Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • William S. Merwin | Exercise



    OUBLIER...
    Ph., G.AdC






    | EXERCISE |



    First forget what time it is
    for an hour
    do it regularly every day

    then forget what day of the week it is
    do this regularly for a week
    then forget what country you are in
    and practice doing it in company
    for a week
    then do them together
    for a week
    with as few breaks as possible

    follow these by forgetting how to add
    or to subtract
    it makes no difference
    you can change them around
    after a week
    both will help you later
    to forget how to count

    forget how to count
    starting with your own age
    starting with how to count backward
    starting with even numbers
    starting with Roman numerals
    starting with fractions of Romans numerals
    starting with the older calendar
    going on the old alphabet
    going on to the alphabet
    until everything is continuous again

    go on to forgetting elements
    starting with water
    proceeding to earth
    rising in fire

    forget fire







    | EXERCICE |



    Oublier d’abord l’heure qu’il est
    pendant une heure
    répéter à intervalles réguliers chaque jour

    puis oublier quel jour de la semaine on est
    répéter à intervalles réguliers pendant une semaine
    puis oublier dans quel pays on se trouve
    et s’y exercer avec d’autres personnes
    pendant une semaine
    puis faire tous les exercices ensemble
    pendant une semaine
    en s’arrêtant le moins possible

    après cela oublier comment faire une addition
    ou une soustraction
    ça n’a pas d’importance
    on peut les intervertir
    après une semaine
    l’une et l’autre aideront plus tard
    à oublier de compter

    oublier de compter
    à commencer par son âge
    à commencer par compter à l’envers
    à commencer par les nombres pairs
    à commencer par les chiffres romains
    à commencer par les fractions en chiffres romains
    à commencer par le vieux calendrier
    en passant ensuite à l’alphabet
    jusqu’à ce que tout soit de nouveau continu

    et puis oublier ensuite les éléments
    à commencer par l’eau
    en poursuivant par la terre
    en s’élevant dans le feu

    oublier le feu




    William S. Merwin, Écrits au gré d’un accompagnement inachevé [Writings To An Unfinished Accompaniment, Copper Canyon Press, 1973], édition bilingue, Cheyne Éditeur, 2007, pp. 116-117-118-119. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Wall-Romana.





    WILLIAM S. MERWIN

    William-S-Merwin-006
    Source


    ■ Voir/écouter aussi ▼

    → (sur Corrèze Télévision)
    The last troubadour à Ventadour
    → (sur Poets.org [Academy of American Poets])
    une bio-bibliographie (en anglais) de William S. Merwin (+ quelques poèmes, dont certains dits par l’auteur)
    → (sur guardian.co.uk)
    une note du 5 juillet 2010 (« WS Merwin is America’s new poet laureate – at 82 »)
    → (sur le site du New York Times)
    W. S. Merwin to Be Named Poet Laureate (article de Patricia Cohen publié le 30 juin 2010)
    → (sur le site du New York Times)
    « Finding Home and Inspiration in the World of Nature » (article de Dwight Garner publié le 30 juin 2010)
    → (sur PBS News Hour)
    W.S. Merwin dit quatre de ses poèmes
    → (sur PBS News Hour)
    une autre vidéo (« W. S. Merwin. A Passion for Poetry and Plants »)
    → (sur PBS Bill Moyers Journal)
    deux autres vidéos
    → (sur PBS News Hour)
    un entretien de Jeffrey Brown avec W.S. Merwin (27 octobre 2010)[+ transcript]
    → (sur Literary History.com)
    A selective list of online literary criticism for W.S. Merwin



    Retour au répertoire de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Thierry Metz, Le Drap déplié



    16 septembre 2008
    Source






    | LE DRAP DÉPLIÉ |
            (extraits)



    N’être plus qu’un silence
    caché
    dans la voix
    ou ici
    parmi les traces
    de la roue
    être celui
    qui retrouve un visage
    pour lui donner
    de l’eau.





    Un peu de terre et de ciel
    dans le regard
    dans ce que je dois garder
    à la lisière d’un mot

    d’ici je le vois
    de là où je travaille
    sur un sol que je retourne
    vers cette main
    que je retrouve

    mais rien ne sera dit
    sans ta présence.





    Je n’écris que dehors
    une écriture    un pas
                              fluide

    entre les orties parmi les chênes
    les hêtres
    la paume entaillée
    ouverte comme un buisson
    je reçois l’eau
    la lumière

    je ne suis que l’âtre
    d’un visage.




