTube)
    Kiki Dimoula lisant Φωτογραφία 1948. Pour lire la traduction cliquer ICI
    → (sur le site du Σπουδαστήριο Νέου Ελληνισμού/Center for Neo-Hellenic Studies)
    trois poèmes de Kiki Dimoula (dont Ο πληθυντικός αριθμός) dits par elle-même
    → (sur YouTube)
    Ο πληθυντικός αριθμός, de Kiki Dimoula, dit et interprété par Τάνια Τσανακλίδου. Pour lire la traduction, cliquer ICI
    → (sur books.google.fr)
    Anthologie de Kiki Dimoula, par Eurydice Trichon-Milsani



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  • Franco Fortini | Il presente




    A il sole dentre l acqua
    Ph., G.AdC





    IL PRESENTE



    Guardo le acque e le canne
    di un braccio di fiume e il sole
    dentro l’acqua.

    Guardavo, ero ma sono.
    La melma si asciuga fra le radici.
    Il mio verbo è al presente.
    Questo mondo residuo d’incendi
    vuole esistere.
                             Insetti tendono
    trappole lunghe millenni.
    Le effimere sfumano. Si sfanno
    impresse nel dolce vento d’Arcadia.
    Attraversa il fiume una barca.
    E’ un servo del vescovo Baudo.
    Va tra la paglia d’una capanna
    sfogliata sotto molte lune.
    Detto la mia legge ironica
    alle foglie che ronzano, al trasvolo
    nervoso del drago-cervo.
    Confido alle canne false eterne
    la grande strategia da Yenan allo Hopei.
    Seguo il segno che una mano armata incide
    sulla scorza del pino
    e prepara il fuoco dell’ambra dove starò visibile.






    B sur l ecorce du pin
    Ph., G.AdC





    LE PRÉSENT



    Je regarde les eaux et les cannes
    d’un bras de fleuve et le soleil
    dans l’eau.

    Je regardais, j’étais mais je suis.
    La vase sèche entre les racines.
    Mon verbe est au présent.
    Ce monde, reste d’incendies,
    veut exister.
                          Des insectes tendent
    des pièges longs comme des millénaires.
    Les éphémères se dissipent. Se défont
    gravés dans le doux vent d’Arcadie.
    Une barque traverse le fleuve.
    C’est un serf de l’évêque Baudus.1
    Il franchit la paille d’une cabane
    effritée sous maintes lunes.
    Je dicte ma loi ironique
    aux feuilles qui bourdonnent, au vol
    nerveux du dragon-volant.
    Je confie aux cannes fausses éternelles
    la grande stratégie du Yenan jusqu’à l’Hopeï. 2
    Je lis le signe qu’une main armée grave
    sur l’écorce du pin,
    elle prépare le feu de l’ambre où je resterai visible.




    1.Baudus : évêque imaginaire du Moyen Âge.
    2. Marche des armées révolutionnaires chinoises de Yenan à Pékin (1936).



    Franco Fortini, Ce mur (1962-1972) [Questo muro, Mondadori, Milano, 1973], in Une fois pour toutes*, Poésie 1938-1985, éditions fédérop, 1986, pp. 78-79. Poème traduit de l’italien par Bernard Simeone.




    * Note d’AP : recueil composé de Una volta per sempre, 1938-1973, Einaudi, Torino, 1978 et de Paesaggio con serpente, 1973-1983, Einaudi, Torino, 1984, et de trois inédits.






    FRANCO FORTINI

    Vignette FRANCO FORTINI
    Source



        D’origine juive par son père, Franco Fortini ― Franco Lattes de son vrai nom, Fortini étant le patronyme de sa mère, de religion catholique ―, naît à Florence le 10 septembre 1917. Diplômé en droit et en lettres, il travaille dans le département publicitaire d’Olivetti à Milan de 1949 à 1953. Il devient par la suite conseiller éditorial d’Einaudi à Turin, puis enseigne dans diverses écoles supérieures avant d’occuper, à partir de 1971, une chaire d’Histoire de la critique littéraire à l’Université de Sienne. Il participe à l’élaboration de nombreuses revues parmi lesquelles Il Politecnico ― en collaboration avec Elio Vittorini ―, la revue européenne Arguments ― en collaboration avec Edgar Morin et Roland Barthes ―, Officina, Quaderni piacentini, Ragionamenti et Paragone. Il écrit également dans divers quotidiens de la presse italienne. Fortini est aussi reconnu comme traducteur de Proust, Eluard, Brecht (que Fortini a été le premier à traduire), Goethe, Flaubert, Gide et Simone Weil.
        Franco Fortini est mort à Milan le 28 novembre 1994.

