Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Anise Koltz, L’Ailleurs des mots



    Il est Cain | toujours en fuite | de ce crime qu-il a commis
    Ph., G.AdC






    L’AILLEURS DES MOTS
    (extrait)


    J’aime l’homme
    au dos vaste
    comme une steppe

    Dans les profondeurs de sa terre
    j’écoute
    le bruit du troupeau de buffles
    qui le traverse




    Tu descends le chemin de mon sang
    comme un caravanier
    la route de la soie

    lorsque tu retomberas de mes hanches
    mille ans auront passé




    En éternel voyageur
    tu te hisses sur mon corps
    comme sur un bateau
    ou un train

    Puis tu me quittes
    avec ta valise
    de la taille d’un cercueil




    Mon corps est un aventurier ―

    La nuit il caresse
    ta vie et ta mort
    tes guerres et tes famines

    Les mains ensanglantées
    les cheveux tombant
    comme des plantes
    cassées par la tempête

    Il est Caïn
    toujours en fuite
    de ce crime qu’il a commis

    […]




    Anise Koltz, L’Ailleurs des mots, Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, 2007, pp. 9-10-11-12.





    ANISE KOLTZ


    ANISE KOLTZ
    Source



    ■ Anise Koltz
    sur Terres de femmes


    Automne (extrait du Cirque du soleil)
    Béni soit le serpent
    [Dans mes poèmes] (poèmes extraits d’Un monde de pierres)
    [Gémeau] (poème extrait de Soleils chauves)
    Je me transforme (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Je suis l’impossible du possible] (poème extrait de Pressée de vivre)
    Ouverte (poème extrait de Je renaîtrai)
    [Qu’ai-je emprunté à la chair maternelle ?] (poème extrait de Galaxies intérieures)
    Les soleils se multiplient (poème extrait du Cri de l’épervier)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une page consacrée à Anise Koltz
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes extraits du Porteur d’ombre (2001), dits par Anise Koltz



    Retour au répertoire du numéro d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Florence Pazzottu,
    De la pratique au discours | Palpations du parcours



    La morsure du changement fait un champ de bataille
    Ph., G.AdC





    PALPATIONS DU PARCOURS


    1. sur la palissade d’un
    oui s’ennuie le désert d’une parole où
    claque soudain un refus
    que porte l’appel du
    vivre (ce vrac de lumière et d’odeurs)
                                                  ― dehors traverse


    2. la morsure du changement
    fait un champ de bataille
    du chantier continu
    de l’essentiel (jailli)
    mais les choses, elles,
    font les demoiselles
    exigent un kimono
    pour la maison


    […]


    5. la palpation du parcours – mais dans
    l’urgence du seul cherche
    trois événements-foudre
    ont donné forme
    poèmes comme morceaux de langue hurlant
    (un seul est resté coi et nous a toisés sec)
    pas de mode d’emploi pour les lèvres
    chaque fois le nouveau
    est explosion d’obscur
    ce mouvement du tu
    un avènement enfin : cette peau



    Florence Pazzottu, Palpations du parcours (extraits), in Couleurs femmes, poèmes de 57 femmes, Le Castor Astral/Le Nouvel Athanor/Le Printemps des poètes 2010 (Couleur femme), mars 2010, pp. 98-99. Préface de Marie-Claire Bancquart.






    FLORENCE PAZZOTTU DANS L’HUMANITÉ DU 8 MARS 2010


         « [En 2007, Florence Trocmé avait pour le site de Poezibao lancé une enquête dont la première question était : « Pourquoi si peu de femmes poètes de grande stature ? » La question me semblait, avais-je dit, à la fois étrange et nécessaire.] Sans doute sont-ils moins nombreux aujourd’hui ceux qui affirment, comme Schopenhauer, que, “dénuée de tout esprit”, la femme est tout juste “bonne à la préservation de l’espèce” – même si cette pensée persiste, et revient, sous une forme certes édulcorée, d’une femme si occupée à procréer et à veiller sur son petit monde que la “création”, justement, ne pourrait être son affaire car elle ne verrait pas plus loin que la rondeur charnelle de son cercle terrestre. Sans doute serions-nous quelques-uns, hommes et femmes, à pouvoir partager une analyse radicalement différente  : ce n’est ni par carence de génie ni par absence d’une nécessité à inventer, mais pour des raisons historiques, sociologiques, politiques, que les grandes figures de l’art et de la science sont essentiellement des figures masculines. Il ne fait pour moi aucun doute que ceux qui, partant de ce constat, décident de donner alors, en ce printemps, la parole aux femmes poètes, sont animés des meilleures intentions, qu’ils sont convaincus sincèrement qu’il s’agit maintenant “d’affronter la question et de passer à l’action”. La difficulté, c’est que la question ici est mal posée, se manque dans sa formulation même. C’est que le poète Dominique Fourcade est une femme et que je suis un homme.

