Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »

  • Adonis/Le fou tourne

    «  Poésie d’un jour  »





    Le fou tourne en demandant: « Où est le soleil ? Où est l’horizon ? »
    Ph., G.AdC





    Le fou tourne en demandant : « Où est le soleil ?
    Où est l’horizon ? Qu’apportera celui qui vient ?
             La nuque ou le couteau ? »
    Il demande : « Comment rester étincelle de transgression ? »

    D’où viens-tu ? Comment ? Et quoi… ?
    Ta terre est le royaume de l’asservissement, mais toi,
             tu es insoumis.
             Pourras-tu le demeurer ?

    Les choses semblent troupeaux
    et les idées loups d’argent.
    Caïn est ici, Abel gît là-bas, toujours sans sépulture.
             Les morts sont un filet
             et les vivants un chaos.

    Adonis, Le Poème de Babel, Garanjoud, Voix d’encre, 2000, page 6. Traduit de l’arabe par Anne Wade Minkowski avec la collaboration de l’auteur.





    ADONIS

    Voir aussi :
    – (sur Terres de femmes)
    Adonis/C’est l’heure de l’insomnie ;
    – (sur Terres de femmes)
    Adonis/Ile de pierres ;
    – (sur le site de La Pensée de midi)
    une page Adonis ;
    – (sur jehat.com)
    Extrait de Conversation avec Adonis, mon père de Ninar Esber ;
    – (sur Maaber) un
    entretien de Renaud Ego avec Adonis : « Adonis, le charmeur de mots » ;
    – (sur remue.net)
    Adonis, chevalier d’étranges paroles (chronique de Ronald Klapka) ;
    – (sur @XéLibre, Le magazine des arts et des cultures)
    Adonis, le poète du vent, par Daniel Leduc ;
    – (sur YouTube)
    Syrian Poet Adonis criticizes Arab Society (interview diffusée en mars 2006 sur Dubai TV) :
    Extrait :
    « – M. Adonis, que pensez-vous de la démocratie en Palestine, qui a mené le Hamas au pouvoir ?
    – Je la soutiens, mais je m’oppose à la création d’un État fondé sur la religion, même si c’est le Hamas qui l’instaure.
    – Même s’il libère la Palestine ?
    – Oui, parce que mon devoir serait de combattre cet État fondé sur la religion. »



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  • Luis Mizón | La Maison du souffle

    «  Poésie d’un jour  »


    Il m'attend aussi sur la montagne bleue comme la généalogie de la lumière
    Ph., G.AdC







       LA MAISON DU SOUFFLE


                   (EXTRAITS)

                           I

    Toute pierre digne de ce nom
    porte la lumière en soi

    la lumière fabrique un œil
    là où il n’y a rien
    l’œil mord le rien
    et le rien crie

    patine de silence
    farine de larmes
    la pierre habitée par le cri
    découvre le cœur de l’étincelle
    au milieu de sa patience

    à coups de pieds à coups de dents
    dehors dedans
    là où il n’y a rien
    il y a quelque chose qui brille

    grains de beauté
    tâches de rousseur
    rides du premier ciel
    caresses
    du premier rire
    du nouveau-né
    dans le four d’un lion doré
    je ferai un pain de cris
    et un pain de rires
    car je n’aime que les rêves
    que l’on peut partager




                        VI

    Notre secret est la surprise
    du sel dans la bouche
    le goût de l’incendie
    le chemin qui trace dans le ciel
    le cerf volant
    la caresse de la pastèque amoureuse

    je lèche la dentelle rouillée
    d’une méduse
    j’embrasse la bouche du silence

    l’horizon abrite le colibri
    parole et souffle apprivoisé
    il se nourrit dans ma main
    il picore de petits mots cassés
    dans le jardin infime de la mer

    le cri de la mouette se transforme
    en signe d’interrogation

    au milieu de mon silence
    un murmure est venu me chercher
    il m’attend sur la plage
    il m’attend aussi sur la montagne
    bleue
    comme la généalogie de la lumière
    ou un ami assis près de la mer
    devant un verre d’eau-de-vie



    Luis Mizón, La Maison du souffle, in « Partage des voix », Autre Sud, septembre 2008, N° 42, pp. 78 et 83.