         Franco Fortini est l’auteur d’une œuvre importante qui comporte des récits, des essais et de nombreux recueils poétiques : Foglio di via e altri versi (1946), Una facile allegoria (1954), Poesia e errore 1938-1957 (1959), Una volta per sempre (1963 ; rééd. 1978), L’ospite ingrato, testi e note per versi ironici (1966), Questo muro 1962-1972 (1973), Il ladro di ciliege e altre versioni di poesia (1982), Paesaggio con serpente 1973-1983 (1984).



    ■ Voir aussi ▼

    L’ospite ingrato, rivista on line del Centro Studi Franco Fortini
    → (dans Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    d’autres poèmes extraits du recueil ci-dessus
    le site des éditions fédérop
    → (sur wikipedia.it)
    le très riche article (en italien) consacré à Franco Fortini

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  • Jacques Lacarrière | La criée des avoines




    Travelling photographique gersois
    Ph., G.AdC






    LA CRIÉE DES AVOINES



    Depuis qu’ont crié les avoines, il n’est rien
    Demeuré de l’extase des néfliers et sur les fleurs
    Seule est restée la détresse des papillons.

    Si longtemps je m’étais blotti
    Entre les siècles des sainfoins
    Pour guetter l’aveu de midi
    Et apprendre de sa blessure
    Pourquoi les blés se sacrifient.

    Mais l’inévitable est venu lorsque les avoines ont crié.
    Au plus secret de la moisson, là même où la faux s’arrêta,
    J’ai vu sur la joue de l’été perler le sang des crucifères.

    Que faire de la Résurrection
    Quand les épis n’ont plus de voix
    Et que l’aube même est brûlure ?

    Brasier stérile des buissons.
    Aucun visage ne viendra plus
    Sur le Sinaï des sillons.
    Ni aucun ange. Le ciel s’est tu
    Depuis qu’ont crié les avoines.




    Jacques Lacarrière, À l’orée du pays fertile, Œuvres poétiques complètes, Seghers, 2011, page 240.





    JACQUES LACARRIÈRE



    Source



    ■ Jacques Lacarrière
    sur Terres de femmes

    17 septembre 2005 | Mort de Jacques Lacarrière
    20 septembre 1971 | Mort de Georges Séféris (le dernier poème de Georges Séféris extrait de L’Été grec de Jacques Lacarrière)


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (
    sur Chemins faisant, le site de l’Association des Amis de Jacques Lacarrière) l’hommage de Jean Malaurie à Jacques Lacarrière
    → (sur Arcane 17)
    l’hommage de Fabrice Pascaud à Jacques Lacarrière
    → (sur la revue de littérature Œuvres ouvertes, de Laurent Margantin)
    « Se souvenir de Jacques Lacarrière »
    → (sur ina.fr)
    un entretien de Jacques Lacarrière avec Jacques Chancel (Radioscopie, 11 juin 1976)

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  • Mohammed Bennis | Bernard




    | BERNARD |

       (EXTRAIT)




    Bernard Noël
    Bernard Noël
    Ph. D.R. Olivier Roller
    Source







    Bernard
                    la venue est toujours là
    dans la vibration des mots
    unissant Je au Tu
    L’air passe à travers le sang Quelques bruits
    emportent Le vent donne
    à la main sa pâleur

    Rien ne reste à l’instant
    Bribes infimes ce retour
    par les moments où
    silence se voit demeure

    Plus loin encore le calme
    Si le regard se perd
    l’écriture fixe l’infini
    dès le geste premier d’un
    désir de continuer
    à partager la parole amitié
    si solitaire

