Ph. angèlepaoli
ÊTRE ET DÉSÊTRE
D’après l’ombre et tes multiples mues
tu es destiné à l’émersion et l’extinction
pour toujours
parmi de fins miroirs
tes images laminaires se déboîtent
se pourchassent
se dévorent
mystérieux itinéraire
à perte de souffle
être et désêtre à tout instant
sans relâche.
Elle dépistait ses images possibles
dans les vertiges de l’univers
sur les lèvres des plaies galactiques
parmi leurres et lueurs
l’incertitude nourricière ne faisait que commencer
elle frôlait sa mutation spirale
dans la lave matrice
hantait les nulles parts
pour regagner son espace
immolait l’errance de ses ombres
sur l’autel de l’isthme primordial
et ne trouvait que poussière et cendres
la voilà de retour au siège de l’éphémère
vibrante de son immense vertige
elle s’installe
rejeton
dans son exil d’être.
Du désordre flottant au chaos originel
de la confusion des sens à l’intuition primale
de l’imperméabilité des ombres à l’état translucide
devenir
savoir comment vraiment mourir
comment se loger
tous les jours
en paix
dans son cercueil
détaché des chaînes luxuriantes
déplumé des accessoires chimériques
déraciné de son propre nom
se loger entier
là où cessent
le bruissement du cœur
le bourdonnement des pensées
devenir
affleurer à tout instant
son vif néant
affranchir de leurs exils
ses fantômes et ses ombres
se faufiler
flou d’images sans confins
liquidité des formes de l’avant gestation
devenir
constamment s’enfanter
plus familier à soi-même.
Les mues de l’ombre
que je suis
ne sont que les traces
de mes exils d’être.
Tu défibres ton corps hétéroclite
jusqu’aux confins de sèves
jusqu’à la grappe aînée
de tes cellules d’embryon
une vie durant
tu n’as été qu’un accident de parcours
parmi des momies frénétiques
des cadavres ambulants
des dieux criquets escortés de bouffons
étrangère pour toujours
personne n’a parlé de ta moelle fossile
des triticites de tes champs intérieurs
la déchirure était ton remède
le néant ton retour
le périple du sevrage était lent
hésitante
tu palpes ta gestation insolite
dans le vif argent des miroirs trompeurs
tu grignotes ta solitude mielleuse
l’attente blanche au bord de l’iris d’origine
l’enstase des doigts dans le plasma des mots
la félicité de l’errance
la déflexion d’une imperméable lueur
qui te propulse
vers l’ambre primordial.
Être et désêtre
et nul paradoxe
des cendres de chacun renaît l’autre
les passions conduisent à la vacuité
la vacuité accueille l’émerveillement
l’émerveillement seuil de l’extinction
de l’extinction émane la grande passion
et nulle frontière
être et désêtre
osmose fertile
sans stigmates
ni cicatrices.
Aïcha Arnaout, Être et désêtre, Extraits, in Côté femmes, d’un poème l’autre, Espace-Libre, Alger-Paris, 2010, pp. 13-14-15-16. Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani.
NOTE D’AP : ce poème a été dit par Aïcha Arnaout le samedi 19 juin 2010 à la librairie La Terrasse de Gutenberg (75012 Paris), à l’occasion de la publication de l’anthologie Côté femmes, d’un poème l’autre, à laquelle j’ai moi-même participé.