    LUIS  MIZÓN


    Luis Mizón
    Source



    ■ Luis Mizón
    sur Terres de femmes

    [Derrière la garde-robe]
    L’exil
    Un troupeau de vaguelettes



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Luis Mizón





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  • Luis Felipe Fabre, Une saison dans le Mictlan

    «  Poésie d’un jour  »





    Una calavera junto a otra calavera junto a otra calavera sobre otra calavera junto a otra calavera junto a otra calavera sobre otra calavera
    Source





    II

    (Xochicuicatl*)



    Una flor: abierta como una boca diciendo abierta: un canto.

    Otra flor pero la misma flor pero marchita : no dos,
    no tres : sólo un instante, sólo un colibrí
    dura el hombre aquí en la tierra.

    Una calavera junto a otra calavera junto a otra calavera sobre
    otra calavera junto a otra calavera junto a otra calavera sobre
    otra calavera junto a otra: estrofa-tzompantli.

    Una pregunta a los muertos:
    ¿Al canto le sigue el silencio o le sigue otro canto?

    Otro canto: el silencio de los muertos: otra flor
    pero la misma flor pero otra
    calavera, etcétera.





    II

    (Xochicuicatl)



    Une fleur : ouverte comme une bouche disant ouverte : un chant.

    Une autre fleur mais la même fleur mais fanée ; pas deux,
    pas trois, un instant seulement, le temps d’un colibri
    dure l’homme ici sur la terre.

    Un crâne près d’un autre crâne près d’un autre crâne sur
    un autre crâne près d’un autre crâne près d’un autre crâne sur
    un autre crâne près d’une autre strophe-tzompantli.

    Une question aux morts :
    Le silence suit-il le chant ou est-ce un autre chant ?

    Un autre chant : le silence des morts : une autre fleur
    mais la fleur mais un autre
    crâne et cœtera.

    Luis Felipe Fabre, Una temporada en el Mictlán [Une saison dans le Mictlan], Mantarraya Ediciones, 2003 ; traduction française in Revue Europe, « Poètes du Mexique », janvier-février 2009, page 276. Traduit de l’espagnol par Bernard Lesfargues.



    * Xochicuicatl signifie “chant de fleurs” en nahuatl, langue précolombienne du Mexique. Xochicuicatl est aussi un genre de poésie aztèque.





    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE

        Luis Felipe Fabre est né à Mexico en 1974. Docteur ès-lettres hispano-américaines de l’Université ibéro-américaine (Mexique) et de l’Université de Salamanque (Espagne), il a publié plusieurs recueils de poèmes dont Vida quieta (ICCM – Parque Lira, 2000), Una temporada en el Mictlán (Mantarraya Ediciones, 2003) et Cabaret Provenza (Fondo de Cultura Económica, Collection Centzontle, 2007). Il est également l’auteur d’une anthologie de la nouvelle poésie mexicaine (Divino Tesoro. Muestra de nueva poesía mexicana , Libros de la Meseta, 2008) et d’un essai sur le thème de l’incomplétude, du vide et de l’absence en poésie (Leyendo agujeros, Ensayos sobre (des)escritura, antiescritura y no escritura, Fondo Editorial Tierra Adentro, 2005). En 1995, Luis Felipe Fabre a obtenu le Prix Poésie de la revue Punto de partida. Une anthologie de ses poèmes, traduits en anglais par Jason Stumpf, The Moon Ain´t Nothing But A Broken Dish, a été publiée par Achiote Press (Berkeley, Californie) en juillet 2008.






    LUIS FELIPE FABRE

    Luis Felipe Fabre
    Source

    Voir aussi :
    – (sur La nueva poesía mexicana) La luz que va dando nombre (10 juillet 2008) ;
    – (sur YouTube) Luis Felipe Fabre lisant trois poèmes extraits d’Une saison dans le Mictlan : I. Nezahualcoyotl dixit ; II. Xochicuicatl [poème ci-dessus] ; III. Codex Ximohuayan (1er novembre 2007. Atrio de San Jerónimo, Centro Histórico de la Ciudad de México). Luis Felipe Fabre a aussi lu ces poèmes au festival de poésie latino-américaine « Latinale » de Berlin (15-22 novembre 2008).







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  • Fabio Pusterla | Esquisse en poudre de gypse, 6

    «  Poésie d’un jour  »



    Spera che un uscio l'accolga in silenzio
    Ph., G.AdC






    BOZZETTO PER SCAGLIOLA


    VI


    L’orecchio che ascolta non vede la voce che parla
    nella notte, perduta, ma attende il brusìo
    dell’aria, attraverso le strade
    che forse qualcuno percorre.

    La voce che parla non cerca nessun ascolto,
    eppure spera che il suo soliloquio non sia vano,
    che un uscio l’accolga in silenzio,
    offra una luce, un ramo di forsizia.




    Fabio Pusterla, Bozzetti per scagliola, VI, in IV, Stella meteora, Pietra sangue, Marcos y Marcos, Gli Alianti 69, Milano, 1999, pagina 79.






    ESQUISSE EN POUDRE DE GYPSE


    6


    L’oreille qui écoute ne voit pas la voix qui parle
    dans la nuit, perdue ; elle guette le bruissement
    de l’air, par les rues
    où quelqu’un marche peut-être.

    La voix qui parle n’attend pas qu’on l’écoute,
    elle espère pourtant que son soliloque n’est pas vain,
    que s’ouvre pour elle une porte en silence,
    offrant une lumière, une branche de forsythia.




    Fabio Pusterla, Esquisses en poudre de gypse, in Deux rives, édition bilingue, Cheyne éditeur, 2002, pp. 60-61. Traduit de l’italien par Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet.





    Fabio Pusterla,Deux rives






    BIO-BIBLIOGRAPHIE DE FABIO PUSTERLA



        « Né dans un pays d’alpes, de grèves et d’eau, tout près de la frontière suisse », Fabio Pusterla est un poète des liminaires et des confins, des frêles frontières où s’estompent les lignes entre deux « rives imaginaires, hors de vue », des lisérés de lumière en forme de fentes grises échappées dans les brumes de l’aube. Les mots affleurent, comme esquissés, indéfinissables et incertains. Ainsi que le souligne Philippe Jaccottet, tout, à travers la « voix ferme, sobre admirablement maîtrisée » de Fabio Pusterla, est « toujours à la fois quotidien, proche, vrai et vaste, réel et néanmoins mystérieux ».


        Né à Mendrisio (Suisse italienne ; canton du Tessin) le 3 mai 1957, Fabio Pusterla a grandi dans la ville-frontière de Chiasso. Il est licencié ès lettres modernes de l’Université de Pavie. Il vit entre Lugano et Albogasio (à la frontière entre la Suisse et l’Italie) et enseigne actuellement la langue et la littérature italiennes au lycée cantonal de Lugano 1. En 1991, il a été membre du comité fondateur de la revue de littérature Idra, publiée jusqu’en 2001 chez Marcos y Marcos, un petit éditeur milanais spécialisé dans la littérature de Suisse alémanique. Grand Prix Schiller 2011, il a reçu en 2013 le Prix suisse de littérature.

        Poète et essayiste, il est aussi traducteur. Il a traduit en italien Yves Bonnefoy (L’Anti-Platon), Nicolas Bouvier, André Frénaud, Guillevic, Nuno Júdice, Corinna Bille, Maurice Chappaz, Eugenio De Andrade, Benjamin Fondane, Jean-Luc Nancy, mais surtout Philippe Jaccottet (sept recueils. Cf. « Traduire Jaccottet » de Fabio Pusterla). Travail de traducteur pour lequel il a obtenu, en 1994, le prix Prezzolini.

        Fabio Pusterla est notamment l’auteur des recueils poétiques suivants :

    Concessione all’inverno, Bellinzona, Casagrande, 1985 ; rééd. 2001
    Bocksten, Milano, Marcos y Marcos, 1989 ; rééd. 2003
    Le cose senza storia, Milano, Marcos y Marcos, 1994
    Danza macabra, Camnago, Lietocolle, 1995
    Bandiere di carta, Scandicci, Fabrizio Mugnaini, 1996
    Isla persa, Locarno, I semi del salice, 1997 ; rééd. 1998
    Laghi e oltre, Camnago, Lietocolle, 1999
    Pietra sangue, Milano, Marcos y Marcos, 1999
    Folla Sommersa, Milano, Marcos y Marcos, 2004
    Movimenti sull’acqua, Camnago, LietoColle, 2004
    Storie dell’armadillo, Milano, Quaderni di Orfeo, 2006
    Le Terre emerse. Poesie scelte 1985-2008, Torino, Einaudi, 2009
    Corpo stellare, Milano, Marcos y Marcos, 2010
    Argéman, Milano, Marcos y Marcos, 2014

        et d’un essai sur la poésie contemporaine :

    Il nervo di Arnold, Saggi e note sulla poesia contemporanea, Milano, Marcos y Marcos, 2007.

        Fabio Pusterla a obtenu le Prix Gottfried Keller 2007 pour l’ensemble de son œuvre.


    • Ouvrages disponibles en français :

    – Fabio Pusterla, Me voici là dans le noir, Lausanne, Éditions Empreintes, 2001. Traduction de Mathilde Vischer
    – Fabio Pusterla, Une Voix pour le noir. Poésies 1985-1999, Éditions d’En bas, 2001. Préface de Philippe Jaccottet. Traduction de Mathilde Vischer (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Deux rives, Cheyne éditeur, 2002. Traduction de Béatrice de Jurquet et Philippe Jaccottet (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Les Choses sans histoire, Lausanne, Éditions Empreintes, 2003. Traduction de Mathilde Vischer
    – Fabio Pusterla, Ultimes paysages, L’Arrière-Pays, 2009. Traduction de Éric Dazzan (édition bilingue)
    – Fabio Pusterla, Pierre après pierre, anthologie de poèmes, édition bilingue, éditions MétisPresses, Genève, 2017, pp. 84-85. Traduction de Mathilde Vischer.





    FABIO PUSTERLA


    Fabio Pusterla
    Source




    ■ Fabio Pusterla
    sur Terres de femmes

    Arte della fuga
    Au-delà des vagues
    Caparìca
    Corps d’étoiles
    Due rive
    Entre-deux
    La fugitive
    Une vieille (+ bio-bibliographie)



    ■ Voir aussi ▼

    l’article du Matricule des anges sur l’ouvrage Deux rives de Fabio Pusterla
    → (sur le site de culturactif.ch)
    une bio-bibliographie très complète de Fabio Pusterla





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  • Cécile Oumhani | Éclats de rêves

    «  Poésie d’un jour  »




    La terre En son roulement d’ailes Emporte une histoire Qui a perdu son nom
    Image, G.AdC







    ÉCLATS DE RÊVES


    Éclats de rêves
    Étoffes usées
    Dans un fond d’abri
    Et de rocailles
    Feuillages bruns
    Repliés sur d’invisibles nervures
    Bris de murmures
    Et lignes de visages
    La terre
    En son roulement d’ailes
    Emporte une histoire
    Qui a perdu son nom




    Cécile Oumhani, Au miroir de nos pas, Encres vives, 2008, page 7.






    CÉCILE OUMHANI


    Cecile_oumhani



    ■ Cécile Oumhani
    sur Terres de femmes

    Interview de Cécile Oumhani par Rodica Draghincescu
    (+ Bio-bibliographie)

    Aux prémices du sable
    [Dès l’aube ils s’interpellent]
    Le Café d’Yllka (note de lecture)
    [j’ai marché dans l’ignorance] (poème extrait de La Nudité des pierres)
    Ne craignons pas la nuit
    La Nudité des pierres (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Rêves de draps (extrait de Mémoires inconnues)
    Temps solaire, III
    Touching land (poème extrait de Passeurs de rives)
    [S’abandonner au sommeil] (extrait de Tunisie, Carnets d’incertitude)
    Avant-propos de Lalla ou le chant des sables d’Angèle Paoli
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Manhattan redux
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Cécile Oumhani, « Seuils possibles », Revue Confluences Méditerranée n° 22, été 1997



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Babelmed)
    « Cécile Oumhani, à la croisée des mots et des imaginaires »
    → (sur le site Babelmed)
    “Plus loin que la nuit”, entretien de Cécile Oumhani avec Nathalie Galesne (2 décembre 2007)
    → (sur le site Babelmed)
    Méditerranée / Panorama de la littérature tunisienne de langue française, par Jalel El Gharbi
    → (sur Encres vagabondes)
    un entretien de Cécile Oumhani avec Brigitte Aubonnet (novembre 2007)
    → (sur le site de Rafik Darragi)
    Nocturnes (la nuit dans l’œuvre de Cécile Oumhani)
    → (dans la Poéthèque du Printemps des poètes) une
    fiche bio-bibliographique sur Cécile Oumhani
    → (sur Levure Littéraire n° 7)
    Sous le « bleuté des plis de la nappe », d’admirables ciselures (note de lecture d’AP sur L’Atelier des Strésor de Cécile Oumhani)





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  • Ovide, Tristes Pontiques

    «  Poésie d’un jour  »



        Il y a deux mille ans, en décembre 8 de notre ère, le poète Ovide était banni par l’empereur Auguste.





    Eugène Delacroix, Ovide chez les Scythes, The National Gallery, London
    Eugène Delacroix (1798-1863),
    Ovide chez les Scythes, 1859
    Huile sur toile, 87,6 x 130,2 cm
    The National Gallery, London
    Source







                MOI JE NE SAIS QU’ÉCRIRE



                                     XI

    toutes ces lettres ont été écrites
    dans les tourments d’un long voyage
    une en particulier dans l’Adriatique
    où je tremblais de froid en plein mois de décembre
    une autre après avoir passé Corinthe à pied
    juste avant d’embarquer sur mon second bateau

    les Cyclades ont dû être étonnées
    de me voir faire des vers au milieu de la mer

    aujourd’hui c’est moi qui m’étonne
    que l’agitation de mon âme
    et l’agitation de la mer
    ne m’aient empêché d’écrire
    obsession ou délire
    c’était plus fort que moi
    écrire m’empêche de sombrer

    pourtant j’étais la proie des influences astrales
    ballotté en tous sens par les constellations
    Stérope à son zénith amoncelait les vagues
    les Chevreaux bondissants excitaient les nuées
    le Gardien de l’Ourse raccourcissait les jours
    et l’Auster affolait les Hyades

    les longues nuits n’étaient que pluie

    le navire embarquait dans une déferlante
    ma main tremblante écrivait toujours
    écrivait tout ce qui venait

    en ce moment les drisses sifflent au vent du Nord
    la houle se dresse en montagnes
    je vois le pilote en train de prier
    il lève les mains vers le ciel
    il en oublie de tenir la barre

    où que mes yeux se portent
    le vide
    le miroir de la mort

    je ne sais plus

    j’ai peur de la mort
    je l’appelle aussi
    je vais atteindre ce port
    Tomes
    et je suis terrorisé

    j’ai peur de la mer
    j’ai peur de la terre
    j’ai peur des hommes et des tempêtes
    le glaive et la vague me font doublement peur
    le glaive veut mon sang et la mer veut mon souffle
    à gauche est le rivage d’un pays de barbares
    occupés seulement de meurtre et de rapine
    de carnage et de guerre

    mon cœur est plus troublé que cette mer sauvage
    plus inquiet que la mer en hiver
    mon cœur est plus troublé que le cœur des barbares

    comprends-moi
    lecteur de bonne foi
    autrefois j’écrivais dans mon jardin romain
    mollement allongé sur des coussins de plume
    me voilà ballotté sur un abîme noir
    dans une brume perpétuelle
    mes tablettes sont constamment humides

    il semble que l’ouragan
    s’exaspère de me voir écrire
    il veut me faire céder sous la menace
    plus j’écris plus il rugit

    j’arrêterai d’écrire quand le vent cessera

    il ne sait que souffler
    moi je ne sais qu’écrire



    Ovide, Les Tristes in Tristes Pontiques, P.O.L Éditeur, 2008, pp. 60-61-62. Traduction de Marie Darrieussecq.





    MARIE DARRIEUSSECQ-OVIDE, Tristes Pontiques
    Image, G.AdC






    OVIDE



    ■ Ovide
    sur Terres de femmes

    Hermaphrodite (extrait des Métamorphoses. Traduit du latin par Marie Cosnay)
    Pretium vitae (extrait d’Amores)
    Héroïdes, Lettre de Didon à Énée
    Tristes Pontiques, traduit du latin par Marie Darrieussecq (note de lecture d’AP)






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  • Dominique Maurizi | Il y a quelqu’un

    «  Poésie d’un jour  »




    Ou es-tu ?
    Ph., G.AdC







    IL Y A QUELQU’UN



    Il y a quelqu’un ou quelque chose
    en moi qui
    Où es-tu ?
    Vois,
    Sous la trame, la nuit.
    Mais ― Où donc mon pouvoir de transformation ?
    Où donc ― ce qui accroît ?
    J’ai oublié, perdu les mots,
    où es-tu ?,
    qui seuls traverseraient ton jour
    maintenant dépaysé,
    dénaturé sans doute aussi
    puisque ―
    puisque, dis-tu, à certaines heures
    nous n’existons pas.

    À tâtons, je recommence
    Psalmodiant.
    Il y a quelqu’un ou quelque chose
    imprévu de moi
    Qui
    Où es-tu ?
    sera
    ou ― pas encore.
    Sous la nuit, la trame étoilée.
    Où donc es-tu ?




    Dominique Maurizi, Les Tables des matières, Éditions Albertine, 2006, pp. 15-16.





    Dominique Maurizi, Les Tables des matières, éditions Albertine, 2006






    DOMINIQUE MAURIZI


        Je ne connaissais pas Dominique Maurizi. Je l’ai rencontrée à l’occasion de la lecture poétique donnée à Paris, le samedi 28 novembre 2008, dans la salle de mariage de la mairie du VIe arrondissement. Elle était l’invitée de l’éditrice Laurence Mauguin. En même temps que Mireille Fargier-Caruso et Martin Ziegler.
        Dominique Maurizi, photographe et poète, a lu successivement des extraits de Petit portrait de ma mère en étoile, un récit en prose, d’une écriture originale et très forte. Un texte bouleversant sur la mère rêvée. « Que sait-on des rêves, des désirs, des secrets de sa mère ? Le sais-tu ? Moi, je crois que tout cela est mystère, ou bien… »
        Dominique Maurizi a lu ensuite des poèmes extraits du recueil Les Tables des matières. Ces ouvrages sont édités tous deux aux éditions Albertine (288, rue Saint-Jacques, 75005 PARIS).
        Une de mes amies a noté dans son carnet ses impressions de lecture. J’en retranscris ici un court passage :
        « Dominique lit comme on avive un feu. La voix gagne peu à peu en puissance. Elle oublie le public. Elle est dans ses mots, sa voix les cherche, puis les trouve. »



    ■ Dominique Maurizi
    sur Terres de femmes

    Dans l’odeur des algues (extrait du recueil Langue du chien)
    Fly (lecture d’Isabelle Lévesque)
    La Lumière imaginée (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Intérieur] (extrait de La Lumière imaginée)
    [Mais qu’ai-je dit ?] (extrait du recueil Septième rive)




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  • Auxeméry | la mort des êtres…

    «  Poésie d’un jour  »



    Nous nous rassasierons de ce feu aigre
    Ph., G.AdC







    la mort des êtres…



    la mort des êtres dénoue

    une eau lâche les nourrit ―

    la mort dissout les êtres

    ce feu acerbe les rassasie ―

               quand nous irons sous le ciel
               parcourir les longues plaines

               nous aurons en tête les cavales
               & les ombres de leurs maîtres ―

    danseurs

               sur la steppe courent encore
               les chevaux cousins du vent

                                             :

               nous boirons cette eau lâche qui corrompt
               nous nous rassasierons de ce feu aigre

                               nous serons déliés




    Jean-Paul Auxeméry, Les Animaux industrieux, volumen, Collection Poésie/Flammarion, 2007, page 105.





    AUXEMÉRY


    Auxemery
    Source



    ■ Jean-Paul Auxeméry
    sur Terres de femmes) ▼

    petits animaux
    tes haillons, bonhomme… (extrait de Failles/traces)





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  • Olav H. Hauge | Bashô

    « POÉSIE D’UN JOUR  »



    Bashô, in Nord profond. Photographie de François Monnet, Bleu autour, 2008, p. 42.
    Source







    BASHÔ



    Pas en auto
    ni en avion
    même avec un traîneau à foin,
    une carriole brinquebalante
    ou le char de feu du prophète Élie,

    tu n’iras pas plus loin
    que là où Bashô est allé
    à pied.




    Olav H. Hauge, Nord profond, poèmes, Bleu autour, octobre 2008, p. 43. Choix de poèmes, traduction et photographies de François Monnet.







    IKKJE BIL, IKKJE BÅT



    Ikkje bil,
    ikkje fly –
    anten ein høyslede
    eller ei skranglekjerre
    eller eldvogni til Elias !

    Du kjem ikkje lenger
    enn Basho.
    Han rakk fram til
    fots.




    Note : moine et poète japonais (1644-1694), Bashô est le créateur du haïku.





    Nord profond
    Fiche éditeur







    OLAV H. HAUGE

    Olav_h_hauge
    Ph. Jan Kløvstad, Samlaget
    Source



    ■ Olav H. Hauge
    sur Terres de femmes

    Nous ne voguons pas sur la même mer (poème extrait de Bateau de papier)
    Le pays bleu


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Nord profond)
    Projet d’exposition (Poèmes de Olav H. Hauge traduits par François Monnet. Photographies de François Monnet)
    le site de François Monnet





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  • Pierre Oster | La Grande Année, Dix-neuvième poème

    « POÉSIE D’UN JOUR  »