    Connaissons-nous le point où
    le LIVRE n’est qu’un bleu
    jeté au creux du silence
    mesuré
    par le manque cher à l’os seul
    et seul qui parle

    Cette amitié ouvre
    un chemin secret dans le froid des frontières
    Un Je
    se retrouve mélangé
    à un Tu pluriel

    Sans abri le souffle jette
    une perplexité
    prend la main d’un partant pour ne
    trouver que l’inconnu
    Dans le désert de notre nuit un aveugle seigneur
    guidant les pas

    Garde le feu me dis-tu
    au bord d’une parole
    sans fin Le feu qui tisse
    passage d’une langue
    à une autre Il est accueillant
    et parfois
    un ange libéré
    de la pesanteur des ailes

    Encore une fois les mots résonnent sentent
    le trouble et volent
    Ici
    destination à venir

    Précise est l’immensité de ce trajet entre nous
    va et vient Non
    Trace et illumination Sourd
    ce temps le nôtre sourd
    au nom de qui se désintéresse
    l’un comme l’autre


    […]



    Mohammed Bennis, in numéro spécial “Bernard Noël”, revue littéraire Europe, n° 981-982, janvier-février 2011, pp. 265-266.




    _______________________
        Le 19 mars 2011, le Prix Ceppo international Piero Bigongiari du 55e Prix littéraire Ceppo Pistoia, organisé par l’Académie éponyme dirigée par Paolo Fabrizio Iacuzzi (www.accademiadelceppo.it), a été attribué à Mohammed Bennis. La cérémonie officielle de remise du prix a eu lieu samedi 26 mars 2011, dans la Sala Maggiore du Palazzo Comunale de Pistoia.




    MOHAMMED BENNIS


    Mohammed Bennis
    Source




    ■ Mohammed Bennis
    sur Terres de femmes


    Invitation
    [Toujours ton ami d’Orient revient à l’automne](poème extrait de Lieu païen)
    Galaxie (poème extrait de Vin)
    la lectio magistralis, « Le poème et l’appel à la promesse », prononcée (en français) par Mohammed Bennis le 25 mars 2011 à Florence, à l’occasion de l’attribution du Prix Ceppo international de Pistoia




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Imperfetta Ellisse)
    Mohammed Bennis, poeta mediterraneo, vince il Premio Internazionale Ceppo di Pistoia
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes de Mohammed Bennis dits (en arabe) par Mohammed Bennis





    ■ Bernard Noël
    sur Terres de femmes


    19 novembre 1930 | Naissance de Bernard Noël
    la paume caressant un souffle
    L’Encre et l’Eau
    Sur le peu de corps, 18
    Fenêtres fougère (extrait de Sur un pli du temps)
    TOI est le nom sans néant
    Viens dis-tu
    La Langue d’Anna
    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps]
    19 octobre 1977 | André Pieyre de Mandiargues | Bernard Noël




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    7 mars 1908 | Naissance d’Anna Magnani (lecture de La Langue d’Anna de Bernard Noël, par AP)



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  • Thierry Metz | [Vers la bien-aimée]




    [VERS LA BIEN-AIMÉE]





    VERS LA BIEN-AIM-E
    Ph., G.AdC





    Vers la bien-aimée
    ce sera toujours    comme une aile
    sans repos
    une montée jour après jour
    d’un visage à l’autre
    parmi les nuages accrochés au talus
    aux branches
    pour chanter l’âme d’un petit bois
    en prière sous le châle
    avec un peu d’herbe
    une feuille morte
    comme une aile dans l’hiver
    d’oiseau profane.




    Thierry Metz, Le Drap déplié, L’Arrière-Pays, 1995, page 9.





