Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Béatrice Douvre | Nuit brisée



    Douvre, Auch
    Ph., G.AdC







    NUIT BRISÉE



    Nuit brisée, d’âmes grises, de corps doubles, endoloris de songes, au point du jour.

    Le vent ancien dans le feuillage, vert pâli de la sève, le cœur enflé au fond des eaux, comme un nageur dans l’ombre.

    Et la pierre pétrie de la main pauvre, et des doigts jaunes des voyages, du tabac blond des Indes pires.

    Tes yeux de laine et de limons épandent des bruits d’eaux prénatales. S’ils s’ouvrent au monde, une lueur bleue météore les blesse.

    Tu saignes de cécité, de pleurs rivaux, je guide ton errance sertie de sable rouge.

    Nuages, et ton corps est un début de désert gris de peau, mué d’ossements de bêtes ancestrales.

    Une éclipse d’oiseaux devient le vert présage de tes verdures futures ; et les cieux sont couverts aux confins étoilés…

    Dieu poudroie.

    Je suis bénie d’arroche et de tombeaux, afin que naissent en toi, blessé, l’imperfection, et l’agonie, le cri gemmé de la nature ; afin que s’éprenne l’eau de ton visage…

    ébauche d’une bouche au béant de la source.



    Béatrice Douvre, Poèmes, L’Arrière-Pays, Auch, 1998, page 38.



    BÉATRICE DOUVRE


    Douvre portrait 2
    Source




    ■ Béatrice Douvre
    sur Terres de femmes


    l’Outrepassante
    Poèmes en prose [Journal de Belfort]
    Le vin, le soir




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    Béatrice Douvre, l’invisible est un miracle, par Pierre Kobel
    → (sur Terres de femmes)
    Muriel Stuckel | Dans la césure de tes poèmes



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  • Philippe Beck | Suie


    Or de la lumière
    Ph. angèlepaoli





    25. SUIE



    Femme aux cheveux d’or
    est unique.
    Elle passe. Elle est un bateau d’or
    ou de paille.
    Soleil la brûle.
    Il brûle des ailes basses.
    Mari est dans la vallée des tristes.
    Femme sans pareille.
    Des hommes cherchent
    partout.

    Fille part avec trois robes.
    Robe d’or comme soleil,
    robe d’argent (robe de lune),
    robe de brillants ou d’étoiles.
    Ciel de robe basse.
    Plus un manteau de l’ensemble des peaux.
    Le plus beau.
    Loin du blé d’en haut, supposé
    par l’ensemble des peuplés.
    Sous la cendre du ciel.
    Cendre est l’idée.
    Inconsolé reste à la vallée.
    Elle va dans la forêt.
    Et dort dans un arbre.
    Soleil monte.
    C’est l’or de la lumière
    qui montre nature.
    Fille est comme bête bizarre.
    Elle est trouvée.
    On l’appelle Belle
    ou Peau de Lumière.
    Elle s’habille de l’ensemble des bêtes.
    Mais ramasse les cendres du feu.
    Elle fait le gros dans la peine.
    L’éclat rentre au contour.
    Elle s’habille de suie.
    Il y a une huile d’oubli ?
    Huile intérieure ?
    Coin est Maison Serrée
    ou M. Négative.
    Le Dur de quelqu’un.
    L’angle d’elle.
    Fille à l’éclat d’un soleil rentré.
    S. noir.
    Bal rhabille la vie
    sous un soleil de nuit.
    Ensemble de peaux
    est unique.
    L’Un qui apparaît.
    Elle crée une montée à admirer.
    Un Mont Blanc dans quelqu’un.


    D’après « Toutes-Fourrures »




    Philippe Beck, Chants populaires, Flammarion, Collection Poésie, 2007, pp. 81-82.




