Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Fabio Pusterla | Au-delà des vagues

    «  Poésie d’un jour  »



    Pusterla 1
    Ph. angèlepaoli





    OLTRE LE ONDE


    a Nina



    La bambina che è andata oltre le onde
    quando si volta non vede più terra, solo onde
    alte più alte di lei che la separano
    da quello che ha lasciato sulla riva.

    E non c’è azzurro, rosa,
    non c’è più cielo o acqua: luce pura
    che stempera ogni schianto in una schiuma
    d’abbaglio o dentro un’ala
    larga come un oceano
    sanguinosa.

    È la sua vita
    che le appare improvvisa dentro il vortice,
    perdifiato e spavento
    nella gola.

    Né padre, ora, né madre, e niente casa.
    Mare estremo dentro il sole.


    Fabio Pusterla, Corpo stellare, III, Milano, Marcos y Marcos, 2010, pagina 111.






    AU-DELÀ DES VAGUES


    à Nina


    La petite fille qui est allée au-delà des vagues
    quand elle se retourne ne voit plus la terre, seulement les hautes vagues
    plus hautes qu’elle et qui la séparent
    de ce qu’elle a laissé sur la rive.

    Et il n’y a plus de bleu ni de rose,
    il n’y a plus de ciel ou d’eau : la lumière pure
    dilue chaque vague qui se brise dans l’éblouissement
    de l’écume ou dans une aile
    large comme un océan
    sanglant.

    C’est sa vie
    qui dans le tourbillon lui apparaît à l’improviste
    perte de souffle et frayeur
    dans la gorge.

    Ni père, désormais, ni mère, et aucune maison.
    La mer dernière dans le soleil.


    Fabio Pusterla, Ultimes paysages, édition bilingue, L’Arrière-Pays, 2009, pp. 16-17. Traduit de l’italien par Éric Dazzan.





    FABIO PUSTERLA

    Pusterla_1
    Source


    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Caparìca
    Due rive
    Entre-deux
    Esquisse en poudre de gypse, 6
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de culturactif.ch)
    une bio-bibliographie très complète de Fabio Pusterla




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  • Giovanni Dettori | Nostos II

    «  Poésie d’un jour  »



    migrazioni destini le isole emersero dal mare per essere abbandonate alle derive
    Ph., G.AdC






    NOSTOS II.


    …migrazioni destini
    le isole emersero dal mare
    per essere abbandonate alle derive…

                                        non ha bisogno di stelle
    il naufragare della notte
    alla marèa oscuro
    che mai raccolse nel palmo della mano
    code di comete
                                        e chi domandò mai dove
    o se mai avessero brillato
    altro che in sogno
    luoghi che mai più saranno verdi
    nomi
    che mai più avranno suono
    muta eco…

    migrazioni
                            destini
    bestie stivate sotto ponti di sale
    amare mare
    volti senza sguardo
    occhi senza volto
    anime a nudo coniugando
    cartone e spago

                   radice
    lacerata dove avrai sosta
    pesce uccello suicida
    fino a quando
    albero spoglio
    troverai ombra alla pena
    per quali scale di
    sale e corsìe
    attenderai il ritorno di morti senza nome
    decifrando il silenzio e l’ora
    oroscopi sventura
                                        agli equinozi ai soltizi
    ho conosciuto il sale di ogni ponte
    il sospiro e l’urlo
    la pazienza e il coltello
    ho conosciuto
    vapori di nebbia e fiumi che trascinano

    la bestia selvatica
    non calpesta più questi luoghi
    l’uccello non li vola
    poi ché la pietra di ogni stanza è pena
    questi luoghi
                               l’uccello non li vola…






    il n'a pas besoin d'étoiles le naufrage de la nuit à marée noire
    Ph., G.AdC





    NOSTOS II.