    THIERRY METZ


    Thierry Metz 2
    Source




    ■ Thierry Metz
    sur Terres de femmes


    [Braise matinale]
    [De jour en jour][Giorno dopo giorno] (extrait de L’homme qui penche | L’uomo che pende)
    [Je m’en remets aux feuillages] (extrait de Tel que c’est écrit)
    [Je suis tombé] (extrait du recueil Terre)
    Le Drap déplié (extraits)
    4 juillet | Thierry Metz, Le Journal d’un manœuvre
    28 août 1993 | Thierry Metz, Sur un poème de Paul Celan



    ■ Voir aussi ▼
    → (sur Le tiers livre)
    Thierry Metz | L’Homme qui penche
    → (sur remue.net)
    un dossier Thierry Metz
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    Entre le silence et le cri
    → (sur Esprits Nomades)
    Thierry Metz Le journal d’un suicidé
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Thierry Metz, Le Carnet d’Orphée (contribution d’Isabelle Lévesque)
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    Thierry Metz, par Isabelle Lévesque



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  • Louis Calaferte | Îles




    -LES
    Ph., G.AdC






                                                 ÎLES


                                          1 (EXTRAIT)



    Îles !
    aux escaliers de vos océans nègres qui braconnent le jade
    la galène et le gypse
    l’orpiment des parfums
    toutes les vélissures
    les amandes
    les miels
    caracoulant au creux de leur paume d’émail
    Il se noue des pâleurs il se meurt des palombes sous ces ventres arqués de sonnailles charnelles en lentes chapes bleues flagellées de plumages dont on ne verrait rien que l’écho
    qu’un éclat
    l’épée
    que la tonsure
    une luisance vierge
    Il se foule des vins il s’aiguise des dagues vives comme l’orvet qui givrent et qui meurent d’un même accouplement
    des bronzes
    des aciers
    des nudités femelles
    des nuques en sanglots
    des guimpes
    des griffures
    un désordre de foule alertée par l’oracle assassine les siens dans l’effroi de l’exode
    des verreries despotes
    des lacets
    des guipures
    des races d’organdi
    syncopes
    des rosaces comètes lissent leurs chevelures de cendre chamoisée qu’une écume jalouse écartèle en copeaux caparaçonnés d’or multitude d’archanges et d’yeux agonisants au récit du miroir que d’autres beautés neuves convoitent ardemment
    des communiants exsangues brandissent l’ossement vermoulu de leurs cierges ouvragés dans la nacre
    coiffes de dentellières
    canelles damassées
    des villes à cheval se fracassent entre elles après le jubilé de leurs bouquets de dômes aux filandres lunaires
    astres de cathédrales un instant balbutiés sur le déferlement des fourrures absinthes
    acropoles
    fontaines
    ogives
    colonnades
    palais grands !
    sanctuaires écussonnés d’aigrettes aux mains de ces pillards titubants qui déciment vos drapures vos dards vos fastes esquissés girandoles
    grelots
    et vos cuivres asiates
    huiles
    vos litanies
    vos câpres
    vos luzernes
    temples d’une vision profanée par la horde erratique des lames
    Il se cabre des lèvres noires et des gorges ourlées de bure dans ces lits turbulents où vous gémissez
    Îles !

    […]



    Louis Calaferte, Îles [1967], in Rag-Time, poèmes, Éditions Denoël, 1972, pp. 67-68-69.

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  • Elisa Biagini | Sotto i castagni



    [SOTTO I CASTAGNI]




    Castagne
    Ph., G.AdC






    Sotto i castagni raccogli i ricci
    per una tua corona
    dei giorni feriali,
    e ti ci togli lo smalto con quel sangue,
    i ricami, gli orli, il punto a croce
    chilometri di roba :
    perduta con quei fili
    tra i castagni
    giri in tondo da anni
    su una sedia,
    hai il tuo bozzolo duro come schermo
    e nessuna finestra.




    Elisa Biagini, L’ospite, Giulio Einaudi Editore, Torino, 2004, pagina 6.







    [SOUS LES CHÂTAIGNIERS]



    Sous les châtaigniers tu ramasses les bogues
    pour ta couronne
    des jours de labeur,
    et tu ôtes ton vernis avec ce sang,
    les broderies, les ourlets, le point de croix
    des kilomètres d’accessoires :
    perdue avec ces fils
    au milieu des châtaigniers
    tu tournes en rond depuis des années
    sur une chaise,
    ton cocon a la dureté d’une carapace
    et pas de fenêtre.