    Philippe Beck

    Philippe Beck lisant un de ses Chants populaires
    lors d’une lecture croisée aux côtés de Liliane Giraudon et de Sandra Moussempès
    Librairie de l’Atelier (75020 Paris) le 17 juin 2010.
    Ph. angèlepaoli





    ■ Philippe Beck
    sur Terres de femmes

    Boustrophes, « Variation XIII »
    Chambre à roman fusible [XXXIV. « Fermeture-phénomène »]
    Dans de la nature, 87
    De la Loire [Vague de pierre 36]
    Lyre d’& XIV (extrait de Lyre Dure)
    Les murs capitonnés (extrait de Poésies didactiques)
    Les variations poétiques de Philippe Beck ou le tempo universel du monde (chronique de Sylvie Besson)
    Poésies premières (lecture de Tristan Hordé)
    Pages vertes (extrait de Rude merveilleux, in Poésies premières)
    Pré-journal II (extrait de Un journal)
    Rêve (poème extrait de Chants populaires)
    [Tout a lieu] (poème extrait de Aux recensions)
    22 octobre 2005 | Philippe Beck, Un journal
    28 janvier 2006 | Philippe Beck, Un journal


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    (sur remue.net) un dossier consacré à Philippe Beck
    → (sur le site du Centre Atlantique de Philosophie)
    une page consacrée à Philippe Beck
    → (sur Rebuts de presse, le blog de Didier Jacob)
    Je décerne mon prix de poésie (billet du 30 novembre 2009)
    → (sur YouTube)
    Philippe Beck lisant des extraits des Chants populaires et des poèmes contenus dans Un Journal



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  • Pascal Boulanger | Art jésuite


    San Carlino alle quattro fontane  F. Borromini  Architecte. Photo - ROMA en  FEV 2006
    Ph., G.AdC






    ART JÉSUITE

    À Nathalie Riera




    Avant l’heure
                               cheveux blancs
                               muses en lambeaux

    Celui qui tombe son pas n’est pas sûr

    Une flèche bondit de l’arc et s’enfuit
    elle change de ciels & de maisons
    puisque le destin ne précède pas l’histoire
    & qu’un nid d’oiseaux
    peut très bien se nicher dans la mer

    Un homme masqué
    passe la fenêtre
    tous ses chemins sont en vie
    il est touché quand il touche
                                                 les femmes voluptueuses
    & les anges
                                                 qui planent sur l’église baroque

    Le pas franchi
    un ciel se dérobe sous un autre
    l’œil éclate dans la blancheur des pierres

    Des dieux railleurs aux muscles ronds
    se tordent en élans fiévreux

    Sur l’étoffe d’un marbre
    une bouche dessine un jardin



    Pascal Boulanger
    Texte inédit (D.R.)




    ■ Voir aussi ▼

    (dans Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera) un entretien avec Pascal Boulanger

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  • Aïcha Arnaout | Être et désêtre


    Arnaout 4
    Ph. angèlepaoli





    ÊTRE ET DÉSÊTRE


    D’après l’ombre et tes multiples mues
    tu es destiné à l’émersion et l’extinction
    pour toujours

    parmi de fins miroirs
    tes images laminaires se déboîtent
    se pourchassent
    se dévorent

    mystérieux itinéraire
    à perte de souffle
    être et désêtre à tout instant
    sans relâche.

                  Elle dépistait ses images possibles
    dans les vertiges de l’univers
    sur les lèvres des plaies galactiques
    parmi leurres et lueurs

    l’incertitude nourricière ne faisait que commencer

    elle frôlait sa mutation spirale
    dans la lave matrice
    hantait les nulles parts
    pour regagner son espace
    immolait l’errance de ses ombres
    sur l’autel de l’isthme primordial
    et ne trouvait que poussière et cendres

    la voilà de retour au siège de l’éphémère
    vibrante de son immense vertige
    elle s’installe
    rejeton
    dans son exil d’être.

    Du désordre flottant au chaos originel
    de la confusion des sens à l’intuition primale
    de l’imperméabilité des ombres à l’état translucide

    devenir
    savoir comment vraiment mourir
    comment se loger

    tous les jours
    en paix
    dans son cercueil

    détaché des chaînes luxuriantes
    déplumé des accessoires chimériques
    déraciné de son propre nom

    se loger entier
    là où cessent
    le bruissement du cœur
    le bourdonnement des pensées

    devenir
    affleurer à tout instant

    son vif néant
    affranchir de leurs exils
    ses fantômes et ses ombres
    se faufiler
    flou d’images sans confins
    liquidité des formes de l’avant gestation

    devenir
    constamment s’enfanter
    plus familier à soi-même.