    Thierry Metz, Le Drap déplié, L’Arrière-Pays, 1995, pp. 47-49-50.





    THIERRY METZ


    Thierry Metz 2
    Source




    ■ Thierry Metz
    sur Terres de femmes


    [Braise matinale]
    [De jour en jour][Giorno dopo giorno] (extrait de L’homme qui penche | L’uomo che pende)
    [Je m’en remets aux feuillages] (extrait de Tel que c’est écrit)
    Je suis tombé (extrait du recueil Terre)
    Vers la bien-aimée
    4 juillet | Thierry Metz, Le Journal d’un manœuvre
    28 août 1993 | Thierry Metz, Sur un poème de Paul Celan



    ■ Voir aussi ▼
    → (sur Le tiers livre)
    Thierry Metz | L’Homme qui penche
    → (sur remue.net)
    un dossier Thierry Metz
    → (sur le site du Matricule des Anges)
    Entre le silence et le cri
    → (sur Esprits Nomades)
    Thierry Metz Le journal d’un suicidé
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Thierry Metz, Le Carnet d’Orphée
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    Thierry Metz, par Isabelle Lévesque






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Gabriela Mistral | La cendre



    LA CENDRE
    Ph., G.AdC





    LA CENIZA



    La ceniza es ligera y callada.
          La ceniza callada viuda del gayo fuego, que no brinca más con treinta piernas doradas y rojas; viuda del fuego-centauro, que siempre
    vencía tirando esparadazos azules. La ceniza sin fiesta, tumbada como la viuda hindú.
          La ceniza beguina, oración sin ímpetu, oración arrodillada sin un levantamiento de palabra en el pecho.
          La ceniza esposa del fuego, que lo cubría un poco como una mujer, para guardarlo en el tizón rosado.
          La ceniza gris, sin niguna voz para su pequeña derrota; con callada muerte de pobre.
          La ceniza clara, que deja la leña tierna, felpa de cariño, parecida a una mejilla de madre vieja, como el pliegue tibio que hace el cuello
    humano debajo del mentón, tibia también como una pequeña lagartija muerta que ya se voltea con la mano y no responde.
          La ceniza acre de la lengua que no quiere ser probada, áspera por voluntad de pureza, como la nuez.
          La ceniza que ayuda a la tierra fecundarse, hermana sin hijo que alimenta al otro.
          La ceniza buena de la muerte; un copo liviano sobre la boca que ya no avienta más. Buen sayal de muerte que cae sin pliegues de la cabeza a los pies, tan largo como se quiera, tan espeso como el corazón, para ensordecerse.
          La ceniza con su olor fuerte de substancia absoluta, sabe alejar de la carne tendida las hormigas largas de la muerte, la mosca grande de la muerte (1).


    Noviembre de 1926.




    Gabriela Mistral, Elogio de las cosas de la tierra, Editorial Andrés Bello, Santiago, 1979, pp. 76-77. Seleccion y prologo de Roque Esteban Scarpa.




    (1) Hay otra versión de la misma prosa, con variantes.






    LA CENDRE


    La cendre est légère et silencieuse.

          La cendre, veuve du feu joyeux, qui ne peut plus sauter sur ses trente jambes rouges, du Centaure aux mille lances toujours victorieuses, mais qui a dû finir par mourir… La cendre sans fête, anéantie comme la veuve hindoue.
          La cendre-béguine, oraison privée d’élan, prière sans mots qui s’élèvent dans le cœur : la Grise, incapable de tout cri dans son petit écroulement, avec sa mort muette de pauvre.
          La cendre claire qui fait le bois tendre, velours d’amour, pareille à la grande ride qui traverse le cou de la vieille mère, et tiède comme un oiseau qui vient de mourir mais qui se retourne encore et ne répond plus.
          La cendre des arbres amers, qui est âcre sur la langue, qui refuse d’être goûtée, rude par volonté de pureté.
          La cendre qui aide la terre à se féconder, la sœur sans enfant qui nourrit celui de l’autre.

       La cendre est légère et silencieuse.

          Bonne cendre de la mort : un flocon sans poids sur la bouche qui déjà n’évente plus rien. Bonne robe de bure qui tombe sans pli, de la tête aux pieds, aussi longue qu’on veut, aussi épaisse qu’on le désire, pour bien s’assourdir.
          La cendre, qui éloigne de la chair étendue la longue fourmi de la mort, l’affreuse mouche de la mort.