    Traduction inédite d’Angèle Paoli





    Lospite2





    __________________________________________

    NOTE d’AP : j’ai traduit trois autres poèmes d’Elisa Biagini (accompagnés d’une courte notice) pour le premier numéro de la revue internationale de poésie Place de la Sorbonne dont le lancement officiel a eu lieu le 14 mars 2011 à Paris. Comme l’a souligné Estelle Ceccarini (Maître de Conférence à l’Université de Provence) dans la revue Italies (13, 2009), Elisa Biagini « appartient à cette génération de jeunes poètes italiens que l’on ne peut enfermer » dans aucun « courant&nbsp». Pour en savoir plus sur Elisa Biagini, se reporter à l’encadré ci-dessous.





    ELISA BIAGINI

    ELISA BIAGINI




    Elisa Biagini est née le 26 octobre 1970 à Florence où elle vit et enseigne actuellement, après un long séjour aux États-Unis où elle a soutenu un doctorat et enseigné dans plusieurs universités. Diplomée d’histoire de l’art (elle a consacré sa tesi di laurea à Ketty La Rocca), elle a publié à ce jour sept recueils : Questi nodi (Gazebo edizioni, Firenze, 1993), Uova (Zona edizioni, Genova, 1999), L’ospite (Giulio Einaudi Editore, Torino, 2004), Acqua smossa (LietoColle, Como, 2005), Fiato. Parole per musica (Edizioni d’If, Napoli, 2006), Nel bosco (Giulio Einaudi Editore, 2007) et Da una crepa (Giulio Einaudi Editore, 2014 ; trad. fr. Depuis une fissure, Cadastre8zéro, 2017). Il faut ajouter à ces recueils les textes de Morgue in VI Quaderno italiano di poesia (antologia poetica curata da Franco Buffoni, Marcos y Marcos, Milano, 1998) et Intreccio di ciglia, e-book et audio-livre d’Elisa Biagini et du musicien Filippo Gatti (2013). Une anthologie bilingue (italien-anglais) des poèmes d’Elisa Biagini a paru chez Chelsea Editions en 2013 sous le titre The Guest in the Wood: A Selection of Poems 2004-2007, et a obtenu le prix BTBA 2014 (Best Translated Book Awards for poetry).

    Elisa Biagini a aussi établi et coordonné l’édition de l’anthologie poétique Nuovi poeti americani (Giulio Einaudi Editore, 2006), où sont représentés douze jeunes poètes américains, dont Elizabeth Alexander, Lucille Clifton, Louise Glück, Sharon Olds et Alicia Ostriker. Elisa Biagini a également participé à plusieurs anthologies collectives, dont Nuovissima poesia italiana (Mondadori, Milano, 2004) et Parola plurale (Sossella editore, Roma, 2005).



    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Avec leur traduction en français par AP)


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur le site de la revue culturelle brésilienne Agulha) un
    entretien d’Elisa Biagini (en portugais) avec Prisca Agustoni



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  • Kenneth White | Conrad sur L’Île-Grande

    « Poésie d’un jour »
    dédiée à Denise Le Dantec
    et à Maddalena Rodriguez-Antoniotti





    Joseph_Conrad-757496
    Source







    CONRAD ON ÎLE-GRANDE




    In the spring of 1896, Joseph Conrad was looking for
    a quiet place to live and work. He finally found it on  
    Brittany’s north coast.                                                      




    1.

    Outside an Atlantic wind was blowing hard
    flecking the sea in rough patches
    over by the Triagoz

    inside the rude granite dwelling
    his mind was wandering
    among the isles of the Malay archipelago

    the Otago
    out from Bangkok
    crossing the shadow line…

    Tuan Jim
    reduced to a white point
    in a turbulence of darkness…

    beginnings and endings he could see
    both with lyrical intensity
    and he was overwhelmed by inexplicable atmospheres
    the tiresome thing
    was to tell the story.


    2.

    Let it be told by intermediaries
    spinning yarns
    while he floated above them
    a man of vision rather than just another storyteller

    if the sea had meant dogged slogging
    cargo by cargo from harbour to harbour
    it had also meant a vastness of meditation

    the ocean a pure metaphor
    for panic, anarchy and chaos…


    3.