    Les mues de l’ombre
    que je suis
    ne sont que les traces
    de mes exils d’être.

    Tu défibres ton corps hétéroclite
    jusqu’aux confins de sèves
    jusqu’à la grappe aînée
    de tes cellules d’embryon

    une vie durant
    tu n’as été qu’un accident de parcours
    parmi des momies frénétiques
    des cadavres ambulants
    des dieux criquets escortés de bouffons

    étrangère pour toujours
    personne n’a parlé de ta moelle fossile
    des triticites de tes champs intérieurs
    la déchirure était ton remède

    le néant ton retour
    le périple du sevrage était lent
    hésitante

    tu palpes ta gestation insolite
    dans le vif argent des miroirs trompeurs

    tu grignotes ta solitude mielleuse
    l’attente blanche au bord de l’iris d’origine
    l’enstase des doigts dans le plasma des mots
    la félicité de l’errance
    la déflexion d’une imperméable lueur
    qui te propulse
    vers l’ambre primordial.

    Être et désêtre
    et nul paradoxe
                 des cendres de chacun renaît l’autre

    les passions conduisent à la vacuité
    la vacuité accueille l’émerveillement
    l’émerveillement seuil de l’extinction
    de l’extinction émane la grande passion
    et nulle frontière

    être et désêtre
    osmose fertile
    sans stigmates
    ni cicatrices.


    Aïcha Arnaout, Être et désêtre, Extraits, in Côté femmes, d’un poème l’autre, Espace-Libre, Alger-Paris, 2010, pp. 13-14-15-16. Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani.




    NOTE D’AP : ce poème a été dit par Aïcha Arnaout le samedi 19 juin 2010 à la librairie La Terrasse de Gutenberg (75012 Paris), à l’occasion de la publication de l’anthologie Côté femmes, d’un poème l’autre, à laquelle j’ai moi-même participé.





    AÏCHA ARNAOUT

    Arnaout
    Ph. D.R.


    ■ Aïcha Arnaout
    sur Terres de femmes


    Dans les eaux du glacier originel
    La traversée du Blanc
    Aïcha Arnaout, Alain Gorius | La fontaine

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  • Nicolas Bouvier | Depuis que le silence


    Les gouttières pleurent il fait noir et il pleut

    Ph., G.AdC




    DEPUIS QUE LE SILENCE


    Depuis que le silence
    n’est plus le père de la musique
    depuis que la parole a fini d’avouer
    qu’elle ne nous conduit qu’au silence
    les gouttières pleurent
    il fait noir et il pleut

    Dans l’oubli des noms et des souvenirs
    il reste quelque chose à dire
    entre cette pluie et Celle qu’on attend
    entre le sarcasme et le testament
    entre les trois coups de l’horloge
    et les deux battements du sang

    Mais par où commencer
    depuis que le midi du pré
    refuse de dire pourquoi
    nous ne comprenons la simplicité
    que quand le cœur se brise.

    Genève, avril 1983


    Nicolas Bouvier, Le Dehors et le Dedans, in Œuvres, Éditions Gallimard, Collection Quarto, 2004, page 873.

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  • Andrea Zanzotto | (Anticicloni, Inverni)


    Vois tout qui ― violet et or et ressort ―
    Aquatinte numérique, G.AdC






    (ANTICICLONI, INVERNI)



    I


    Vedi tutto che ― viola e oro e molle ―
                                direi quasi rigurgita rigurgita
        non si trattiene è contento è maturo
        nel dar figure strappare figure                        altre figure
    in viola e ori               A spuntare ori considera, poni mano,
        affàcciati, prendi note, a cuore, a carico,
        sii una qualche violenza per tenere a cuore

                                Sii nel prossimo a-tu-per-tu col remoto del viola
                                sì, violenza in questa gola
        ascolto nuotando tutta questa violenza
        così prima e increata da essere innocente
                                ma non meno assassina ― nell’oro e nel viola
    C’è il vocìo o il tocco o lo fascio
        viola di no no no             lo scampanìo del predicente
                                Viola è il mio carpire interleggere
                                fa carico fa massa va in massa oro e viola
    tutta per te questa trasparente
    mania di destrutturazione    ma issi là sopra la tavola
    il sopravvissi

        e la macchia di sangue Gewalt
        mi allevava come letame viola
        mi torceva in sé, mi aveva perso in sé, letame.