    Gabriela Mistral, Éloges des choses, in Proses, Poèmes choisis, Éditions Stock, 1946, pp. 181-182. Traduction de Francis de Miomandre. Préface de Paul Valéry.






    LA CENDRE



          La cendre est légère et muette.


          La cendre, veuve du feu joyeux, qui ne bondit que sur trente jambes dorées et rouges ; veuve du feu-centaure qui vainc toujours à coups d’épées d’azur. La cendre sans fête, gisante comme la veuve hindoue.

          La cendre-béguine, oraison sans élan, oraison agenouillée ― sans mots qui s’élèvent dans la poitrine.

          La cendre, épouse du feu qui le couvrait un peu comme une femme, pour lui garder un tison rosissant.

          La cendre grise, sans voix dans sa petite défaite, sa mort muette de pauvre.

          La cendre claire que fait bois tendre, velours de tendresse, pareille à la grande ride qui traverse jusqu’au menton le cou de la vieille mère ; tiède comme le petit lézard qui vient de mourir, et qui gît, ventre à l’air, sans plus répondre.

          La cendre âcre de la langue qui refuse d’être goûtée, rugueuse par volonté de pureté ― comme la noix.

          La cendre qui aide la terre à se féconder, la sœur sans enfant qui nourrit celui de l’autre.

          La cendre est légère et muette

          La bonne cendre de la mort : flocon sans poids sur la bouche qui n’évente plus rien. La bonne cendre de bure de la mort qui tombe sans pli de la tête aux pieds, aussi longue qu’on le veut, aussi épaisse que le cœur le désire pour bien s’assourdir.

          La cendre, qui, par sa forte odeur de substance absolue, éloigne de la chair étendue les longues fourmis de la mort, l’affreuse mouche de la mort.


    novembre 1926




    Traduction inédite de Denise Le Dantec.
    D.R. Denise Le Dantec pour Terres de femmes





    ■ Gabriela Mistral
    sur Terres de femmes


    Cordillera
    Désolation
    L’étrangère
    15 novembre 1945/Gabriela Mistral, Prix Nobel de littérature
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    un autre poème de Gabriela Mistral (Ausencia)


    Pour lire et/ou écouter d’autres poèmes (en espagnol) de Gabriela Mistral, cliquer
    ICI




    Retour au répertoire de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Françoise Clédat, L’Ange Hypnovel



    L-ANGE HYPNOVEL
    Ph., G.AdC





    L’ANGE HYPNOVEL
             (extrait)



                 Je ne t’ai pas accompagné dans la nuit de ta mort


    Dans la nuit de ta mort j’ai dormi de mon sommeil de vivante
    tandis que
    tu t’enfonçais
    dans le sommeil
    je ne savais

    Je ne t’ai pas bercé je t’ai laissé
    seul t’enfoncer
    dans le sommeil je ne savais
    être celui de ta mort

    près de toi à côté de toi
    près de moi à côté de moi
    confiante
    je t’ai laissé
    seul
    t’endormir
    du sommeil je n’ai pas vu
    être celui de ta mort

    près de toi à côté de toi
    près de moi à côté de moi
    confiante
    sans moi
    à hypnovel
    je t’ai laissé

    tu dormais
    je ne t’ai pas appelé

    tu dormais je t’ai appelé tu ne t’es pas
    réveillé

    je n’ai pas vu venir la nuit de ta mort elle est venue
    je n’ai pas vu
    qu’elle était
    la nuit de ta mort…




    Françoise Clédat, L’Ange Hypnovel, Dernier Télégramme, Limoges, septembre 2010, pp. 6-7.





    FRANÇOISE CLÉDAT


    Fran-oise Cl-dat



    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    La nuit de l’ange [lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel]
    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante (note de lecture de Marie Fabre)
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (lecture d’AP)
    (où le chant sans l’organe) (extrait de EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
    Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d’AP)
    [Se calmer. Reprendre souffle] (extrait de Mi(ni)stère des suffocations)
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    Une baie au loin (Turnermonpère) [lecture d’AP]
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean-Damien Roumieu, L’Or et la Cendre




    L-OR ET LA CENDRE
    Triptyque photographique, G.AdC





    L’OR ET LA CENDRE
            (extrait)



         Je m’emplis, et aussitôt m’anéantis. Clef du poème à ma portée. En alerte, les filiations de l’impossible, arbres dressés, une force tôt rassemblée pour affronter les forfaitures.



         Privilège, le peu instruit, le peu nourrit. Je ne désire qu’une neige douce sur l’épaule, un feu conjoint, une flûte dans la vallée, une allégresse à pas humains.