    …migrations destins
    les îles émergèrent de la mer
    pour être abandonnées à la dérive…

                                       il n’a pas besoin d’étoiles
    le naufrage de la nuit
    à marée noire
    qui ne recueillit jamais la queue d’une comète
    au creux de sa main
                                        et qui ne demanda jamais
    ni s’ils avaient brillé ailleurs qu’en rêve
    ni où ils étaient
    les lieux qui plus jamais ne seront verts
    les noms
    qui plus jamais n’auront un son
    écho muet…

    migrations
                            destins
    bétail arrimé sous des ponts de sel
    amertume de la mer
    visages sans regard
    yeux sans visage
    âmes à nu conjuguant
    cartons et ficelles

                      racines
    arrachées où feras-tu halte
    poisson oiseau suicidé
    jusqu’à quand
    arbre nu
    trouveras-tu une ombre pour la peine
    sur quels escaliers
    dans quelles salles ou coursives
    attendras-tu le retour des morts sans nom
    déchiffrant le silence de l’heure
    horoscopes d’infortune
                                                       aux équinoxes aux solstices
    j’ai connu le sel de tous les ponts
    les soupirs et les cris
    la patience et l’arme blanche
    j’ai connu
    les vapeurs du brouillard et les fleuves qui traînent

    l’animal sauvage
    ne foule plus ces lieux
    l’oiseau ne les traverse plus
    puisque la pierre de chaque pièce est peine
    ces lieux
                         l’oiseau ne les traverse plus…



    Giovanni Dettori, A varia luna errando, Au gré des lunes errant, Anthologie personnelle 1986-2004, Poésie bilingue italien/français, Éditions La Passe du Vent, 2005, pp. 50-51-52-53. Traduit de l’italien par Marc Porcu.





         Giovanni Dettori est né à Bitti (Sardaigne) en 1936. D’abord enseignant, puis directeur de la bibliothèque universitaire de la faculté des sciences politiques et sociales de Turin, Giovanni Dettori a collaboré à de nombreuses revues littéraires. Traducteur, il est aussi poète. Il a publié Canto per un capro : Ipotesi su Birkitt (La Salamandra, Milano,1986), Amarante (Il Maestrale, Nuoro, 1993), prix national Giuseppe Dessi. Giovanni Dettori a été découvert en France au festival de poésie de Lodève, « Voix de la Méditerranée ». Il a participé à l’anthologie poétique L’Heure injuste (éditions La Passe du Vent, 2005) qui réunit les textes de vingt-et-un poètes contemporains.




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  • Vangelis Kassos | Erysichton

    «  Poésie d’un jour  »



    MARQUE PAGE ERYSICHTON
    Image, G.AdC







    EPYΣIXΘΩN



    πού єίναι το χώμα;
    πού єίναι το χάδι;
    γєύση από πέτρα
    μovάχα χύvεται
    μες στην ψυχή
    ω Δήμητρα
    εγώ πεινώ για εαυτό
    στάχυ σφοδρό σαν ξύπνημα
    και συ με ρίχνεις
    στο κορμί
    ψίχουλο που περίσσεψε
    από της γης
    το φτωχικό τραπέζι
    ακούω σύγκορμος
    τα γοερά σου αισθήματα
    σε κυρίεψε η ζωή
    σε θόλωσε ο θάνατος
    πίσω από την ύπαρξη στέκεις
    καθώς ο φοβισμένος
    πίσω από του σπιτιού του το κατώφλι
    άφησέ με να βγω
    απ’αυτήν την άπορη γεύση
    ρίξε απάνω μου αλύπητη πείνα
    να καταπιώ σα χείμαρρος
    την αυθαίρετη ξωή μου







    ERYSICHTON


    où est la terre ?
    où est la caresse ?
    seul un goût de pierre
    emplit
    mon âme
    ô Déméter
    la faim s’empare de moi
    épi rude comme un éveil
    et toi tu me jettes
    au corps
    comme une miette tombée
    de la table modeste
    du monde
    j’écoute de tout mon corps
    tes sentiments plaintifs
    la vie t’a envahie
    la mort t’a bouleversée
    tu te tiens en retrait de l’existence
    comme quelqu’un d’apeuré
    derrière le seuil de sa maison
    laisse-moi sortir
    de ce goût insoluble
    jette sur moi une faim impitoyable
    que j’engloutisse comme un torrent
    ma vie arbitraire




    Vangelis Kassos, Αδιαπέραστο Φως/Lumière impénétrable [Ίνδικτος, Athènes, 1998], L’Oreille du Loup, 2009, pp. 52-53. Traduction du grec par Ioannis Dimitriadis.




    _______________________________________
    NOTE DE L’ÉDITEUR ET DU TRADUCTEUR

    ERYSICHTON

         Selon le mythe, Erysichton était fils de Triopas, roi de Thessalie. Pour avoir abattu les arbres sacrés du bosquet de Déméter, il fut condamné par la déesse à une faim insatiable qui l’amena à dévorer son propre corps.
         la faim s’empare de moi : phrase de Nietzsche tirée de Ainsi parlait Zarathoustra.
         et toi tu me jettes / au corps / comme une miette tombée / de la table modeste / du monde : à l’origine de ces vers se trouve la phrase de saint Jean de la Croix : « Nous apprenons que tous les êtres sur terre sont des « miettes » tombées de la table divine ».





    VANGELIS KASSOS


    Vangelis Kassos
    Source



         Vangelis Kassos est né en 1956 à Karditsa (Grèce) et vit à Athènes. Figure majeure de la poésie grecque contemporaine, il a publié plusieurs livres de poèmes  : Petites Daines (Μικρές Δορκάδες), 1979 ; Voluptés nocturnes d’un immigré (Η νυχτερινή ηδυπάθεια ενός μετανάστη), 1981 ; Au pied du silence (Στα ριζά της σιωπής), 1984 ; L’expérience de la mort (Η πείρα του θανάτου), 1989 ; Lumière Impénétrable (Αδιαπέραστο φως), 1998 ; ainsi que des essais sur la poésie comme L’Étouffement du regard ou L’Interminable Fin. Il a par ailleurs traduit en grec des œuvres d’Ezra Pound et de Paul Valéry, ainsi qu’Aurélia de Nerval.



    ■ Vangelis Kassos
    sur Terres de femmes

    Les pieds de l’amertume (un autre poème extrait du même recueil)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur ainigma.net)
    Cent poèmes (Εκατό ποιήματα), de Vangelis Kassos, traduits en français par Ioannis Dimitriadis (Athènes, novembre 2012)






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  • Danielle Fournier | ton prénom

    «  Poésie d’un jour  »


    Les lettres je n'en omets aucune
    Ph., G.AdC







    ton prénom je le       trace
    le grave encore

    les lettres je n’en omets aucune

    le froid s’empare des dents
    quelque chose peut survenir
    à tout moment

    ne peux affirmer si je m’enfonce ou si je suis engloutie
    sur des mots effacés
    je risque l’avenir de la mer

    inquiétée




    Danielle Fournier, Je reconnais la patience de l’arbre, Tarabuste Éditeur, 2008, page 12.





    DANIELLE FOURNIER


    Danielle_fournier
    Ph. © Josée Lambert
    Source




    ■ Danielle Fournier
    sur Terres de femmes

    Le chaos des flammes
    toi
    Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris (extrait)
    Danielle Fournier | Luce Guilbaud [Dis-moi plutôt ce qui nous réunit](autre extrait d’Iris)
    Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris (note de lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pas de mots dans les mots
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un Portrait de Danielle Fournier (+ un poème extrait du recueil Il n’y a rien d’intact dans ma chair)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois) une
    notice bio-bibliographique sur Danielle Fournier
    → (sur Voix d’ici, répertoire audio de la poésie québécoise)
    deux extraits du recueil Il n’y a rien d’intact dans ma chair, dits par Danielle Fournier
    → (sur remue.net)
    Rencontre avec Danielle Fournier (soirée enregistrée le 4 décembre 2012 à la Mairie du 2e arrondissement, Paris)






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  • Seyhmus Dagtekin | Je voudrais

    «  Poésie d’un jour  »



    Je voudrais te voir par tous les moyens de la vision Je voudrais que l-int-rieur commence par toi
    Ph., G.AdC







    JE VOUDRAIS



    Je voudrais qu’on rêve ensemble
    Qu’on se réveille ensemble
    Je voudrais qu’on attrape d’une même main
    Qu’on entende d’une même oreille
    Je voudrais te saluer de près
    Ne jamais te perdre de loin
    Je voudrais te voir par tous les moyens de la vision
    Je voudrais que l’intérieur commence par toi
    Que l’extérieur ne soit que toi
    Je te voudrais dans la volonté et dans ce qui la dépasse
    /
    Je me voudrais ce qui court vers toi
    Ce qui s’anéantit et retrouve vie en toi
    Sans que tu ne diminues en rien
    Je me voudrais ailes déployées
    Corps qu’aucune aile ne peut porter
    Je te voudrais destination de toute lettre
    Source de tout mot
    Je te voudrais champ et chambre
    Terre et arbre, iris et son regard
    Comme si ta vie était l’envers de la mienne
    Et qu’elle serait balayée par le même souffle



    Seyhmus Dagtekin, Au fond de ma barque, le dé bleu/L’idée bleue, 2008, page 88.






    SEYHMUS DAGTEKIN


    Seyhmus Dagtekin
    Source




    ■ Seyhmus Dagtekin
    sur Terres de femmes

    Rêves légers, nuit claire (poème extrait d’Élégies pour ma mère)
    [Te voici entre routes et sables] (poème extrait de Juste un pont, sans feu)
    [Ville se déguisera] (poème extrait de Dès que mon pied touche l’eau)



    ■ Voir aussi ▼

    le site officiel de Seyhmus Dagtekin
    → (sur Terre à ciel)
    un Entretien de Cécile Guivarch avec Seyhmus Dagtekin (juin 2009)






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  • Hyam Schoucair Yared | J’accepte mon visage

    «  Poésie d’un jour  »



    Et tout ce braille en nous coulé dans le béton. Ce ne sont pas nos<br />
ombres c’est le mur qui avance. » title= »Et tout ce braille en nous coulé dans le béton. Ce ne sont pas nos ombres c’est le mur qui avance. » src= »https://terresdefemmes.blogs.com/.a/6a00d8345167db69e2011570d284c8970c-250wi » /></a><br />
<SMALL><em><a href=Ph., G.AdC





    J’ACCEPTE MON VISAGE



         Notre couche est étroite pour nos deux
    nudités. C’est le trottoir
         que tu enlaces avec le bruit des autres.
    Et tout ce braille en nous
         coulé dans le béton. Ce ne sont pas nos
    ombres c’est le mur qui avance.
         À midi tu me perds et me trouves dans
    la pierre. Tu me rapportes un geste
         de la mémoire des murs. Je n’ai pas
    reconnu ma porte et ma tombe.
         L’univers — ce mot de plus dans le sang.
    Tu m’étrangles. Ma gorge
         — sépulcre de ton feu. Mutile-moi de ta
    verge. J’accepte mon visage



    Hyam Schoucair Yared, Naître si mourir, Écrits des Forges/le dé bleu/L’Idée bleue, 2008, page 16.







    Yared
    Image, G.AdC





         Hyam Schoucair Yared vit à Beyrouth (Liban) où elle est née le 7 octobre 1975. Avec trois livres de poésie (dont Reflets de lune, Dar An-Nahar, Beyrouth, 2001. Médaille d’or aux IVes Jeux de la Francophonie, Québec, 2001 et Blessures de l’eau, id., 2004), un long poème à quatre mains sous forme de dialogue (écrit avec le poète portugais Casimiro de Brito) Sur une île, et deux romans (L’Armoire des ombres, Sabine Wespieser, 2007. Bourse Del Duca et Prix France-Liban 2007 ; Sous la tonnelle, Sabine Wespieser, 2009), Hyam Yared déploie une voix forte et singulière, tant par les thèmes qui traversent son œuvre (la condition de la femme, l’âpreté du désir…) que dans l’écriture, travaillée avec lucidité, fraîcheur et naturel. Secrétaire du PEN (Liban), Hyam Yared s’attache à défendre les écrivains incarcérés et la liberté d’expression de la presse.




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  • Alda Merini | Après tout même toi/Dopo tutto anche tu

    «  Poésie d’un jour  »


    L’uomo quando imprigiona
    le bellezze della natura
    ed anche il volo degli uccelli,
    a volte, non lo fa per cattiveria.
    Io sono convinta che
    l’uomo quando si stupisce
    delle alte qualità di Dio e della natura
    può anche diventare un assassino.






    Le_bellezze_della_natura
    Ph., G.AdC





    Quand l’homme emprisonne
    les beautés de la nature
    et aussi le vol des oiseaux,
    parfois, il ne le fait pas par méchanceté.
    Je suis convaincue que
    quand l’homme s’étonne
    des hautes qualités de Dieu et de la nature
    il peut aussi devenir un assassin.




    Alda Merini, Après tout même toi | Dopo tutto anche tu, Collection noire et rouge : “disait le poète disait l’ouvrier” dirigée par Dom Corrieras, Oxybia Ėditions, 2009, pp. 40-41. Traduction française de Patricia Dao.






    DOPO TUTTO ANCHE TU


    Dopo tutto anche tu
    che dovrei sentire nemico
    e che perdono.
    Sei soltanto un uomo
    che cerca di capire
    e di non capire nessuno.
    La tua generosità
    è falsa come la mia.
    Nessuno di noi
    è talmente buono
    da far sortir
    miracoli dai versi.
    Nessuno di noi
    è talmente puro
    da dimenticarli
    per sempre.






    Miracoli_dai_versi
    Ph., G.AdC





    APRÈS TOUT MÊME TOI


    Après tout même toi
    que je devrais sentir ennemi
    et que je pardonne.
    Tu es seulement un homme
    qui essaie de comprendre
    et de ne comprendre personne.
    Ta générosité
    est aussi fausse que la mienne.
    Aucun de nous
    n’est assez bon
    pour faire sortir
    les miracles des vers.
    Aucun de nous
    n’est assez pur
    pour les oublier
    à jamais.




    Alda Merini, Après tout même toi/Dopo tutto anche tu, id., pp. 60-61.






    Alda Merini dopo tutto 2






        Dopo tutto anche tu est un recueil de 34 poèmes dictés au téléphone par Alda Merini à Angelo Guarnieri. Psychiatre de la réforme Basaglia qui « mit fin à un siècle de tortures et de misères médicales », Angelo Guarnieri est aussi poète. Il a publié un ouvrage dans lequel sont rassemblés les poèmes écrits par les patients des services pour la santé mentale de Gênes : Parola smarrita, parola ritrovata (« Parole égarée, parole retrouvée »), poèmes dont la lecture a ému Alda Merini et a scellé leur amitié.
         Dopo tutto anche tu a été publié en 2003 par l’éditeur génois San Marco dei Giustiniani et traduit en espagnol, en 2007, par Delfina Muschietti aux éditions Vox, de Buenos Aires. Cet ouvrage, traduit en français par Patricia Dao, est le premier recueil d’Alda Merini publié en France. Il a été présenté à la MC93 de Bobigny le 17 juin 2009.

         « Alda Merini est une comète, un météorite qui n’aurait jamais atterri sur terre, mais l’aurait frôlée de si près, que les êtres sur cette terre en ressentiraient au fond d’eux-mêmes la douleur éternelle… » (Dom Corrieras).




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Danger Poésie)
    Après tout même moi, par André Chenet
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    Après tout même toi/Dopo tutto anche tu
    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur le site de la revue Conférence)
    Aphorismes & Gri gri d’Alda Merini







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  • Jacques Ancet | L’égarement

    «  Poésie d’un jour  »




    M-me lumi-re- m-mes couleurs- m-me faux bien--tre- m-me apparente transparence
    Ph., G.AdC





    L’ÉGAREMENT
    (EXTRAIT)



    Tout a poussé, tout me submerge. L’herbe tremble sous la lumière. Le chêne fomente son labyrinthe, le ciel tombe derrière les collines. La beauté me sort des yeux. J’en ai plein la bouche. Mais quand je l’ouvre, si peu en sort :

                               ― la… la…
                               ― Oui ?
                               ― le … le …
                               ― Oui ?

    Ma main fait un geste évasif. Dans mon dos, des images cathodiques. Nettes, reconnaissables. Je sombre dans la non-image.



    *


    À présent, je dis non

                               ― Vraiment ?
                               ― Vraiment.

    Non à ce oui où s’enlise le jour : même lumière, mêmes couleurs, même faux bien-être, même apparente transparence. Tout est là, trop à sa place pour être vrai. Chaque objet ― carafe, tasse, fauteuil ―, chaque chose ― montagne, chêne ― se referme sur sa propre suffisance. Plus rien ne circule qu’un petit air de déjà vu, déjà connu. Et quand je parle, même pipeau, mêmes crapauds, même voix toujours au bout du fil :

                               ― Allo oui ?
                               ― Alors non.
                               ― Non ?
                               ― Non.


    *


    Elle tend son pied, le regarde (bruit d’insectes et de mobylette). Son gros orteil pointe vers le ciel un peu gris de chaleur. (Des arbres, bien sûr, des herbes hautes, balancées).

                               ― Une patte, pas un pied.
                               ― Mais non.
                               ― Mais si.

    Son index s’approche, touche la peau rose. Des moteurs circulent, invisibles parmi bourdonnements et roulades. Entre mes yeux et les choses, un vide sans espace ― une sorte d’attente inquiète où je me je tiens, sans savoir où.

                               ― L’ailleurs est ici.
                               ― Et l’ici ailleurs ?
                               ― Non ici. Tout est ici.

    La montagne fume. Le vent tourne les pages du journal. Main posée sur le pied elle voit ce que je voudrais voir. Je regarde, je ne vois que mon ombre.



    *


    Un pas, un autre. Entre, l’élan qui me porte. L’ombre, la lumière, le blanc, le noir. Je marche, seul entre oui et non.



    Jacques Ancet, L’Égarement, in Revue Nu(e), n° 37 Jacques Ancet, numéro coordonné par Serge Martin, septembre 2007, pp. 24-25.




    JACQUES ANCET


    Jacques Ancet
    Source




    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes


    [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    Dans l’indéfini (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’identité obscure (extrait du chant 9 de L’Identité obscure)
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    Je reviens
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    On voit toujours (extrait de Puesto que él es este silencio)
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page Jacques Ancet
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet






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  • Mario Benedetti | Anthologie poétique

    «  Poésies d’un jour  »
    choisies par Nathalie Vuillemin




    Mario Benedetti
    Source






    AHÍ NOMÁS


    En el manso dolor que te perturba
    cuando asumes lejano cómo vibra o jadea
    la inocencia del otro

    en la desolación convertida en crisálida
    en el silencio lleno de palabras nonatas
    en el hueco de llanto inmerecido
    en tu ausencia de dioses
    en la asunción de tus mejores miedos
    en tus cenizas de utopía
    en tu fe de a pesar / de sin embargo

    ahí nomás
    precisamente ahí
    se oculta / resiste / permanece
    la caverna profunda / inexpugnable
    que algunos / unos pocos
    dicen que es la conciencia


    Mario Benedetti, El olvido está lleno de memoria (1995), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 456.





    JUSTE LÀ


    Dans la paisible douleur qui te perturbe
    quand tu saisis au loin comment vibre ou halète
    l’innocence de l’autre

    dans la désolation muée en chrysalide
    dans le silence plein de mots non-nés
    dans le creux des pleurs immérités
    dans ton absence de dieux
    dans l’acceptation de tes meilleures peurs
    dans tes cendres d’utopie
    dans ta foi de malgré / de toutefois

    juste là
    précisément là
    se cache / résiste / demeure
    la caverne profonde / inexpugnable
    que certains / quelques-uns
    disent être la conscience

    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    NO SÉ QUIÉN ES


    Es probable que venga de muy lejos
    no sé quién es ni a dónde se dirige
    es sólo una mujer que se muere de amor
    se le nota en sus pétalos de luna
    en su paciencia de algodón / en sus
    labios sin besos u otras cicatrices /
    en los ojos de oliva y penitencia

    esta mujer que se muere de amor
    y llora protegida por la lluvia
    sabe que no es amada ni en los sueños
    lleva en las manos sus caricias vírgenes
    que no encontraron piel donde posarse /
    y / como huye del tiempo / su lujuria
    se derrama en un cuenco de cenizas


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 244.





    JE NE SAIS QUI ELLE EST


    Il est probable qu’elle vienne de très loin
    je ne sais qui elle est ni où elle se dirige
    c’est seulement une femme qui se meurt d’amour
    on le remarque à ses pétales de lune
    à sa patience de coton / à ses
    lèvres sans baisers ou autres cicatrices
    à ses yeux d’olive et de pénitence

    cette femme qui se meurt d’amour
    et pleure protégée par la pluie
    sait qu’elle n’est pas même aimée dans les rêves /
    elle tient dans ses mains ses caresses vierges
    qui ne rencontrèrent aucune peau où se poser /
    et / comme elle fuit du temps / sa luxure
    se déverse en une terrine de cendres.


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    PAPEL MOJADO


    Con ríos
    con sangre
    con lluvia
    o rocío
    con semen
    con vino
    con nieve
    con llanto
    los poemas
    suelen
    ser
    papel mojado


    Mario Benedetti, La vida ese parentesis (1998), Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), p. 257.





    PAPIER MOUILLÉ


    par des fleuves
    par du sang
    par de la pluie
    ou de la rosée
    par du sperme
    par du vin
    par de la neige
    par des pleurs
    les poèmes
    ont coutume
    d’être
    du papier mouillé


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)





    RINCÓN DE HAIKUS
    (1999) (Extraits)


    1.
    si en el crepúscolo
    el sol era memoria
    ya no me acuerdo

    9.
    pasan misiles
    ahítos de barbarie
    globalizados

    11.
    las hojas secas
    son como el testamento
    de los castaños

    14.
    los sentimientos
    son inocentes como
    las armas blancas

    17.
    son manos locas
    de pianista o de herrero
    las que nos hablan

    19.
    los dos ladrones
    miraron a jesús
    y se miraron

    41.
    el exiliado
    se fue adaptando al tedio
    de la nostalgia

    43.
    la caracola
    me deja en el oído
    viejos pregones

    63.
    cuando anochece
    se estremecen los pinos
    y no es de frío

    76.
    por este puente
    transcurren ilusiones
    y contrabandos

    94.
    cuando uno viaja
    también viaja con uno
    el universo

    95.
    sólo el murciélago
    se entiende con el mundo
    pero al revés

    107.
    una campana
    tan sólo una campana
    se opone al viento

    122.
    nos van dejando
    sin árboles sin ubres
    sin fe sin ríos

    148.
    el árbol sabe
    de quién es cada paso
    de quién el hacha

    172.
    la poesía
    dice honduras que a veces
    la prosa calla

    188.
    sé de un ateo que en las noches rezaba
    pero en francés

    195.
    qué astuto el mar /
    si antes hubo sirenas
    quedan las colas

    201.
    cuántos semáforos
    para encontrar la senda
    del viejo crepúscolo

    219.
    llego alelado
    a este final de siglo
    qué encontraremos

    224.
    y aquí termino
    sin hacer sombra a nadie
    ni descuidarme


    Mario Benedetti, Inventario tres, Santillana Ediciones Generales, Mexico, 2005 (2004), pp. 153-197.





    LE COIN DES HAÏKUS


    1.
    si au crépuscule
    le soleil était mémoire
    déjà je ne m’en souviens plus

    9.
    des missiles passent
    rassasiés de barbarie
    globalisés

    11.
    les feuilles mortes
    sont comme le testament
    des marronniers

    14.
    les sentiments
    sont innocents comme
    les armes blanches

    17.
    ce sont des mains folles
    de pianiste ou de forgeron
    celles qui nous parlent

    19.
    les deux brigands
    regardèrent jésus
    puis se regardèrent

    41.
    l’exilé
    s’adapta à l’ennui
    de la nostalgie

    43.
    la conque
    me laisse dans l’oreille
    de vieux discours

    63.
    quand la nuit tombe
    et pas de froid

    76.
    par ce pont
    traversent des illusions
    et des contrebandiers

    94.
    quand on voyage
    voyage aussi avec nous
    l’univers

    95.
    seule la chauve-souris
    s’entend avec le monde
    mais à l’envers

    107.
    une cloche
    seule une cloche
    s’oppose au vent

    122.
    on nous laisse
    sans arbres sans nuages
    sans foi sans fleuves

    148.
    l’arbre sait
    de qui est chaque pas
    de qui la hache

    172.
    la poésie
    dit des profondeurs que parfois
    la prose tait

    188.
    je sais d’un athée
    qu’il priait la nuit
    mais en français

    195.
    quelle malicieuse, la mer /
    si autrefois il y eut des sirènes
    restent les queues

    201.
    combien de feux rouges
    pour rejoindre le sentier
    du vieux crépuscule

    219.
    j’arrive hébété
    à cette fin de siècle
    que rencontrerons-nous

    224.
    et je termine ici
    sans faire d’ombre à personne
    ni me négliger


    (traduction inédite de Nathalie Vuillemin, 2009)






    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
    (établie par Nathalie Vuillemin)


    Mario Benedetti est né à Paso de los Toros (Uruguay) le 14 septembre 1920. Après avoir pratiqué divers petits métiers, il s’engagea parallèlement dans une carrière d’écrivain et de journaliste. Son premier recueil de poèmes (La visepra indeleble) est publié en 1945. Depuis, Mario Benedetti a publié plus de cinquante ouvrages : romans, nouvelles, théâtre, essais, et surtout poésie. Ce dernier genre est, pour Benedetti, l’expression de la vie quotidienne, dans ses interrogations les plus intimes comme dans les événements les plus concrets. La poésie de Benedetti témoigne notamment de l’expérience de l’exil qu’il subit pour des raisons politiques entre 1973 et 1986.

    Nombre de textes poétiques de Benedetti sont destinés à la chanson ; des artistes tels que Daniel Viglietti, Nacha Guevara, Joan Manuel Serrat, entre autres, les ont mis en musique. Convaincu que la poésie pouvait être un art vivant, adressé à toutes les générations et à tous les individus, quel que soit leur degré de formation, Benedetti fut également un poète-acteur et présenta des lectures de ses textes à de nombreuses occasions, aussi bien en Amérique latine qu’en Europe. En 1992, Eliseo Subiela a réalisé, sur un scénario construit à partir de poèmes de Benedetti, le film El lado oscuro del corazón, dans lequel le poète fait une brève apparition.

    Mario Benedetti est décédé le dimanche 17 mai 2009 à Montevideo. Le même jour, selon ses vœux, est née la fondation Mario Benedetti ; son objectif est de réunir et publier l’ensemble de son œuvre inédite, ainsi que de soutenir le travail des jeunes poètes de langue espagnole.



    Quelques œuvres :

    La víspera indeleble, 1945 (poésie).
    Quién de nosotros, 1953 (roman).
    La Tregua, 1960 (roman, traduit en français sous le titre : La Trêve).
    Montevideanos, 1959 (nouvelles).
    Noción de patria, 1963 (poésie).
    Letras del continente mestizo, 1967 (essai).
    La casa y el ladrillo, 1977 (poésie).
    Cotidianas, 1979 (poésie).
    Viento del exilio, 1981 (poésie).
    Primavera con una esquina rota, 1982 (roman).
    Geografías, 1984 (nouvelles).
    Las soledades de Babel, 1991 (poésie).
    Perplejidades de fin de siglo, 1993 (poésie).
    El olvido está lleno de memoria, 1995 (poésie).
    Andamios, 1996 (roman).
    El porvenir de mi pasado, 2003 (nouvelles).
    Canciones del que no canta, 2006 (poésie).





    MARIO BENEDETTI


    T_bene_139
    Source



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site A media voz)
    quelques poèmes de Benedetti lus par l’auteur 
    → (sur le site 8 Méridiens & Parallèles 8, consacré à l’Amérique latine)
    plusieurs articles sur Mario Benedetti






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  • Renaud Ego | Le Pli

    «  Poésie d’un jour  »
    dédiée à Giacomo Cerrai, Imperfetta Ellisse





    Ce pli seul donn- au divers
    Ph., G.AdC






    LE PLI



    l’univers est dans le creux des yeux
    le vaste où le vide se dépose
    je dis vide faute d’un nom autre
    qui en serait l’idée et l’envers
    déplié mais aussi toute image
    puisque seuls à être sans reflet
    le vide et l’univers les contiennent
          abîme est au dedans ce dehors
    où la voix s’abaisse jusqu’au tu
    parle respire pour qui ne sait
    immense l’insu nous aère
    d’un intervalle où l’autre et le même
    étonnent leurs différences et re-
    naissent au dit du rien tendu de vaste
    par ce pli seul donné au divers



    Renaud Ego, La réalité n’a rien à voir, Le Castor Astral, 2006, page 42.





    RENAUD EGO




    ■ Renaud Ego
    sur Terres de femmes

    immigration zéro
    Les mots le savent d’ailleurs (+ notice bio-bibliographique sur Renaud Ego)
    « La naissance de l’art » [Georges Bataille]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Imperfetta Ellisse)
    Renaud Ego – Porte che danno sulla strada






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