    (ANTICYCLONES, HIVERS)



    I


    Vois tout qui ― violet et or et ressort ―
                                je dirais presque qu’il régurgite, régurgite,
        il ne se retient pas, il est content, il est mûr
        pour donner des figures, arracher des figures               d’autres figures
    en violet et ors               Songe à l’éclosion des ors, allonge la main,
        montre-toi, prends note, à cœur, en charge,
        sois quelque violence pour avoir à cœur

                                Sois dans le prochain tête-à-tête avec le suranné du violet,
                                oui, de la violence dans cette gorge,
        j’écoute en nageant toute cette violence,
        si première et si incrée qu’elle en devient innocente,
                                mais non moins assassine ― dans l’or et le violet
    Il y a le brouhaha, le toucher et la décrépitude,
        violet de non, non, non             le carillonnement du prédicateur
                                Violet est mon ravir interlire,
                                il fait charge, il fait masse, il va en masse, en or et violet,
    toute pour toi cette transparente
    manie de déstructuration    mais    tu hisses là-dessus la table,
    le tu survécus

        et la tache de sang Gewalt
        m’élevait comme fumier violet,
        me tordait, fumier, en elle, m’avait en elle perdu.



    Andrea Zanzotto, Phosphènes [Fosfeni, Milano, Mondadori, Lo Specchio, 1983], Éditions José Corti, 2010, pp. 118-119. Traduit de l’italien et du dialecte haut-trévisan (Vénétie) et présenté par Philippe Di Meo.





    ANDREA ZANZOTTO

    Zanzotto
    Source



    ■ Andrea Zanzotto
    sur Terres de femmes

    10 octobre 1921 | Naissance d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de Fosfeni)
    18 octobre 2011 | Mort d’Andrea Zanzotto (+ un poème extrait de La Beltà)
    Cantilene londinese d’Andrea Zanzotto
    Comment puis-je oser vous appeler ici (poème extrait d’Idioma)
    Così siamo (extrait de IX Egloghe)(Hommage à Andrea Zanzotto [III])
    Filò, la Veillée
    Ticchietto (extrait de Meteo)
    Verso i Palù (poème extrait de Surimpressions)
    Vocatif, suivi de Surimpressions (lecture d’AP)
    Vocativo (extrait)(Hommage à Andrea Zanzotto [I])
    A.Z. [Andrea Zanzotto], par Jacqueline Risset (Hommage à Andrea Zanzotto [II])


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site du Centre national du livre)
    une note de lecture d’Alexandre Drier de Laforte sur Phosphènes d’Andrea Zanzotto
    → (sur YouTube)
    Ritratti – Andrea Zanzotto (un film di Carlo Mazzacurati e Marco Paolini, regia di Carlo Mazzacurati, 2000)[49min 28′ => fiche du film]
    → (sur YouTube)
    une interview d’Andrea Zanzotto à l’occasion de son 88e anniversaire (10 octobre 2009)

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  • Dominique Sorrente | Pays sous les continents



    C'est ainsi d'île en île que flotte le ciel inversé
    Ph., G.AdC






    PAYS SOUS LES CONTINENTS



    Sous chaque rive est une rive. Autorise-toi à effeuiller le palimpseste. Comme un début ou une fin du jour. Les yeux voués aux sillages infinitésimaux de la mer qui ouvre sur une autre mer.



    *



    Sourire. Sourire d’abord, sans attendre raison. Sourire en regardant se démener l’homme actuel qui se proclame maître du partage des eaux.

    Sourire avec ce qu’aucune vague ne racontera jamais.



    *



    Hier à Collioure, aujourd’hui dans un bras du Mékong, c’est ainsi d’île en île que flotte le ciel inversé où j’apprends encore et toujours à te déchiffrer.



    *



    L’océan à la hanche de sel, il fit bon le laisser ouvert.

    Tendre une poignée de main au dragon.

    Ton corps de juin.

    Il étire d’un bord de nuit à l’autre ceux qui jonchent leurs vies.



    *



    Ô pétales d’oubli, couvrant les corps et les sueurs.




    Dominique Sorrente, « Pays sous les continents », Empire du milieu intérieur, Journal, 2003, in Pays sous les continents, un itinéraire poétique 1978-2008, Éditions MLD, 22000 Saint-Brieuc, 2009, pp. 139-140.





    DOMINIQUE SORRENTE


    Domnique_sorrente
    Source



    ■ Dominique Sorrente
    sur Terres de femmes

    [À défaut de livre, au moins cette promesse de poème] (poème extrait d’Il y a de l’innocence dans l’air)
    C’est bien ici la terre (note de lecture de Laurence Verrey)
    C’est la terre
    Écueils
    J’écris comme on décide par fragments
    [je suis celle qui se voue à la flamme]
    Je t’envoie ma chanson des jours bleus
    Le temps sans rideaux
    [L’humeur est passe-partout] (extrait de Tu dis : rejoindre le fleuve)
    [Les rideaux] (extrait des Gens comme ça va)
    Le Scriptorium/Portrait de groupe en poésie



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Publie.net)
    Dominique Sorrente | Pays sous les continents
    → (sur Poezibao)
    un autoportrait de Dominique Sorrente
    → (sur le site du cipM)
    une notice bio-bibliographique (non mise à jour)
    → (sur le site du Scriptorium de Marseille)
    un Portrait de Dominique Sorrente (site provisoirement indisponible)




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  • Frank O’Hara | Cornkind


    Crane
    Ph. angèlepaoli [NYC, Brooklyn Bridge, 2009]





    CORNKIND


    So the rain falls
    it drops all over the place
    and where it finds a little rock pool
    it fills it up with dirt
    and the corns grows
    a green Bette Davis sits under it
    reading a volume of William Morris
    oh fertility! beloved of the Western world
    you aren’t so popular in China
    though they fuck too

    and do I really want a son
    to carry on my idiocy past the Horned Gates
    poor kid                           a staggering load

    yet it can happen casually
    and he lifts a little of the load each day
    as I become more and more idiotic
    and grows to be a strong man
    and one day carries as I die
    my final idiocy and the very gates
    into a future of his choice

    but what of William Morris
    what of you Million Morries
    what of Bette Davis in
    AN EVENING WITH WILLIAM MORRIS
    or THE WORLD OF SAMUEL GREENBERG
    what of Hart Crane
    what of phonograph records and gin

    what of “what of”

    you are of me, that’s what
    and that’s the meaning of fertility
    hard and moist and moaning

    1960


    Frank O’Hara, Lunch poems, City Lights Books, The Pocket Poets Series, number 19, San Francisco, 1964, pp. 42-43.






    Frank O’Hara, Lunch Poems
    Source






    GRANTURCO


    Così scende la pioggia
    e bagna ovunque stilla a stilla
    e quando trova un incavo di pietra
    lo riempe tutto di terra
    cresce il granturco
    e verdolina Bette Davis vi siede sotto
    a leggere un libro di William Morris
    oh fecondità! tanto cara all’Occidente
    mica altrettanto popolare in Cina
    anche se scopano pure là

    e davvero lo voglio un figlio
    che porti la mia idiozia oltre le Porte Cornute
    poverino                           che palla al piede

    ma può anche accadere per caso
    che ogni giorno porti la palla sempre più su
    mentre divento un idiota sempre di più
    e crescerà finché sarà sempre più forte
    e il giorno della mia morte porterà via
    con tutte le porte l’ultima mia idiozia
    dentro un futuro scelto solo da lui

    ma quanto a William Morris
    quanto a te Miccia Morti
    quanto a Bette Davis in
    UNA SERATA CON WILLIAM MORRIS
    o IL MONDO DI SAMUEL GREENBERG
    quanto a te Hart Crane
    quanto a dischi incisi e al gin

    quanto a “quanto a”

    discendi da me, questo è quanto
    e questo vuol dire fecondità
    dura e umida e stillante

    1960



    Frank O’Hara, Lunch poems, Arnoldo Mondadori Editore, I edizione Oscar Poesia del Novecento, 1998, pp. 71-73. Traduit en italien par Paolo Fabrizio Iacuzzi.






    Frank O'Hara 3
    Source






    FAMILLE MAÏS


    Donc la pluie tombe
    Elle n’épargne aucun endroit
    Et quand elle trouve une petite mare dans les rochers
    Elle la remplit de saletés
    Et le maïs pousse
    Une Bette Davis verte assise dessous
    Lit un volume de William Morris
    ô fertilité ! aimée de l’Occident
    tu n’es pas si appréciée en Chine
    bien qu’ils baisent aussi

    et est-ce que je veux vraiment un fils
    pour qu’il trimballe ma bêtise au-delà des Barrières Cornues
    pauvre gosse                                    un fardeau écrasant

    pourtant ça peut arriver comme ça
    et il soulève sa part de fardeau chaque jour
    alors que je deviens de plus en plus bête
    et lui devient un homme fort, très fort
    qui va le jour où je meurs porter
    mon ultime bêtise et même les barrières
    vers un futur de son choix

    mais qu’en est-il de William Morris ?
    qu’en est-il de vous Millions de Mourons ?
    qu’en est-il de Bette Davis dans
    UNE SOIRÉE EN COMPAGNIE DE WILLIAM MORRIS
    ou LE MONDE DE SAMUEL GREENBERG

    qu’en est-il de Hart Crane
    qu’en est-il des disques de phonographe et du gin

    qu’en est-il du « qu’en est-il »

    tu es de moi, voilà quoi
    et c’est la signification de la fertilité
    dure et moite et râlant


    Frank O’Hara, Poèmes déjeuner, Éditions joca seria, 2010, pp. 41-42. Traduit de l’anglais (américain) par Olivier Brossard et Ron Padgett. Postface et notes d’Olivier Brossard.






    FRANK O’HARA

    Frank O'Hara
    Source


    ■ Voir aussi ▼

    le site officiel de Frank O’Hara (comprenant un grand nombre d’archives sonores, dont quatre poèmes de Frank O’Hara dits par lui-même)
    → (sur the SMV Literature Society)
    une page consacrée à Lunch Poems de Frank O’Hara
    → (sur Poezibao)
    une bio-bibliographie de Frank O’Hara
    → (sur le site des éditions joca seria)
    la page consacrée à Frank O’Hara
    → (sur Terres de femmes)
    Elizabeth Bishop/Invitation to Miss Marianne Moore

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  • Ana Marques Gastão | Bailarinas









    Sempre desejei escrever um poema igual a esses olhos;
    não consegui ― Janeiro, Fevereiro, Março, o texto afirma
    e recorda a linha de contradição que é a nossa vida.
    Um momento de Verão pode, afinal, vir no Inverno quando
    o corpo se esquece do hábito e se solta como um soneto.
    Olha para mim : estou gasta sem distinguir o desejo do acto,
    necessitando não de irresolutos lamentos, mas de rir.
    Somos a quê ? Mulheres recíprocas, mínimas e extensas,
    escutando o tempo enquanto a carne se torna flácida.
    Estamos num atalho entre obscuridades e fitamo-nos porque,
    com mais ou menos peso, nos transformamos. Melhor ignorar
    do que contemplar, pelo menos hoje; os sentimentos são mais
    do que uma só coisa. Se corremos o risco de confundir dor
    pessoal com o esquecimento da vida, esta amizade termina
    em crepúsculo e todo o excesso se acumulará nos outros.

    Eu, artífice da imaginação, deite-me na mansidão da pagina,
    olhos fechados, lábios fingindo agilidade, o verso espraiando-se
    na evocação de amor antigo. Tu, mais esquecida da tua natureza,
    danças melhor, ave nítida, até ao limite de uma fantasia incontrolada.