         Don, premier pas sur une terre de vivants. Va de l’avant sans t’essouffler. Le sang d’aurore s’infusera dans le ressac de ta poitrine, dans l’oubli de tes essaims.



         Dire le bleu de ce nuage. La nuit s’apprête, en un instant, à l’engloutir. Dire le murmure à peine audible de ce train que l’on devine empli de vie dans le lointain.



         Roses d’hiver, amies de l’ombre, étincelantes, êtes parcelles de ma peau. Allégeance au front du monde sous le vent. Je puis combattre l’insolence, expier l’irréparable de vos nuits.



         Impassible visage à tous les vents des continents. Bouclier du simple dans la foule. Écho solaire dans les chambres. La nuit qui vient n’altérera le fleuve lent.



         Sillage de femme, une cicatrice de lumière, un fil tendu vers l’au-devant. L’exultation et la gésine du silence effleurent mon tourment.




    Jean-Damien Roumieu, L’Or et la Cendre, Éditions Jacques Brémond, 2008, pp. 30, 32. Encres de Marcel Robelin.




    Retour au répertoire de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Margherita Guidacci | Tentation de saint Antoine




    Tentation 2
    Source






    TENTAZIONE DI SANT’ANTONIO



    Confrontiamo
    i nostri terrori, Mathis: quale vogliamo scegliere?
    Gettiamo i dadi sul sonno
    della ragione e la sua veglia.

    Dormiente, come tu la temevi, essa lascia che spuntino
    teste d’uccelli rapaci su corpi umani, sia invasa
    di viscide ali, gusci, proboscidi, squame
    e velli immondi la nostra forma umiliata.

    Sveglia, nel freddo delirio che ormai conosciamo,
    perfezionato nei secoli che da te ci separano,
    non sentinella pigra né complice sbadata,
    ma è l’artefice stessa del nostro male :

    che, ordito nelle lucide camere della mente
    e non più in torbide anse del sangue,
    cresce in laboratorio e non nella foresta,
    ha per emblema non l’animale ma la macchina,

    per armi non più rostri, zanne, artigli,
    ma bombe, gas, elettrodi; per ultimo traguardo
    non la profonda notte a cui scendono dèmoni e belve,
    ma un gran sole mortale sul mondo scardinato.

    Qualche cosa non muta
    dall’antica alla nuova processione
    degli incubi : la furia
    con cui il male s’avventa, e la caduta
    riversa della vittima. Nel suo abbandono esangue
    noi ci riconosciamo:
    con Antonio anche noi chiediamo aiuto
    e come lui tendiamo
    lo sguardo in alto, a cercare
    in qualche angolo del cielo una risposta –
    così difficilmente leggibile.




    Margherita Guidacci, « Il terzo ciclo », in L’altare di Isenheim, Rusconi, Milano, 1980; Le poesie, Le Lettere, Firenze, 1999, p. 298. A cura di Maura Del Serra.






    TENTATION DE SAINT ANTOINE



    Confrontons
    nos cauchemars, Mathis : lesquels choisirons-nous ?
    Jetons le dé entre la veille
    et le sommeil de la raison.

    Dans son sommeil, telle que tu la redoutais,
    elle permet que croissent
    des têtes de rapaces sur des corps d’hommes,
    que soit envahie d’ailes, de coquilles, de trompes, d’écailles visqueuses
    et de toisons immondes notre forme humiliée.

    Dans sa veille, dans le froid délire
    qu’aujourd’hui nous connaissons,
    perfectionné par les siècles qui de toi nous séparent,
    ni sentinelle distraite ni complice égarée,
    elle est elle-même l’artisan de notre malheur:

    conçu dans les chambres éclairées de l’esprit
    non plus dans les méandres bourbeux du sang,
    il se développe en laboratoire et non plus en forêt,
    a la machine pour emblème et non plus l’animal,

    pour armes non plus becs, crocs et griffes
    mais bombes, gaz, électrodes ; pour ultime horizon
    non plus la nuit profonde où descendent les démons et les fauves
    mais un grand soleil de mort sur le monde écartelé.

    De l’ancien au nouveau cortège
    des cauchemars une chose reste
    inchangée : la fureur
    avec laquelle se rue le mal, et la chute
    de la victime renversée. Dans son abandon sans force
    nous nous reconnaissons :
    avec Antoine nous aussi nous crions au secours
    et comme lui nous tendons
    vers le ciel notre regard, y cherchant
    de tous côtés une réponse ―
    si difficile à lire.