    DIX-NEUVIÈME POÈME
    Fragments



    La mer
    Ph., G.AdC




    La mer, qui couvre l’univers à la façon des moissons,
    Qui s’attarde avec force autour de ce chêne immobile,
    La mer, qui triomphe et mugit, fait de la lune une île…
    Au seuil du bois obscur où je suis à la fois chasseur et prisonnier,
    Je connais, un instant, qu’à ma droite un renard regagne son charnier.
    Le bruit d’un combat dans la campagne accroît ma vigilance.
    L’écho répercute l’appel qu’un oiseau nocturne me lance
    Du haut d’un arbre mort soutenu par un mur de torchis !
    Et c’est le même appel lorsque je dois bondir et lorsque je franchis
    Le seul chemin dans le ciel noir que n’ait foulé aucune bête !
    Je traverse des champs. Je traverse le ciel. Je renverse la tête…
    Une fleur ronde et sauvage a brûlé tout au bord d’un ravin.
    Plus qu’aux feuillages je sacrifie à la chaleur du Corps divin !
    J’ai deviné Vénus…




    J’ai deviné Vénus…
    Ph., G.AdC



    Pierre Oster, La Grande Année, éditions Gallimard, Collection Blanche, 1964, in Paysage du Tout, 1951-2000, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2000, pp. 147-148.




    BIO-BIBLIOGRAPHIE


    « Pierre Oster est le poète de la célébration du monde, dans la tradition rituelle retrouvée au XXe siècle par Claudel et Saint-John Perse. C’est le poète du verset, du scrupule, de la correction élevée au rang de valeur par excellence. Une voix, un espace, une langue de haute tenue : il n’y a dans cette poésie aucun souci de l’anecdote, du détail, du paysage en tant que tel. Nous sommes d’emblée sur le haut plateau des généralités (au meilleur sens du terme), de la métaphysique et de l’ontologie. Le poète ne veut être rien d’autre que l’un des « dociles arpenteurs de l’universel », il n’entend saisir dans les arbres que « leur régulière sagesse », l’essentiel étant de produire « en soi la possibilité d’un mouvement à jamais plus pur ». » (Cultures France)

    Pierre Oster, dit aussi Pierre Oster Soussouev, né à Nogent-sur-Marne le 6 mars 1933 et décédé le 22 octobre 2020, est d’origine luxembourgeoise. Après des études secondaires au collège Sainte-Croix-de-Neuilly et au lycée Buffon, il entre en classe de khâgne au lycée Louis-le-Grand et, en 1953, à l’Institut d’Etudes politiques de Paris. En 1954, il entre en contact avec Pierre Jean Jouve et publie « Premier poème » dans la revue du Mercure de France, et, aussitôt après, grâce à Jean Paulhan et Marcel Arland, « Quatrains gnomiques » dans La Nouvelle Revue française. Son premier recueil, « elliptique et fragmentaire », Le Champ de mai suivi de Notes d’un poète, paraît chez Gallimard en 1955 (Collection Métamorphoses) et reçoit le Prix Fénéon. Solitude de la lumière, suivi de Prétéritions (Gallimard, Collection blanche, 1957), vaut à Pierre Oster le Prix Max-Jacob, l’année même de sa mobilisation pour la guerre d’Algérie (1957-1959).

    En 1961, grâce à l’amitié de Jean Paulhan, Pierre Oster rencontre Saint-John Perse, puis fait connaissance avec Claude Tchou et entre au Cercle du Livre précieux/Éditions Tchou (où il publiera notamment les Œuvres de Jean Paulhan, 5 tomes, 1966-1970, une Anthologie de la poésie française du XVIIIe siècle, 1969, et [en collaboration avec Denis Hollier, Aude et Jeanne Matignon] un Nouveau dictionnaire de citations françaises, Hachette/Tchou, 1970). Toutes ces rencontres sont davantage la marque d’affinités que d’influences à proprement parler, comme son amitié avec Jean Grosjean, dont il préfacera La Gloire en 1969.

    À partir des années 1960, la poésie de Pierre Oster se mue en un véritable « souffle rhétorique ». « Placés sous le signe de Paul Claudel et de Saint-John Perse, les versets réguliers d’Un nom toujours nouveau (1960) ou de La Grande Année (1964) entreprennent une quête orgueilleuse : celle du langage et de l’univers. Préoccupé de métaphysique, Oster cherche à poser les fondements de la vérité sur la parole poétique elle-même » (Luc Pinhas) : « Poème : ouverture sur le réel, sur l’Esprit ; sur le Monde et l’éternel dessein divin » (Notes d’un poète).

    En 1970, Pierre Oster publie une étude sur Paul Claudel (« Claudel à jamais », La Nouvelle Revue française, n° 206, 1er février 1970). En 1971, à Leningrad, il épouse Angella Soussouev, dont, de 1977 à 1999, il adjoindra le patronyme au sien. En août 1975, il codirige avec Philippe Bonnefis la Décade Ponge à Cerisy-la-Salle (« Ponge inventeur et classique »), et est nommé, sur l’initiative de Denis Roche, membre du comité éditorial des Éditions du Seuil, dont il fait partie jusqu’en 1995.

    « L’aspiration métaphysique, la confiance dans le pouvoir du langage ou bien la libération lyrique du cri ou de l’intuition oraculaire situent Oster à contre-courant des tendances dominantes de la poésie française contemporaine, engagée dans une entreprise de réduction du langage et de mise en question du poème ; mais, par les préoccupations dont il se fait l’écho, il est en unisson avec les grandes questions que se pose la conscience moderne. » (Henri Lemaître).

    En octobre 2007, la Fondation il Fiore et l’Institut français de Florence ont organisé en son honneur une soirée d’hommage, au cours de laquelle le poète a lu en public une contribution spécialement écrite pour l’occasion : Question sur question.



    Parmi ses livres :

    Un nom toujours nouveau, poèmes 1957-1958 (Gallimard, Collection blanche, 1960) ;
    La Grande Année, poèmes 1959-1962 (Gallimard, Collection blanche, 1964) ;
    Les Dieux, poèmes 1963-1968 (Gallimard, Collection blanche, 1970 ; rééd. 1996) ;
    Chiffres en balade (co-auteur : Yutaka Sugita, Hachette, 1972, Collection Le vert paradis) ;
    Pratique de l’éloge (Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, Suisse, 1977) ;
    Requêtes suivi de Un Art poétique (Gallimard, Collection blanche, 1977 ; [version nouvelle] Le temps qu’il fait, Cognac [Charente], 1992; 1998) ;
    Pratique de l’éloge (Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1977) ;
    L’Alphée N° 6 (L’Alphée, 1981) ;
    Cérémonial de la réalité (Qui vive, 78124 Mareil-sur-Mauldre, 1981) ;
    Rochers (avec des planches d’Anne Stephane, 1982) ;
    Le Murmure (Marchant Ducel, 84130 Le Pontet, 1983) ;
    Vingt-neuvième poème suivi de L’Exploration de la poussière (entretien, L’Alphée, 1985) ;
    Art poétique, un ordre du mouvement, petits livres en préparation (Maison du livre de Pérouges, 1987) ;
    Dictionnaire de citations françaises (Robert, Collection Les usuels du Robert, 1987 ; rééd. Dictionnaires Le Robert, 2006) ;
    L’Ordre du mouvement, esquisses (Babel éditeur, 81 200 Mazamet, 1991 ; rééd. Babel, 2000) ;
    Une machine à indiquer l’hiver (Obsidiane, 89100 Sens, 1992) ;
    Saint-John Perse : Alexis et Dorothée Leger (Babel éditeur, Mazamet, 1992 ; éd. définitive, revue et augmentée, Babel éditeur, 2005) ;
    Alchimie de la lenteur (Babel éditeur, Mazamet, 1997) ;
    Le Savoir de la terre (Babel éditeur, Mazamet, 1998) ;
    Paysage du Tout, 1951-2000 (extraits des cinq recueils du poète parus chez Gallimard, Poésie/Gallimard n° 346, 2000). Préface d’Henri Mitterand ;
    Gare au bon samaritain (Gallimard, Collection blanche, 2000) ;
    Hiver s’amenuise (Virgile, Collection Ulysse fin de siècle, 2003).






    Pierre Oster  Paysage du Tout





    ___________________
        Pour avoir un meilleur éclairage sur l’œuvre de Pierre Oster, se reporter à l’article de Philippe Jaccottet dans La Nouvelle Revue française, 1er mai 1958, n° 065 : « Pierre Oster, poète de l’unité animée », et à celui de Jacques Réda, toujours dans La Nouvelle Revue française, 1er mai 1970, n° 209 : « Pierre Oster, les Dieux ».

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    PIERRE OSTER (1933-2020)


    Pierre Oster





    Pierre Oster
    sur Terres de femmes


    La Grande Année, Dix-septième poème
    Un nom toujours nouveau, Treizième poème





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