        C’est que la femme que je suis ne respire que dans la mixité. C’est que je revendique le droit pour chacun d’être étranger à soi-même. C’est que d’être ainsi sans cesse renvoyée à sa « féminité » [comme l’est aussi le banlieusard à sa banlieue, l’homosexuel à sa sexualité, le musulman à sa religion, etc…], la femme, surtout si elle est poétesse, bondit, fait un pas de côté et sent monter en elle le cri, l’élan d’une pensée qui ne peut s’écrire que contre – contre, ce qui dans la langue fige et assigne, contre la main qui se levant pour vous aider (car “il est scandaleux, n’est-ce pas, que vous n’ayez pas plus de place !”), vous montre dans le même geste quelle place est la vôtre : femme parmi les femmes en ce nouveau printemps. C’est qu’à vouloir partir d’un constat, on s’y enlise, et n’est pas long à faire retour ce dont on voulait exorciser la menace. (Comme si on avait soudain redonné consistance aux frontières que tant d’auteurs, de lecteurs, de lieux d’édition, patiemment, audacieusement, déplacent.) C’est que l’émancipation est ailleurs justement, dans l’ailleurs, dans le risque et dans le tremblement des espaces. Et ce “Couleur femme” semble soudain très vieux, immobile et rouillé, et il produit un petit grincement… – ah, ce doux murmure pourtant qu’il voulait être à votre oreille : “Femme”, n’entendez-vous pas ? c’est une tonalité particulière ! une variation sensible, délicate !… “Couleur femme” déploie devant vous, et vos yeux d’homme en sont tout émus, un panel de nuances, un miroitement d’images si délicieusement familières : ah ! que la femme est belle, exposée sur une scène ou charmant le public ! ah, que la femme est précieuse et, voyez, voyez comme elle est tranquille… quand on lui fait un peu de place…

        Mais nous ne manquerons pas d’explorer également les “représentations féminines” dans la poésie (des hommes). Ouf ! (C’est quand même sacrément bon de se retrouver chez soi, non ?) »




    _______________________________________________
    Note du webmestre de TdF : ces propos ont été repris dans une note du 12 avril 2010 de P/oésie (Blog d’Alain Freixe – La poésie et ses entours). Noter toutefois que certaines phrases (mises ici en caractères italiques et entre crochets), dont la première phrase concernant l’enquête de Poezibao, et une autre où il est souligné que la femme est « sans cesse renvoyée à sa « féminité « (comme l’est aussi le banlieusard à sa banlieue, l’homosexuel à sa sexualité, le musulman à sa religion, etc…) », ont été omises dans l’article de L’Humanité ou rajoutées dans la note de P/oésie.




    ■ Florence Pazzottu
    sur Terres de femmes

    À contre-pente
    Attendu qu’il arrive… (+ notice bio-bibliographique)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Florence Pazzottu



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur cinefinlande.com)
    un entretien avec Florence Pazzottu (20 juin 2011)



    Retour au répertoire du numéro d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Corse_3 Marie-Paule Lavezzi | Secret





    Il n-y a qu-un visage et il change sans cesse
    Ph., G.AdC





    SECRET


    L’obscure patience des abeilles
    entoure le poète
    qui entraîne la terre
    et passe lentement
    image floue sortie du rêve

    Il n’y a qu’un visage
    et il change sans cesse
    comme tous ces reflets
    où s’apaise la mer

    Secret perdu de la lumière
    le rouge-gorge mêle
    la fleur sauvage à ce mystère



    Marie-Paule Lavezzi, Le Projecteur obscur, Colonna Édition, Collection Poésie, 20167 Alata, 2007, page 38.




    ■ Marie-Paule Lavezzi
    sur Terres de femmes

    Petite anthologie poétique
    Les brodeuses



    Retour au répertoire du numéro d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Liliane Giraudon | Hier La Poète…



    INOPINE
    Image, G.AdC






    HIER LA POÈTE …



    Hier La Poète a pensé à
    Marseille. Marseille, la ville où
    elle dort. Elle se disait: « Tu dors
    près d’un continent liquide
    dont les berges sont solides et
    les populations nomades depuis
    au moins le paléolithique. » Elle
    trouvait ça plutôt réconfortant.