    Margherita Guidacci, « Le troisième cycle », in Le Retable d’Issenheim, Textes italiens n° 28, Arfuyen, 1987, pp. 32-33-34-35. Traduit de l’italien par Gérard Pfister.




        « Le retable d’Issenheim est lié à une visite que je fis à Colmar avec deux amis allemands qui m’avaient invité à Fribourg. Le polyptyque de Grünewald me fit une impression si forte qu’il me semblait ne pouvoir en soutenir la vue. Je lui tournai le dos et me mis à regarder les tableaux de Schongauer tout autour de la grande salle du rez-de-chaussée du musée d’Unterlinden. Mais même ainsi je ne me sentais attirée que par le Grünewald qui en même temps m’effrayait. Il avait ébranlé en moi quelque chose que je devais rééquilibrer. C’est pour cela que j’écrivis le poème qui s’intitule Le retable d’Issenheim. Plus tard, je retournai à Colmar et ne regardai cette fois que le Grünewald. Je restai longtemps devant lui, sereinement. »

    Margherita Guidacci





    ■ Margherita Guidacci
    sur Terres de femmes

    À l’hypothétique lecteur
    Cumana
    In corsa
    19 juin 1992 | Mort de Margherita Guidacci (note bio-bibliographique)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Margherita Guidacci (+ un extrait de Neurosuite)






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Andrée Chedid | L’île




    C-est la route des fables la route des gen-ts Que bordent les noirs sourires d-enracin-s
    Ph., G.AdC





    L’ÎLE




    Pour un coin d’eau de traces et d’herbe verte
    Où l’œil serait nu le cœur de rosée
    Les mains         feuilles ouvertes

    Je vais
    Aile au soleil
    Marchant pour l’étoile
    Son odeur de résine et de rêve d’enfant

    C’est la route des fables la route des genêts
    Que bordent les noirs sourires d’enracinés


    Voici l’île la fleur la découverte

    Voici l’oiseau chanteur
    Voici les lendemains

    Les mensonges aux yeux de mouettes.




    Andrée Chedid, Textes pour un poème, 1949-1970 in Andrée Chedid, Au cœur du cœur, Poèmes choisis et présentés par Matthieu Chedid et Jean-Pierre Siméon, Librio Poésie, 2009, page 19.





    ■ Andrée Chedid
    sur Terres de femmes


    La Table des poussières (poème extrait d’Épreuves du vivant)
    L’Autre
    Épreuves du langage
    Les nuages
    L’Œil
    La source des mots
    « Les traversées poétiques d’Andrée Chedid »
    La vieille mourante
    20 mars 1920 | Naissance d’Andrée Chedid
    le portrait d’Andrée Chedid dans la galerie Visages de femmes




    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de mes Topiques

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Roselyne Sibille | Nuit ou montagne




    NUIT OU MONTAGNE




    Nuit ou montagne
                                          une peur gagne                      fantôme sombre

    Le ciel regarde encore

                                         Terre d’orage emmenée dans la nuit
                                     Chevaux fous au galop dans la nuit

    Le ciel a fui
    ciel et sol
    unis de nuit
    de glaise d’orage

    mêlés matière commune
    au galop forcené de la nuit sans mémoire                          fantôme fou






    Ciel marbr- tenu en laisse
    Ph., G.AdC







    En agonie d’orage est né le ciel             ce matin
                                        Les grondements trébuchent
                                                       Les collines s’agrippent aux arbres
                                                                                  Ciel marbré tenu en laisse
                                                                                                          Déluge horizontal



                                                                 Je ne sais pas où va le vent





    Roselyne Sibille, Lumière froissée, Voix d’encre, 2010, s.f. Encres de Liliane-Ève Brendel.






    Lumière froissée 2





    ■ Roselyne Sibille
    sur Terres de femmes


    Entre les braises (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Entre les braises (lecture d’AP)
    Les Langages infinis (extrait)
    Roselyne Sibille/Liliane-Ève Brendel, Lumière froissée (note de lecture)
    [Pose ton visage dans une brèche] (poème extrait de Lisières des saisons)
    Lisières des saisons (lecture de Florence Saint-Roch)
    La tendresse me racine (poème extrait du recueil Versants)
    Ombre monde (lecture de Marie Ginet)
    [L’ombre est une ligne de crête] (poème extrait d’Ombre monde)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le souffle des mondes
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Voix d’encre)
    plusieurs poèmes extraits du recueil Lumière froissée
    → (sur Wikipedia) un article bio-bibliographique sur Roselyne Sibille (article revu par Roselyne Sibille)
    → (sur le blog de La petite librairie des champs)
    Roselyne Sibille | Sur l’île de mes mots (poème)






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Tita Reut | Tu vas au rein



    Je suis un jaune
    Image, G.AdC





    TU VAS AU REIN


    Tu vas au rein
    La courbe est le crin
    de mon gémissement
    d’échine
    Os à bouche
    l’extrémité de mes fentes
    ouvre sa Numide
    pour le dahlia de ta main
    Cube d’épaules et de coudes
    contre les cuisses que soulève
    l’écoutille de la mort

    Brève
    la langue danseuse
    me vrille

    Je suis un jaune
    qui se crève
    dans le blanc
    de ta mastication



    Tita Reut, Persiennes d’Hécate, poèmes, Éditions de la Différence, 1990, page 10. Avec deux gravures d’Arman.






    TITA  REUT


    Tita Reut
    Source




    ■ Tita Reut
    sur Terres de femmes


    La rage (poème extrait de Hamada)
    [Au bout de la jambe] (poème extrait de L’Invention des gestes)
    [On pose la perte] (poème extrait du Temple des singes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (le site du cipM)
    une bio-bibliographie de Tita Reut
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    la fiche consacrée à Tita Reut






    Retour au répertoire du numéro de novembre 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pier Antonio Quarantotti Gambini | Aux Salines



    Pierantonio Quarantotti Gambini
    Image, G.AdC





    AUX SALINES/ALLE SALINE


    Enfant, je courais aux salines. Là,
    s’aventurer le long des digues était,
    pour nous autres gamins, une fête un peu secrète,
    dans une paix qui paraissait enchantée,
    presque irréelle, sans autre bruit
    que le chant des innombrables cigales
    ivres dans le soleil, stridentes.

    Les digues, l’eau immobile, les courants
    et l’herbe chaude sous les pieds nus.
    Toujours de nouvelles découvertes. Et puis la pêche.

    Aujourd’hui que je regarde en arrière, seule
    cette lointaine vie me console. Je suis
    l’enfant qui court là, anxieux
    de faire, chaque jour, une découverte.

    Si je regarde en moi, je retrouve
    ce qu’alors je découvris.

                                                        Ma quête, aujourd’hui,
    est différente ; toujours plus grande et libre !




    Pier Antonio Quarantotti Gambini, Les gamins couraient, in Soleil et vent, L’Âge d’homme, Collection Domaine italien, 1982, page 47. Traduit de l’italien par Laïla Taha-Hussein. Préface de André Pieyre de Mandiargues.





        « Al sole e al vento a paru chez l’éditeur Einaudi en 1970 grâce aux soins attentifs d’Alvise Quarantotti Gambini, le frère du poète, qui dans son introduction nous informe que presque toutes les pièces de ce petit volume ont été composées par Pier Antonio pendant le dernier mois de sa vie. Notre émotion, la mienne en tout cas, s’en trouve grandie, car les sujets de ces poèmes s’échelonnent d’un lointain passé, enfance et adolescence, jusqu’aux derniers jours d’un présent douloureux, et l’ensemble se présente comme une sorte de mémorial où des livres écrits et publiés autrefois, avec leurs personnages inventés, se mêlent singulièrement aux images des personnes réelles qui avaient tenu jadis ou tenaient alors un rôle important dans l’existence de l’écrivain. L’on sait qu’un foisonnement surabondant de souvenirs, surtout aux âges où la mémoire est en train de se perdre, précède souvent de peu l’extinction de la vie. Comment ne pas penser à telle espèce de sonnette d’alarme quand nous lisons ces notations tragiques prises par un poète pendant les quatre ou cinq semaines qui lui furent laissées avant sa fin. Une fin qui, son dernier poème nous le dit sans artifice, était pour lui un commencement ou un recommencement. […] »


    André Pieyre de Mandiargues, Préface, in op. cit. supra, pp. 8-9.






    ■ Voir/écouter aussi ▼

    → (sur Radio3)
    une émission («Il Terzo Anello – La prosa verso la poesia ») du 2 novembre 2006 consacrée à la poésie de Pier Antonio Quarantotti Gambini
    → (sur istrianet.org)
    une bio-bibliographie de Pier Antonio Quarantotti Gambini




    Retour au répertoire de octobre 2010
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes