Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Lucie Taïeb | Quel présent

    « Poésie d’un jour

    Pluie-

    Langoisse immense que je ressentais était celle de quelqu’un d’amputé et je ne le savais pas.

    *
    Hier, moi sous l’arbre, elle sur mes genoux, plumes de corneille, très brillantes, deux amies que nous observons.

    *
    Aujourd’hui, petite fille debout sur le tourniquet, mesurant ses pas, agile et prudente. Gendarmes en tête à queue qui cheminent. Odeur d’orage, averse très brève.

    *
    Pascal : « ce présent nous blesse. » Quel présent ? Quelle blessure ? « Il nous afflige. »

    *
    La vie est douce, et passée la brève amertume de ne pas y arriver, un courant se dessine, qui fait dériver nos corps sans même qu’on le suive. Tout se défait.

    *
    La compagnie des chèvres fut une tentation à laquelle je ne cédais pas. Mais chaque soir, les loups reviennent.
     
     
    LUCIE TAIEB
     
     
     
     

     

     

                  Lucie Taïeb, Quel présent, Inédits, (Extraits), 1ère de couverture : Gérard Traquandi, Encre, détail, 2009, Phoenix n°36 Lucie Taïeb, Cahiers littéraires internationaux, 2021, p. 47


    LUCIE TAÏEB


    LUCIE TAIEB © France culture

    ■ Lucie Taïeb sur Terres de femmes
    Lucie Taëb, Quel présent


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  • Miriam Van Hee | La cueillette des mûres

    title="«
    Ph G.AdC,


    de gieren






    daarboven op de rotsen
    zitten de gieren gezellig bijeen
    als werkloos geworden detectives
    zij wachten in hun kragen
    van bont, tussen hun schouders
    verzonken, waarop dan,
    en is het wel wachten ?

    en waarover praten zij met elkaar ?
    vast over het weer want
    het regent zachtjes

    hebben de gieren een jeugd,
    een geheugen ? hebben ze
    dromen ? zijn ze verlegen ?

    dat weten wij niet
    alleen dat ze wind
    liever hebben dan regen



    les vautours

    là-haut sur les rochers
    les vautours tiennent gentiment salon
    comme des détectives en chômage
    ils attendent dans leurs cols
    de fourrure, tête rentrée dans
    les épaules, mais quoi,
    et est-ce bien de l’attente ?

    et de quoi parlent-ils entre eux ?
    à coup sûr du temps car
    il pleut doucement

    les vautours ont-ils une enfance,
    une mémoire ? ont-ils
    des rêves ? Sont-ils timides ?

    nous n’en savons rien
    seulement qu’ils aiment
    mieux l vent que la pluie




    Miriam Van Hee, La cueillette des mûres, Édition bilingue, Traduit du neerlandais (Belgique) par Philippe Noble, Acrylique de couverture Chris De Becker, « Escales du Nord », Le Castor Astral, 2006.





    COUV VAN HEE 200






    MIRIAM VAN HEE


    Miriam van hee ok





    ■ Miriam Van Hee
    sur Terres de femmes
    Miriam Van Hee | La Cueillette des mûres


    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → sur le site du Printemps des poètes







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  • Cole Swensen | Poèmes à pied



    title=""Comment
    Ph G.AdC,








    Une promenade du 13 juillet

    Veille d’un grand jour de fête, tout est très animé, très bruyant, avec du monde absolument partout, certains littéralement dansent dans les rues — c’est vraiment très agréable. Je prends une rue particulièrement bondée, sans voiture — pas de place pour elles — mais dans laquelle un jeune couple tente de manœuvrer une poussette où est assise une petite fille très malheureuse, trois ans peut-être, qui pleure à chaudes larmes tout en étreignant un chat. Un chat très patient dont elle se frotte les yeux pour sécher ses larmes, puis pleure de plus belle, tandis que le chat la regarde droit devant lui.


    Sebald : Les Anneaux de Saturne

    De Southwold à Walberswick

    Comment passons-nous si doucement des obsèques du père de Joseph Conrad à une tyrannique impératrice chinoise puis aux nerfs torturés du pauvre Swinburne ?

    Seul le paysage peut accomplir cela ; quand le paysage est intériorisé, il transporte toute la diversité historique inscrite en lui. Il regardait par-delà les marais piétinés,

    et les armées — il y a toujours des armées — se mettent en route à pied bien sûr, au pas, et chaque fois qu’elles abordent au pont, elles doivent rompre la cadence

    par ce que , comme chacun sait, un rythme régulier brise les fibres, même celles de la pierre, et « toutes s’écroulent, en malachite, lapis-lazuli, en émeraude d’une

    nuance inouïe et en versants de conifères. Pour tout dire, depuis quelque temps déjà nous sommes allés d’excès en excès — le nombre de personnes emmenées en esclavage

    lors de « l’ouverture » du Congo n’étant dépassé que par celui des plus beaux chevaux alignés dans les écuries de Kubilaï Khan. En bref, le chemin de Southwold à Walberswick

    serpente au travers d’un bon gros morceau d’Asie avant de brusquement déboucher sur la troisième école de pensée dédiée à la Cité de Dieu.




    Cole Swensen, Poèmes à pied, traduit de l’anglais (États-Unis) par Maïtreyi et Nicolas Pesquès, Éditions Corti, Série Américaine, 2021, pp.88 et 95





    Cole Swensen






    COLE SWENSEN


    Portrait de Cole Swensen
    Image, G.AdC




    ■ Cole Swensen
    sur Terres de femmes

    17 août 1427 | Cole Swensen, Première mention des Bohémiens en Europe
    12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca
    The Glass Act | L’acte du verre
    Le nôtre (lecture d’AP)
    If a garden of Numbers (extrait de Le nôtre)
    Une expérience simple…
    Poèmes à pied



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur
    Pennsound) Cole Swensen lisant “If a Garden of Numbers” (Olympia, January 14, 2010)
    → (sur
    Pennsound) une lecture-conférence de Cole Swensen autour de Ours (Olympia, January 14, 2010)
    → (sur le blog de Christopher Nelson)
    une interview de Cole Swensen (15 mars 2013)
    → (sur YouTube)
    « On the Fly: Cole Swensen », un entretien avec Cole Swensen
    → (sur le site José Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Le nôtre de Cole Swensen
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes inédits de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur en.Wikipedia)
    une notice sur Cole Swensen
    → (sur poets.org)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur le site de Poetry Foundation)
    plusieurs poèmes de Cole Swensen dits par l’auteure
    → (sur YouTube)
    Cole Swensen : interview in The Continental Review






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  • Paule Andrau | Violence(s)

    Paule Andrau, Y.Y 1 Editions Maurice Nadeau, 2021.

    « Elle avait beau être là à attendre sa mort… »  Guidu Antonietti di Cinarca de
    image , G.AdC, « Elle avait beau être là à attendre sa mort… »


    YY.1





    Il était en train de mourir derrière cette porte. Elle, elle était morte depuis si longtemps. Elle restait là assise sur cette chaise dans ce hall qui glaçait la porte des urgences chaque fois qu’elle s’ouvrait sur des brancards. Personne ne lui jetait un regard. Elle s’en moquait. Elle se sentait pierre, les yeux fixés à ses deux mains posées sur ses genoux. C’était toujours ainsi désormais, comme si elle transportait partout avec elle le silence et l’invisibilité du placard. Le placard. Elle y avait trouvé tant de sérénité, tant de force dans sa faiblesse, tant de recueillement face au néant de toute vie, tant de détachement aussi, ni rancœur, ni regrets, ni rêve de recommencement, qu’elle traversait désormais la vie avec son apparence anodine de petite vieille dame vide aussi légère et insignifiante qu’une coquille de noix.

    Il était en train de mourir derrière cette porte et elle scrutait en elle cette indifférence de minéral que l’approche de la mort n’arrivait pas à ébranler. Elle entrevoyait comme dans les lointains définitivement inaccessibles quelques échos de la passion qu’elle avait eue pour lui. Est-ce qu’on est encore soi après soixante ans de solitude et d’usure ? Pourtant je l’ai aimé d’un tel amour. Comme dans les livres. À en perdre et le boire et le manger. À me damner pour lui.

    Cette folie des corps quand on a vingt ans. Quand on a vingt ans, baiser comme ils disent aujourd’hui, à mon époque, ça n’avait pas de nom puisque c’était tabou, indécent, obscène, ce qui se passe dans la chambre à coucher et toutes les femmes se regardaient d’un air entendu comme si ça avait été pour toutes la même rengaine, comme si c’était une fatalité commune imposée à toutes avec d’infinies et infimes variantes certes mais toujours les mêmes écueils et les mêmes souffrances.

    A vingt ans, il y avait soixante ans, c’était comme aujourd’hui, la découverte de l’autre, baiser partout, sauf que c’était celui-là et pas un autre, celui permis par le mariage, celui que les parents avaient poussé entre vos bras, les parents, la famille, la société, celui-là et pas un autre, surtout pas d’autre, la grande honte, le choix des réprouvées, celles désormais exclues de la vie du monde, celle dont on ne prononçait plus le nom.

    Mais cela excepté, ce n’était pas très différent, vingt ans. Baiser partout, pas dans un lit mais partout où le désir vous prend. L’autre, le corps de l’autre, c’est une guerre, une conquête qu’on mène avec ses mains, avec sa bouche, avec son sexe. On veut tout du corps de l’autre, le dévorer, l’absorber, se l’incorporer en l’insérant dans son ventre par ce coin de chair qu’il possède et qui lie deux corps dans un même élan, une même ruade, une même ruée dans le désir. Elle avait beau être là à attendre sa mort, elle se souvenait de ce qu’avait été ce désir de lui, si puissant, presque douloureux et cette naissance du plaisir partagé qui l’avait attachée à lui irrémédiablement.

    Et puis cette chose lumineuse et irradiante ça devient faire l’amour. Faire l’amour comme on fait les lits, comme on fait la vaisselle, comme on fait les magasins. Peu à peu, l’acte perd de sa dorure, il devient rituel puis habituel puis quelconque.
    Il y avait eu les grossesses, les fausses couches, les avortements, l’envers du désir pour les femmes qui le payaient au prix fort dans le monde de sa jeunesse, un monde sans contraception où la procréation faisait loi…




    Paule Andrau, « YY.1 » in Violence(s). Éditions Maurice Nadeau, 2021, pp.133,134. Le roman de Paule Andrau sortira en librairie le 10 septembre 2021.









    PAULE ANDRAU

    Paule Andra.  Violences  YouTubejpg




    ■ Paule Andrau
    sur Terres de femmes
    Violence(s)



    ■ Voir aussi ▼
    → (Babelio)
    Paule Andrau, Violence(s), résumé








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  • Henri Deluy | Dernier corps dernière solitude




    Pour Liliane Giraudon


    FEUILLAGE
    image , G.AdC, « Une tristesse universelle.… »


    Dernier corps dernière solitude





    Écrire
    débris intimes sincères et réticents
    fouillis de ronces vertes
    bourgeons serrés
    sur des branches de frênes

    rameaux mis à nu buisson
    de proximité teintes brunes
    des verdures enfouies
    sous le feuillage et verdures
    enfouies sous un pépiement
    métallique

    et jamais
    d’une tristesse
    universelle écrire
    pas plus qu’écrire

    dernier corps
    dernière solitude




    Henri Deluy, « Dernier corps dernière solitude », L’heure dite, couverture Liliane Giraudon, Poésie, Éditions Flammarion 2011, pp. 247,248





    L'heure dite





    HENRI DELUY


    Henri Deluy  Poezibao




    ■ Henri Deluy
    sur Terres de femmes
    Old Navy
    11 juillet 2001 | Henri Deluy, Imprévisible passé
    11 juillet 2001 | Henri Deluy, Dernier corps dernière solitude



    ■ Voir | écouter aussi ▼
    → (sur Poezibao)
    L’Heure dite, d’Henri Deluy (lecture de Jean-Pascal Dubost)
    → (sur le site du cipM)
    une page consacrée à Henri Deluy
    → (sur le site de France Culture)
    Henri Deluy à l’heure dite (émission du 4 décembre 2011)








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  • Laurence Verrey, Lutter avec l’ange

    par Sylvie Fabre G.


    Laurence Verrey, Lutter avec l’ange Bernard Campiche éditeur, 2021.


    « J’avance à la rencontre du visage humain…
    A la rencontre « du premier mot d’un vers »…
    «J’accueille, je dis oui à cette force venue m’éveiller »





    Comme tant d’artistes et d’écrivains avant elle, Laurence Verrey, poète suisse, raconte dans un livre de feu, Lutter avec l’ange, le long combat qu’elle a mené pour accéder à l’intériorité de sa parole poétique et à sa liberté de femme. L’écriture a donc été pour elle à la fois l’objet du désir et le lieu initiatique où l’être, en lutte avec l’obscur, tente de vaincre ses maux et de transcender sa blessure en donnant un sens au fait de vivre et de mourir, de souffrir et d’aimer. Direction et signification(1), ce récit autobiographique témoigne d’un parcours où la langue, foyer de résistance, souffle vivant, permet à une femme de trouver, sous la cendre des peurs et l’infini servage(2), son visage, son nom et la flamme de sa voix. Pour ce faire, la poète n’hésite pas à relier sa trajectoire personnelle à celle d’un personnage biblique dont elle fait une « figure d’éveil » et un « compagnon d’insoumission » dans l’épreuve et dans l’avancée. De par la constance dont il fait preuve pour « forcer le destin », il lui apprend comment se conquiert en l’humain la part divine.


    La narration, construite en six parties dont plusieurs retours en arrière, dessine un itinéraire qui fait résonner l’histoire de Jacob avec celle de la narratrice. Il entrelace expérience existentielle et quête spirituelle par une suite de proses à la fois sensibles, réflexives et lyriques. Elles sont précédées de citations tirées de la Genèse qui les éclairent. Laurence Verrey fait en effet de l’ange de Jacob un allié contre tout assignement à une condition ou à un état déterminé d’avance : « Dans chaque chose, dans tout évènement se tient un ange […] venu t’aider à amorcer le lent retournement » et « à dire oui à tout ce qui advient… », écrit-elle. Ainsi l’ange incarne pour Jacob, et Jacob pour elle, un guide pour la transformation. Tout au long du récit, l’auteur entrelace leurs destinées, exils luttes et révélations. Ses retours en arrière servent à nous rappeler les vrais enjeux du livre : comprendre ses fragilités, conquérir son droit à l’existence, passer les frontières érigées, accomplir sa voie. La jalousie qui oppose Jacob à son frère, enfant préféré du père alors que lui-même l’est de la mère a pour conséquence un conflit et sa fuite hors du pays natal après avoir spolié Esaü de ses biens et de son droit d’aînesse. Ces violences expliquent ensuite son besoin de pardon et sa décision d’un retour des années après. Sa crainte d’une vengeance fratricide est débordée par son désir et la lutte symbolique contre l’ange, cet adversaire d’abord anonyme qui toute une nuit lui refuse le passage du gué, révèle le héros biblique à lui-même et lui donne un Nom et la possibilité d’une nouvelle alliance. Nous prenons conscience avec la narratrice que nul ne peut échapper à la confrontation avec une humanité difficile et à la question de Dieu. Tel semble l’enseignement qu’en tire pour elle-même la narratrice.


    Elle va nous le montrer en se penchant parallèlement sur sa propre trajectoire. Elle se décrit d’abord femme entravée, dans une situation matérielle et familiale qui l’empêche d’aller, dit-elle, « vers cet été perpétuel » de la poésie « où se refait l’unité ». L’écriture, pressentie dès sa jeunesse comme « lumière et sel », est le seul espace où elle peut échapper à la déréliction et à « la capitulation ». Elle aspire donc à relever « son défi ». D’abord elle y parvient mal, déchirée entre une « attente » stérile de « la vraie vie », et une révolte d’une « mortelle impatience » qui interroge son entourage et inquiète ses enfants. Pour réaliser sa vocation, elle va devoir cependant, comme Jacob, affronter son passé et son rapport à l’autre, combattre les empêchements sociaux et assumer ses choix féministes et créatifs.


    Dès l’origine, constate-t-elle, nous ne sommes pas « dans l’égalité mais dans la différence ». Pour trouver « la juste place », et ne pas laisser en nous la haine ou l’effacement gagner, il faut force et patience. « Tant d’années de ma vie passées sous le joug du silence » et « d’une immense solitude », nous confie Laurence Verrey. L’évocation de son enfance et de sa jeunesse met en lumière combien nous sommes souvent les héritiers de frustrations et de souffrances plus anciennes que nous. Et combien chacun doit lutter pour que place soit faite au pardon, à la clairvoyance et à la joie. Ainsi l’auteur relate-t-elle la relation à sa mère musicienne devenue femme gelée(3), artiste sacrifiée à un rôle de femme au foyer. Elle-même, enfant mal aimée, endosse son malheur et dans la culpabilité le reproduit. Consentir à aimer est un long processus qui demande de se réconcilier d’abord avec soi et avec les autres, un « acte de foi » pour trouver un salut. Alors peut-être ce qui a produit la blessure peut engendrer la guérison. La musique, source de son malheur de fille, est devenue pour l’autrice source de sa vocation poétique, « langue natale » qui « attend ses doigts pour être écrite ». Mais comme le révèlent les livres de sagesse, les dons reçus, les secours rencontrés n’empêchent pas que se poursuive jusqu’à la fin « la longue confrontation avec l’homme », et avec Dieu.


    Les dernières parties du livre s’écrivent dans la suite des jours où les interdits bourgeois enfreints, les forces du néant terrassées, la poète peut s’employer à donner forme et mots à sa vie. « Toucher » un corps avec lequel « en découdre » pour comprendre « sa vraie nature », pour savoir discerner en soi et en l’autre la part de l’humain et la part divine, cette connaissance-là se révèle interminable. Impossible d’aller au bout de l’expérience de l’être-au-monde et du lien sans affronter le visage de l’Eros indissolublement lié à celui de Thanatos. Une rencontre à l’heure où « le désir est délire » et emprise lui révèle une autre facette de sa féminité, sa part animale peut-être, qui incendie son identité et lui ravit sa parole. Cette jouissance mortifère reconnue, elle choisit d’en briser les chaînes pour retourner vers une lumière et re-connaître « l’homme de sa vie ». Le récit se clôt « vingt ans après » son commencement et trois ans après la mort de sa mère. Il parle l’aventure d’une vie intimement liée à l’aventure poétique. Laurence Verrey a mûri, elle dresse le bilan du vécu, des luttes et des rêves. Elle s’est réconciliée avec elle-même et avec sa lignée en soldant les comptes des blessures, elle a passé le gué de la création : elle est devenue une poète. Sa quête demeure celle de « l’Amour, pur vocable, seule vocation ».


    Il faut du temps et un dur combat à une femme pour pouvoir, même aujourd’hui en Occident, s’approprier la leçon de Jacob : refuser la soumission, prononcer le « oui » à la vie qui prend en compte l’entièreté de l’être, ses élans, ses dons et ses faiblesses humaines. Ecrivaine sortie de la clandestinité comme quelques autres, femme de foi, Laurence Verrey dans ce livre fervent nous fait entendre une parole salvatrice et ardente qui fait du ciel un consentement au mystère et de la poésie, une terre d’élection. Son âme qui ne manque pas de mots(4) nous conduit, nous lecteurs, à plus grand que soi.



    NOTES.

    1. Essais, Michel de Montaigne, éd. Gallimard,
    2. Lettre du voyant, Arthur Rimbaud, La Pléiade, éd. Gallimard
    3. Une femme gelée, Annie Ernaux, éd. Gallimard
    4. Le livre des suppliques, Vénus Khoury-Ghata, éd. Gallimard

    Lutter avec l'ange_grand





    SYLVIE FABRE G.



    Sylvie Fabre G.
    Source



    ■ Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes




    Lettre des neiges éternelles (extrait de La Maison sans vitres)
    Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    [À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
    L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
    Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
    [C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
    Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
    La demande profonde
    Frère humain (note de lecture d’AP)
    Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
    Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
    L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    Quelque chose, quelqu’un (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
    [Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
    Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre par Sylvie Fabre G.
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman, par Sylvie Fabre G.
    Alain Freixe, Vers les riveraines, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle, Ici en exil, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Pierre Péju, Enfance obscure, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’État du ciel, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit, par Sylvie Fabre G.
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, par Sylvie Fabre G.
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau, par Sylvie Fabre G.
    Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    L’au-dehors
    → (dans les Chroniques de femmes)
    L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Ludovic Degroote | Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G.
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre, par Sylvie Fabre G.
    Angèle Paoli, Lauzes, par Sylvie Fabre G.
    Laurence Verrey, Lutter avec L’ange, par Sylvie Fabre G.




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La passe du vent)
    la fiche de l’éditeur sur La Maison sans vitres de Sylvie Fabre G.







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  • Jean-Marc Barrier | La rue infinie

    Barrier définitif


    La rue infinie





    Il pleut des signes, je monte avec le bleu. Petits
    sursauts, croix rapide où demeurer, un angle aigu
    comme flèche de moi : ce qui s’élève dans le regard.
    rebonds et parcours parmi les plages. Tu lis la belle
    écriture du vide, support surface retour amont, tu
    vas plus loin puis tu reviens, et l’œil qui danse en
    redemande.








    Jean-Marc Barrier, La rue infinie , Textes et photographies, Phloème, Collection Lumière écrite, 2021.




    Barrier Première de couv'





    JEAN-MARC BARRIER




    Jean-Marc Barrier





    ■ Jean-Marc Barrier
    sur Terres de femmes
    [Vient le temps du fléchir]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Marc Barrier
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Noir estran
    le site de Jean-Marc Barrier





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  • Jean-Charles Vegliante | Pascoli in memoriam Y.T


    Pascoli in memoriam Y.T





    Il brivido
    Mi scosse, e mi corse
    le vene il ribrezzo.
    Passata m’è forse
    rasente, col rezzo
    dell’ombra sua nera,
    la morte…

    Com’era?


    Veduta vanita
    com’ombra di mosca :
    ma ombra infinita,
    di nuvola fosca
    che tutto fa sera:
    la morte…

    Com’era?


    Tremenda e veloce
    come un uragano
    che senza una voce
    dilegua via vano :
    silenzio e bufera: la morte…

    Com’era?


    Chi vede lei, serra
    né apre più gli occhi.
    Lo metton sotterra
    che niuno lo tocchi,
    gli chieda – Com’era?
    rispondi…

    com’era?


    Giovanni Pascoli (1855-1912), Canti di Castelvecchio, 1903




    Le frisson
    Un choc : parcourut
    mon sang le dégoût.
    Peut-être est venue,
    retenant le coup
    de son ombre vent,
    la mort…

    C’est comment ?


    Vue, évanouie
    comme ombre de mouche ;
    mais ombre infinie,
    de nuage louche
    qui rend tout poignant :
    la mort…

    C’est comment ?


    Terrible furie,
    comme une tempête
    qui sans un seul bruit
    en rien s’est défaite :
    silence, ouragan,
    la mort…

    C’est comment ?


    Qui la voit a clos,
    n’ouvre plus ses yeux ;
    est mis au tombeau
    pour que nul curieux
    ne dise – Comment ?
    réponds…

    c’est comment ?



    (tr. Jean-Charles Vegliante) in memoriam Y.T

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    JEAN-CHARLES VEGLIANTE



    Source





    ■ Jean-Charles Vegliante
    sur Terres de femmes


    [Un petit garçon passe] (extrait de Fragments de la chasse au trésor)
    Celle qui dort… (extrait des Oublies)
    [La lente] [L’étourdie] [L’Africaine]
    [Au fond de moi est un animal sauvage] (extrait d’Où nul ne veut se tenir)
    Où nul ne veut se tenir (lecture de Joëlle Gardes)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au Poème)
    une notice bio-bibliographique sur Jean-Charles Vegliante (+ 6 poèmes choisis)
    → (sur le site de L’Atelier du Grand Tétras)
    la fiche de l’éditeur sur Trois cahiers avec une chanson





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  • Claudine Bohi | Dans le blanc de la neige

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    Dans le blanc de la neige





    Dans le blanc de la neige
    tout au fond du brouillard

    il y a ton regard
    ton pas que je poursuis
    cet oubli n’est qu’un leurre

    tu frissonnes dans mes veines

    tu parlais ces mots-là
    qui viennent avant les phrases

    ces mots trop grands pour dire
    qui encombraient tes lèvres

    qui t’empêchaient au cœur

    la parole toujours
    est la cache d’un autre

    quand je parle tu viens
    mais je ne te vois pas

    quand je parle tu viens
    mais personne ne le sait

    tu habites en ma voix
    tu t’y es mélangé








    Claudine Bohi, Un père, dessin, Sima Jahangirian, Les Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits





    IMG_4066





    CLAUDINE BOHI


    Claudine Bohi 2
    Source




    ■ Claudine Bohi
    sur Terres de femmes


    [brouillard n’est pas absence] (poème extrait d’Éloge du brouillard)
    Secret de la neige (poème extrait de L’Enfant de neige)
    [Duels de lumière] (poème extrait de La plus mendiante)
    Le funambule sans son fil (poème extrait de Même pas)
    Mère la seule (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [je laisse tomber le mot maman] (poème extrait de Mère la seule)
    L’invisible (poème extrait de Mettre au monde)
    Naître c’est longtemps (lecture d’AP)
    Naître c’est longtemps (lecture de Philippe Leuckx)
    Corps levé (poème extrait de Naître c’est longtemps)
    [L’eau son puits étrange] (poème extrait d’On serre les mots)
    [à force de mots sur la peau] (poème extrait de Parler c’est caresser un corps)
    [La raison sort toujours de l’irrationnel] (poème extrait de Rêver réel)
    Une lumière de terre (poème extrait d’Une saison de neige avec thé)
    Claudine Bohi | Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence (lecture d’AP)
    Claudine Bohi | Olivier Gouéry [Voici donc le matin]
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    si ce n’est pas trembler




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Claudine Bohi






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  • Etienne Faure | Souvent le linge aux fenêtres


    Souvent le linge aux fenêtres





    Souvent le linge aux fenêtres annonce
    l’âge des enfants et qui porte le pantalon, de quelle
    nippe affriole et s’attife la maîtresse
    de maison, les dessus, les dessous haut portés qui s’agitent
    au vent reverdi du printemps – de la mousse
    côtoie les toits sédentaires sous les tuiles-
    par jour ouvrable ou férié d’avril, on dirait de loin
    des Christs en squelette écartés sur les croix,
    jamais descendus de leur fil de supplice
    -ni buis ni palme, ni rameau de vainqueur-
    quand des bas-fonds jusqu’au plafond que le vent pommèle
    montent les bruits de la rue si étroite
    qu’ils vont directement au ciel avec les cris, les rires,
    les vers inouïs
    « Un jour si tu veux je viens avec ma perceuse »
    -ce sont des mots que vent emporte
    et sèche après la pluie.

    au vent d’avril








    Étienne Faure, Penchants aux fenêtres in Contre-Allées, revue de poésie contemporaine, Couverture Valérie Linder, Printemps 2021, p.7




    Contre Allées IMG_4039





    ÉTIENNE FAURE


    Faure portrait
    Source




    ■ Étienne Faure
    sur Terres de femmes


    Sortir, Éloge appuyé des bancs, Changements de saison (extraits d’Et puis prendre l’air)
    [Après les rigueurs inhumaines | du gel] (extrait de Ciné-plage)
    Les soirs d’été au pas des portes (extrait d’Horizon du sol)
    Tête en bas (lecture d’AP)
    sur « Le Poète à tête renversée » (extrait de Tête en bas)
    La Vie bon train, proses de gare (extrait)
    Et puis prendre l’air, une lecture d’Angèle Paoli (extrait)






    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site À la littérature de Pierre Campion)
    une lecture d’Et puis prendre l’air, par Henri Droguet
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture d’Et puis prendre l’air, par Georges Guillain
    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Et puis prendre l’air
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Étienne Faure






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