    Hier, en promenade, La Poète a
    cueilli du thym et photographié
    le crottin d’un cheval invisible.
    Sur le Ventoux au loin, calotte
    neigeuse. Une meringue dans
    l’air.

    […]

    Hier La Poète a perdu son
    blouson rouge et fait pleurer
    une femme voilée en lui parlant
    du comportement violent de
    son fils pendant le ramadan. La
    Poète ne voulait pas faire
    pleurer la mère mais le fils. Elle
    se disait que s’il était si violent
    c’est parce qu’il n’arrivait plus à
    pleurer.

    […]

    Hier elle a parlé de la poétesse
    vietnamienne Hô Xuân Huong.
    Son insolence. Dans son siècle.
    À sa place. Près du grand lac
    d’Hanoï. En plein XVIIIe siècle.
    Sa crudité sexuelle enfouie sous
    de simples objets (éventail,
    balançoire, fruit). Comment le
    fait qu’en vietnamien le verbe
    « traduire » signifie aussi
    « contaminer ». Ça n’intéressait
    pas plus le public que la fois
    précédente.

    […]

    Hier La Poète a vu sur le
    trottoir de l’urine fumer.
    L’urine dessinait l’image exacte
    de la botte italienne. Il était six
    heures quarante-cinq et la nuit
    était brumeuse malgré le froid
    sec. La Poète a ressenti un
    curieux sentiment de bonheur.
    Le simple fait d’exister.

    […]

    Hier elle a bu un thé superbe
    appelé « Baïkal ».

    […]

    Hier rêvé un petit dialogue:
    « Moi si j’avais pu choisir mon
    nom, j’aurais dit Carence. Pas
    Clarence, non, Carence. »
    « Bonjour Carence. Moi c’est
    Inopinée. »

    […]




    Liliane Giraudon, La Poétesse, Homobiographie, P.O.L, 2009, pp. 19-20-22-23.





    Liliane Giraudon  La Poétesse





    LILIANE GIRAUDON


    Liliane Giraudon





    ■ Liliane Giraudon
    sur Terres de femmes


    La Poétesse (lecture de Jos Roy)
    Le Travail de la viande (lecture d’AP)
    Oreste pesticide (extrait du Travail de la viande)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du cipM)
    une notice bio-bibliographique sur Liliane Giraudon



    Retour au répertoire du numéro d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Laurence Verrey | Nous changeons à tout moment de lumière



    Guidu Verrey
    Ph., G.AdC






    Nous  changeons  à  tout  moment  de  lumière
                  nous     cueillons    l’herbe     provisoire

    tandis que glissent sans mot dire
                            perpétuels
    la peine        le silence       et la mort
                sur le front des roseaux

    tandis que persistent
    d’infranchissables murs de langage

    douze verbes palpitent dans des ciels encore cachés
    et c’est le verbe naître qui le premier tressaille
                sur nos lèvres

    Il se lève au travers des noirceurs de soulevantes
    clairières voisines du cœur

    La parole comme le battant d’une cloche
    maintient l’état d’alerte



    Laurence Verrey, Vous nommerez le jour, Samizdat, Genève, 2005, page 34.





        LAURENCE VERREY



         Laurence Verrey
        Source


        ■ Laurence Verrey
        sur Terres de femmes

    Le Grand Prix Schiller 2010 remis à Philippe Jaccottet (chronique)
    Ton pas déjà me quitte
    Vous nommerez le jour (note de lecture d’Annette Luciani)



        ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Laurence Verrey
    → (sur le Cultur@ctif Suisse)
    une page auteur consacrée à Laurence Verrey
    → (sur le Cultur@ctif Suisse)
    d’autres extraits de Vous nommerez le jour de Laurence Verrey
    → (sur le site du Scriptorium de Marseille) un extrait d’Une brève transe de cailloux, précédé d’une note de présentation de Dominique Sorrente




    Retour au répertoire du numéro d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Marta Canfield | Pantelleria



    Pantelleria 2






    PANTELLERIA


    Era la terra in mezzo ai mari
    un circolo imperfetto
    di poche montagne e di altipiani
    profonde valli strette
    senza spiagge con golfi di scogliere
    e con archi di pietra
    fra le pietre notturne
    del principio vulcanico.