    Rain had begun spattering on the window pane
    and was becoming stronger

    like those ghost voices in the cabin

    that was when he began to write
    and went on without a pause
    for six timeless hours

    « He kept to seaports
    because he was a seaman in exile from the sea
    and had ability in the abstract…
    thus in the course of years
    he was known successively
    in Bombay, Calcutta, Rangoon and Batavia… »


    4.

    Late afternoon
    a cool blue in the sky
    he went for a walk around the island

    watching gulls
    flying wilfully
    over by Crow Rock

    seeing
    scattered at the tide’s edge
    lines of wrack

    then the sun set
    a seal of incandescence
    and night descended
    like a benediction.






    CONRAD SUR L’ÎLE-GRANDE




    Au printemps de l’année 1896, Joseph Conrad était à
    la recherche d’un lieu tranquille pour vivre et travailler.
    Il finit par trouver sur la côte nord de la Bretagne.         




    1.

    Dehors le vent atlantique soufflait fort
    parsemant la mer d’éclats d’écume
    au loin, vers les Triagoz

    dans la rude maison de granit
    son esprit vagabondait
    parmi les îles de l’archipel malais

    l’Otago
    parti de Bangkok
    traversant la ligne d’ombre…

    Tuan Jim
    réduit à un point blanc
    dans une obscure turbulence…

    il pouvait voir les commencements et les fins
    avec une intensité lyrique
    et il était submergé d’atmosphères inexplicables
    l’ennui
    était de raconter l’histoire.


    2.

    La laisser conter par des intermédiaires
    qui en dérouleraient le fil
    tandis que lui flotterait au-dessus
    homme de vision plutôt que simple conteur

    si la mer avait été dur labeur
    cargaison après cargaison de port en port
    elle avait aussi été une immensité de méditation

    l’océan, pure métaphore
    pour panique, anarchie et chaos…


    3.

    La pluie fouettait maintenant la fenêtre
    et s’intensifiait

    comme ces voix fantômes dans la cabine

    c’est alors qu’il se mit à écrire
    et poursuivit sans répit
    pendant six longues heures

    « Il ne quittait pas les ports
    marin en exil de la mer
    et possédait des capacités virtuelles…
    ainsi au fil des années
    on le croisa successivement
    à Bombay, Calcutta, Rangoon et Batavia… »


    4.

    En fin d’après-midi
    ciel d’un bleu froid
    il sortit faire le tour de l’île

    regarda les mouettes
    voler fougueusement
    là-bas vers le rocher du Corbeau

    vit
    dispersées sur l’estran
    des traînées de goémon

    puis le soleil se coucha
    sceau d’incandescence
    et la nuit descendit
    comme une bénédiction.


    Kenneth White, Les Archives du littoral, édition bilingue, Mercure de France, 2011, pp. 150-155. Traduit de l’anglais par Marie-Claude White.




    Note d’AP : dans le cadre de la semaine spéciale « Bleu Conrad » qui se tient jusqu’au 16 mars à l’espace Diamant d’Ajaccio, Kenneth White donnera le 16 mars, à 18h00, une conférence sur les « Nomades intellectuels en Corse : Rousseau, Boswell, Conrad ». Entrée libre. Renseignements Espace Diamant : 04 95 50 40 80. Pour en savoir plus, cliquer ici.





    Bleu Conrad





    ■ Kenneth White
    sur Terres de femmes

    La Corse est un cosmo-poème
    Ici, sur l’île aux oiseaux
    Lettre à un vieux calligraphe


    ■ Joseph Conrad
    sur Terres de femmes

    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad (note de lecture)
    3 février 1921 | Joseph Conrad. En partance pour Ajaccio (incipit de Bleu Conrad de Maddalena Rodriguez-Antoniotti)
    14 juillet 1900 | Joseph Conrad, Lord Jim


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    29 avril | Denise Le Dantec, L’Estran (extrait de L’Estran Autour d’Île Grande)
    le site officiel de Kenneth White
    → (sur Dailymotion)
    un entretien de Kenneth White avec Bernard Pivot (2006)[première partie]
    → (sur Dailymotion)
    un entretien de Kenneth White avec Bernard Pivot (2006)[deuxième partie]

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