    BALLERINES



    J’ai toujours désiré écrire un poème semblable à ces yeux ;
    je n’y suis pas arrivée ― janvier, février, mars, le texte affirme
    et rappelle la ligne de contradiction qu’est notre vie.
    Un moment d’été peut, finalement, venir en hiver quand
    le corps oublie l’habitude et se détache comme un sonnet.
    Regarde-moi : je suis usée et ne distingue pas le désir de l’acte,
    sans nécessité des plaintes irrésolues, mais des rires.
    Que sommes-nous ? Des femmes réciproques, infimes et vastes,
    qui écoutent le temps alors que leur chair devient flasque.
    Nous voilà sur un sentier en pleine obscurité et nous nous regardons car,
    avec plus ou moins de poids, nous nous transformons. Mieux vaut ignorer
    que contempler, aujourd’hui du moins ; les sentiments sont bien plus
    qu’une seule chose. Si nous courons le risque de confondre douleur
    personnelle et oubli de la vie, cette amitié se termine
    en crépuscule et tout l’excès s’accumulera chez les autres.

    Moi, artisan de l’imagination, je me couche sur la douceur de la page,
    les yeux fermés, les lèvres feignant l’agilité, le vers s’étalant
    dans l’évocation d’un amour ancien. Toi, plus oublieuse de ta nature,
    tu danses mieux, oiseau clair, jusqu’à la lumière d’une fantaisie incontrôlée.



    Ana Marques Gastão, Noeuds (édition bilingue), éditions fédérop, 24680 Gardonne, 2007, pp. 97-98. Poèmes traduits du portugais par Catherine Dumas. 25 tableaux de Paula Rego. Ouvrage publié avec l’aide de la Fondation Calouste Gulbenkian.






    Ana Marques





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions fédérop)
    la page consacrée à Noeuds d’Ana Marques Gastão (dont extraits de presse)
    → (sur Carnets de Poésie de Guess Who)
    plusieurs poèmes d’Ana Marques Gastão extraits du même recueil (+ une bio-bibliographie)
    → (sur arlindo-correia)
    une biographie (en portugais) sur Paula Rego
    → (sur Up Magazine)
    une interview (vidéo en portugais) de Paula Rego par Maria João Veloso



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  • Flaviano Pisanelli | Entre deux lunes


    L'Entre-deux
    Ph., G.AdC





    ENTRE DEUX LUNES


    Être entre deux espaces
    que je pourrais nommer
    mondes-frontières
    nations ou langues

    l’Entre-deux

    deux lunes inhabitables
    un trait d’union qui sépare
    une suspension qui unit :
    entre deux lunes
    rattachant la nuit
    entre deux mondes
    deux temps sans réponse
    cherchant la question tardive
    l’attente inexplicable
    l’aube où le soleil se couche
    où toute arrivée n’est qu’un départ
    solitaire et nu
    un billet sans valeur
    le son fossile d’un hautbois
    une source entre deux rivières

    écoute-moi
    (et surtout ne parle pas)
    rien ne nous habite
    ces deux lunes non plus
    ces voix monotones
    penchées à la fenêtre
    de nos espaces-temps.

    Écoute-moi
    (et surtout ne parle pas)
    puisque tout mot crée l’illusion
    d’une écoute généreuse.

    Tout mot s’égare :
    la mer
    nos pas dans le désert
    le bavardage qui pèse sur le pavé d’un café
    se condensant autour de la lune
    telle une auréole épaisse et grasse
    entre deux jours
    entre deux nuits
    deux rêves.
    Ne m’écoute plus
    parle
    parle
    parle
    de ce corps entre deux lunes
    de cette lune qui glisse
    sur l’orée de mes paroles.

    Avignon, 2008


    Flaviano Pisanelli
    D.R. Texte inédit





    FLAVIANO PISANELLI

    Flaviano_pisanelli


    ■ Flaviano Pisanelli
    sur Terres de femmes


    L’essor d’un rayon


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Lindau) une
    bio-bibliographie de Flaviano Pisanelli

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