    C’erano stati il fuoco e l’eruzione sotto il mare
    il portentoso muggire del toro
    avvinghiato nel centro di un’insolita stella
    senza luce
    la luce nel suo grembo marino
    teso e pregno
    gemendo nel partorire una cuspide intera
    di tormentate rocce
    senza fiumi o sorgenti
    senza spiagge né coste
    di dolcezza
    montagna senza pace
    la valle stretta
    e quegli archi di pietra
    sul mare dell’origine.

    Poiché ancor prima dell’eversione
    c’era stata la calma millenaria
    sommersa appagata
    nel sonno privo d’aria
    nel silenzio profondo scrupoloso
    dell’Angelo piegato
    la testa nascosta fra le ali
    a doppio paio
    a doppio bianco sconfinato
    in così lunga attesa
    in tanta mestizia persistente.


    Marta Canfield, Nero cuore dell’ alba, Multimedia Edizioni, Salerno, 1998, in Semicerchio, Rivista di poesia comparata, XL, 2009, p. 29.






    PANTELLERIA


    Au milieu des mers était la terre
    cercle imparfait
    de peu de monts et de plateaux
    étroites vallées profondes
    aucune plage mais des criques à falaises
    et des arches de pierre
    entre les pierres nocturnes
    à l’aube volcanique.

    Sous la mer il y avait eu le feu et l’éruption
    le prodigieux mugissement du taureau
    pris au centre d’une étoile insolite
    sans lueur
    le clair dans le ventre marin
    tendu et gravide
    plaintes d’enfanter un pic entier
    de rochers tourmentés
    sans fleuves ni sources
    sans plages ni côtes
    amicales
    montagne sans paix
    vallée étroite
    et ces arches de pierre
    sur la mer originelle.

    Puisque bien avant la subversion
    il y avait le calme millénaire
    submergé satisfait
    dans un sommeil privé d’air
    dans le silence profond et scrupuleux
    de l’Ange ramassé,
    tête cachée dans ses ailes,
    à double paire
    à double blanc infini
    dans une si longue attente
    dans une si persistante mélancolie.


    Marta Canfield, in Semicerchio, rivista di poesia comparata, XL, « Lettere sulle mura/Bigongiari e la Francia », 2009, p. 29. Traduction d’Olivier Bastide.

    Retour au répertoire d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)



    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Tzveta Sofronieva | Encore un de ces mots interdits



    Portrait de Tzveta Sofronieva
    Image, G.AdC







    ENCORE UN DE CES MOTS INTERDITS


    Si tu n’étais pas un ange je t’aurais aimé
    J’aurais avalé ton corps, exploré le moindre recoin de la terre
    Si tu avais un corps, alors tu serais beaucoup trop près,
    Tu ne serais pas un ange.
    L’oxygène brûle
    Tu te brûles toi-même avec l’azote qui ne brûle pas
    Les anges brûlent
    Tu es brûlé par des êtres qui ne brûlent pas
    Le pathos est en effet démodé
    Le pathos et les anges s’accordent bien
    Si tu n’étais pas un ange je t’aurais aimé rageusement
    Comme les femmes aiment les hommes qui ne sont pas des anges
    Les femmes agissent ainsi et recommenceront encore et encore.
    L’azote liquide est toujours un défi
    En fait, il est immatériel, il a des rides, se blesse,
    Devient brouillard, devient vapeur, devient noir, va suffoquer
    Languissant.
    Ne disparaît pas.

    Traduit par Sylvestre Clancier et Rufo Quintavalle
    Janvier 2007





    Le pathos et les anges s-accordent bien
    Triptyque photographique, G.AdC






    NOCH EINES DER VERBOTENEN WORTE


    Wenn du nicht ein engel wärest hätte ich dich geliebt
    deinen körper verschluckt millimetergenau die erde erkundet
    wenn du einen körper hättest
    zu nahe wärest du mir dann du wärest kein engel
    sauerstoff brennt
    man verbrennt sich an stickstoff der nicht brennt
    engel brennen
    man verbrennt sich an menschen die nicht brennen
    pathos ist tatsächlich etwas altmodisches
    pathos und engel passsen gut zusammen
    wenn du kein engel wärest hätte ich dich geliebt
    agressiv wie frauen männer lieben die keine engel sind
    das tun die frauen und sie tun es wieder und wieder
    flüssiger stickstoff ist immer eine zumutung
    er ist nämlich kein stoff hat falten tut weh
    wird nebel wird dunst wird finster wird ersticken
    sehnsucht
    verschwinde nicht


    original poem in German, Berlin, 1999
    first published in: Tzveta Sofronieva, Verbotene Worte : eine Anthologie, Biblion-Verlag, München, 2005.
    © Tzveta Sofronieva




    Още една остаряла дума


    ако не беше ангел, щях да те обичам,
    погълнала те да проуча земята до милиметър,
    ако имаше тяло,
    преблизко щеше да си ми тогава, нямаше да си ангел,
    кислородът гори,
    човек се изгаря от азот, който не гори,
    ангелите горят,
    човек се изгаря от хора, които не горят,
    патосът е наистина нещо старомодно,
    патос и ангели си отиват добре взаимно,
    ако не беше ангел, щях да те обичам,
    агресивно, както жените обичат мъжете не-ангели,
    отново, и отново,
    течният азот е предизвикателство,
    не е въздух, има гънки, боли,
    става пàра, мъгла, притъмяване, задух,
    копнеж,
    остани.


    author’s version in Bulgarian, published in: Tzveta Sofronieva, Раз-познавания, Plovdiv, Zhanet45, 2006.
    © Tzveta Sofronieva





    ANOTHER ONE OF THOSE FORBIDDEN WORDS


    Another one of those forbidden words
    if you weren’t an angel i would have loved you
    would swallow your body and explore every corner of the earth
    if you had a body
    then you would be much too close you wouldn’t be an angel
    oxygen burns
    you burn yourself with nitrogen which doesn’t burn
    angels burn
    you get burnt by people who don’t burn
    pathos is indeed old-fashioned
    pathos and angels fit well together
    if you weren’t an angel I’d have loved you
    aggressively in the way women love men who aren’t angels
    women do that and they do it over and over again
    liquid nitrogen is always a challenge
    in fact it isn’t material has wrinkles hurts
    becomes fog becomes vapor becomes dark will suffocate
    yearning
    don’t disappear


    Translation from German by Zaia Alexander




    TZVETA SOFRONIEVA


    Tzveta Sofronieva en noir et blanc
    Source



         Tzveta Sofronieva est née à Sofia en 1963. Elle a fait des études de physique et d’histoire des sciences et obtenu un doctorat en Études culturelles. Contrainte de quitter la Bulgarie, elle a vécu aux États-Unis puis s’est installée à Berlin, où elle vit actuellement. Elle a écrit ses premiers poèmes en bulgare. C’est seulement à l’âge de vingt-huit ans qu’elle a commencé d’écrire en allemand et même en anglais. Sa rencontre avec la langue allemande n’est pas une rupture avec la langue maternelle. Son allemand d’adoption lui a permis au contraire de redécouvrir le bulgare, enrichie qu’elle était de son expérience interculturelle.
        Portée par une sensibilité à fleur de peau, Tzveta Sofronieva explore et met à nu nos ambigüités, nos attentes, nos espoirs les plus secrets. Sa poésie, nourrie par Rilke, Schopenhauer ou Comenius…, est une poésie lucide, ancrée souvent dans le quotidien. Y couve la passion d’un questionnement poursuivi envers et contre tout, entre la richesse de sa position au carrefour des cultures et la blessure de l’exil.
        Elle a été récompensée en 2009 par le Prix Adalbert Von Chamisso.
        Elle est l’auteur de plusieurs recueils poétiques comme Chicago Blues (anglais et bulgare), Sofia, SPO, 1992 ; Gefangen im Licht (allemand et bulgare), Marburg an der Lahn, Biblion, 1999. Certains de ses récits écrits en allemand ont été publiés dans les anthologies Feuer, Lebenslust! (Klett-Cotta, 2003) et Mein heimliches Auge 19 & 20 (Konkurs, 2004 & 2005). Elle a créé le réseau « Verbotene Worte » (Mots interdits) dont elle a publié une anthologie.
        Son dernier livre, Eine Hand voll Wassser, poésie, a paru en 2008 (Aschersleben, Verlag Un Art Ig).
        Un des textes qu’elle a écrits sur la situation en Bulgarie et sur les expulsions de 1989 est actuellement en ligne sur le site d’Arte.



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Écrivains de Bulgarie) d’autres poèmes de Tzveta Sofronieva, extraits du recueil Re-connaissances (Раз-познавания, Gedichte, Plovdiv, Zhanet45, 2006), traduits par Jean Portante et Marie Vrinat
    le site de Tzveta Sofronieva
    → (sur lyrikwelt)
    une autre bio-bibliographie


    Retour au répertoire d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Judith Chavanne | Une goutte de vie



    UNE GOUTTE DE VIEL--treinte- la lumi-re- et le dessaisissement.



    Notre lieu désormais est,
    comme les oiseaux juchés, à l’équilibre ;
    eux sur la branche, nous sur l’arête
    d’un partage aléatoire et fragile.

    Pour un éclat des lampes, des lueurs dans la nuit,
    nous nous sommes ensemble exclamés ;
    l’étreinte fut de nos voix, elle eut
    la durée d’une inflexion.

    Rien des grands embrassements
    — quand nous nous serrions, ou l’enfant,
    désirant la durée —, un pur instant accentué.

    L’étreinte, la lumière, et le dessaisissement.


    Judith Chavanne, in Thαumα, Revue de philosophie et poésie, « Oiseaux », n° 6, La Compagnie des Argonautes, 1er trimestre 2010, page 27.





    JUDITH CHAVANNE


    ■ Judith Chavanne
    sur Terres de femmes


    L’enfant était à venir
    Un rire quelque part


    Voir aussi ▼
    → (sur Terres de femmes) « Oiseaux », Thαumα, Revue de philosophie et poésie (lecture de Tristan Hordé)
    → (sur Poezibao)
    une fiche bio-bibliographique


    Retour au répertoire d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Hélène Mohone | Le père à la main de fille


    Le mot de p-re pr-c-dant toujours celui de fille
    Source






    LE PÈRE À LA MAIN DE FILLE


    le pas du père papa à la main de fille nue corps idéal pas touché caressé ni blessure de marche aux pieds qui accompagnent Œdipe à la main d’Antigone le mot de père précédant toujours celui de fille refermant à la suite le corps de fille jointures et plis comme un calice un breuvage d’herbes et de lait bu d’un trait lait de petite au souvenir de grande puissance paternelle joue contre puissante figure cheminant entre danse et chant fille tenue lointaine dans l’accompagnement jamais n’ouvrant l’espace déjà soumis à l’œil fermé fermant toujours derrière ce qui s’enfuit l’odeur du pas du père



    Hélène Mohone, Le Cœur cannibale, William Blake & Co. Edit, 2003, s.f.









    Note d’AP : Hélène Mohone est morte le 3 avril 2008, des suites d’une longue maladie.





    ■ Hélène Mohone
    sur Terres de femmes

    Le Cœur cannibale
    Psaume (poème extrait du Cœur cannibale)
    Son nom d’Ishmaël dans l’Afrique déserte (note de lecture sur L’Enfant africaine, Corpus triste)
    En creux sur (poème écrit à la mémoire d’Hélène Mohone)


    ■ Voir aussi ▼

    → le
    site de Hélène Mohone
    → (sur le site de la revue Le Passant ordinaire) plusieurs articles d’
    Hélène Mohone


    Retour au répertoire d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Patrick Beurard-Valdoye | Au séjour de ce rêve


    Faire appel - un messager
    Ph., G.AdC






    AU SÉJOUR DE CE RÊVE





    4 .


    au séjour de ce rêve où
    le fleuve est femme jusqu’au nom
    ≈ et l’île le clitoris du paysage ≈
    se pliant au mont en une courbe sensuelle
    il était d’usage lors de débordements
    de faire appel à un messager

    de son côté il écrit pour inviter
    son image il compose l’inventation

    les mots aphrodisés au fur donnent forme
    au vent chuchotant
    au frisson pénétrant
    alors que le messager fait fausse route

    s’il est venu à elle par l’appel
    d’Aphrodite et ses vers inouïs
    c’est de ≈ et par ≈ leur feu
    qu’il doit lui parler
    façonnés dans l’élégance de pure perle

    pour avoir resserré ses écluses
    elle dicte à demi-mot désormais
    d’étranges termes insérés
    au chant de crue des sens

    la ressource n’est plus d’eau
    mais du feu qui court
    il se consume sans langue
    se fond en elle :
    Aphrodite est le messager
    et lui le scripte de ses dictées

    c’est le temps où la rivière
    aussi nommée fontaine
    rit aux abords de ses pertes

    soleil inconsolable
    lequel de ces deux feux peut
    le mieux endurer
    lequel est refuge ou source de l’autrE


    Patrick Beurard-Valdoye, Le Messager d’Aphrodite, Obsidiane, 2009, pp. 19-20.




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    Le Messager d’Aphrodite, de Patrick Beurard-Valdoye (une lecture d’Isabelle Baladine Howald)

    Retour au répertoire d’avril 2010
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes