Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Esther Tellermann | Voix à rayures

    «  Poésie d’un jour  »


    Ph., G.AdC               

    VOIX À RAYURES


    Pour Henri                                  


    Chevauchons_nos_syllabes_dune_pas_2

    Dans le nom du troisième
    et sa boucle
    j’emplissais le monde
    d’épilobes
         de socles
    de gneiss  et de
    doubles reflets
    et sur l’ancienne mer
    là où l’homme
    avait pris la couleur
    j’attendais le faucon

    la ville de douze étoiles.






    Rêve maintient
    le rêve   si
    ne sommes trop lourds
          inventons
    une noce
    une couche animale
    à l’intérieur de la vague
                     si
    chevauchons    nos syllabes
    d’une passe
           à l’autre
    et nos rires     comme
    paquets d’émeraudes

    trouent le souvenir.






    Je le fis
    neige hospitalière
          craquelures
    jardins lavés
    d’Europe
    reste d’un chant ancien.
    Je le fis
    association de l’air
          sillon qui n’ensevelit

    dépose dans sa force.






    Là j’ai croisé
    Les eaux musicales.
    Brumes enveloppaient   nos promenades
    Nous étions
    rameurs     nous
    promenions l’archet
    sur les mondes creux
    devenus plus légers
    nous maintenions le rêve
    nous nous fîmes
               pluie
    pour sérier l’absence.







    Esther Tellermann, « Voix à rayures » [extrait], Le Poème Meschonnic, Revue littéraire Faire Part, 2008, pp. 161-162.






    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes


    Carnets à bruire
    Corps rassemblé (lecture d’AP)
    [Pour elle il voulut] (extrait de Corps rassemblé)
    Éternité à coudre (lecture d’AP)
    [Un écho un roman] (extrait d’Éternité à coudre)
    [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    [Jours firent de toi ma teinture]
    [Onde] (poème extrait du recueil Voix à rayures)
    Première version du monde (lecture d’AP)
    Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
    [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
    Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature) une
    fiche bio-bibliographique sur Esther Tellermann
    → (sur Recours au poème)
    Une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Julien Bosc | (Et toi, qui es-tu ?)

    «  Poésie d’un jour  »



    Et ma solitude
    Ph., G.AdC






    (ET TOI, QUI ES-TU ?)




    Serti par des racines d’héliotropes blancs et mauves, un échange ― aux confins du désir :
    ― Que regardes-tu ?
    ― Le dais d’ombre par-dessus les pliures de la mémoire.
    ― Que vois-tu ?
    ― Rien. La nuit. Une citadelle. Un pont de pierre. Des fougères orange ou jaunes le long d’un chemin. Le ciel violet du couchant. L’erg silencieux. Une très grande tristesse. Ta solitude. La mienne. Rien. La nuit.
    ― Comment est la nuit ?
    ― Claustrée, butinée par les abeilles.
    ― Et la citadelle ?
    ― Désertée.
    ― Et le pont de pierre ?
    ― Ouvert de part en part, délié du présent par la mortelle blessure.
    ― Et les fougères ?
    ― En javelles, fauchées par des grêlons de miel.
    ― Et le couchant, le ciel violet ?
    ― Et l’erg silencieux ?
    ― Sans cesse mouvant quoique immuable ?
    ― Et la très grande tristesse ?
    ― Amnésique, repliée sur elle-même, en boule.
    ― Et ma solitude ?
    ― Semblable à la mienne.
    ― Et la tienne ?
    ― Sans égale.
    ― (Et toi, qui es-tu ?
    ― La question à laquelle ni toi ni moi ne pouvons répondre.)



    Julien Bosc, Je n’ai pas le droit d’en parler, Atelier La Feugraie, Collection L’Allure du chemin, dirigée par Jean-Pierre Chevais et Alain Roger, 14770 Saint-Pierre-la-Vieille, 2008, pp. 26-27.







    Bosc Feugraie





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source



    Né en 1964 à Boulogne-Billancourt. Ethnographe (spécialiste de la sculpture africaine et plus particulièrement de la statuaire lobi), Julien Bosc a publié deux textes aux éditions L’Éther vague/Patrice Thierry (maison d’édition toulousaine reprise par les éditions Verdier après la mort de Patrice Thierry en 1998) : L’Oculus (récit, 1991), Préludes (nouvelles, 1995) ; aux éditions Détroits, Distraction (1999) ; aux éditions Unes, Pas (1999) ; aux éditions Rehauts, Maman est morte (2012) ; chez Approches-éditions, Tout est tombé dans la mer (2014) ; aux éditions la tête à l’envers, De la poussière sur vos cils (2015) ; aux éditions Quidam, Le Corps de la langue (2016. Préface de Bernard Noël) ; aux éditions Potentille, La Coupée (2016) ; à l’Atelier de Villemorge, Le Verso des miroirs (2018) ; aux éditions la tête à l’envers, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (2018) ; aux éditions faï fioc, La Demeure et le lieu (2019) ; aux éditions Collodion, Goutte d’os (2020. Préface de Françoise Clédat). Vient de paraître, en juin 2020, aux éditions le Réalgar : Le coucou chante contre mon cœur, ultime recueil posthume.
    Julien Bosc a fondé en 2013 et dirigé les éditions Le phare du Cousseix. Il est décédé le 26 septembre 2018 à Croze (Creuse).




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    Goutte d’os (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    le site des éditions la tête à l’envers
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Christine Bonduelle | ambivalences


    «  Poésie d’un jour  »



    CONVERSATION




    Ambivalences
    Ph., G.AdC





    Solidaires
    les voix
    à s’attendre

    chercheuses
    de chaque côté
    du mur

    remueuses
    de pierres
    à tâton
    perceuses
    de jour
    en trouées

    éparses
    étirant l’œil
    à l’intérieur.






    VOIX ÉMUE


    aigu

    nœud aux cordes
    tire un voile

    grave.




    Christine Bonduelle, « Conversations », Bouche entre deux, Obsidiane, collection « Le legs prosodique », 2003, pp. 9 et 11.






    Ce frais silence
    regard d’eau
    tenue secrète
    en sous-bois
    ronceux
    toucheur d’âme
    qui vive
    lointaine
    est-ce toi
    ou rien
    n’y a-t-il
    rien que cris
    sans voix ?




    Christine Bonduelle, « Agapê », Bouche entre deux, id., page 28.






        Ce recueil poétique est le premier recueil de Christine Bonduelle (née le 5 juin 1959) publié chez Obsidiane (un premier recueil à diffusion restreinte, Aigu en Parallèle, ayant paru en janvier 1997 aux éditions de la Librairie-Galerie Racine). Seuls quelques poèmes avaient déjà paru dans Le Petit Digital illustré et la revue de poésie Le Mâche Laurier. « Dans la tradition du dix-septième siècle, les deux premières parties de Bouche entre deux se présentent comme un manuel moderne sur la conversation. Conversations dresse l’inventaire de ses nombreuses facettes, tandis qu’Agapê retrace une expérience de dialogue quasi silencieux. Le souci de se former à l’art de la conversation va de pair ici avec une extrême concision. […] Imprégnés d’une forte tension entre rigueur formelle et hardiesse de ton, ces textes courts s’entrechoquent et dégagent une grande énergie poétique. » (Quatrième de couverture du recueil).

        Outre une publication dans la revue Pleine Marge (n° 47, juin 2008), un nouvel ouvrage de Christine Bonduelle, Ménage, a été publié en juin 2010 par les éditions Obsidiane. Christine Bonduelle est par ailleurs responsable de la rubrique Poésie de Secousse, la revue de littérature en ligne des éditions Obsidiane, dont le sixième numéro a paru en mars 2012.





    CHRISTINE BONDUELLE


    Bonduelle
    Source



    ■ Christine Bonduelle
    sur Terres de femmes

    Soif (autre poème extrait de Bouche entre deux)
    Ménage (note de lecture d’AP)
    Impossible ça ne marchera pas (poème extrait de Ménage)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Christine Bonduelle | [sans titre]



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la revue Secousse [Quatrième])
    huit poèmes de Christine Bonduelle
    → (dans la sonothèque de la revue Secousse)
    huit poèmes de Christine Bonduelle lus par l’auteure





    Retour au répertoire de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • François Cheng | Rose d’indigo

    «  Poésie d’un jour  »



    Rose_d_indigo
    Ph., G.AdC







    ROSE D’INDIGO



    Rose d’indigo
                      rose innommée
                      toujours changeante
    Tu ne mourras point

    Rose d’indigo
                      ou d’émeraude
    Entre brume et lune
                      n’es-tu de nuit ?

    Rose d’un seul rêve
                      au chant ouvert
                      au parfum clos
    Tu ne mourras point

    Tu n’es que mémoire
                      tu n’es qu’oubli
    Entre argile et brume
                      n’es-tu d’ici ?




    François Cheng, Qui dira notre nuit [Arfuyen, 2003 ; éd. revue et augmentée, 2010, page 17], À l’orient de tout, Gallimard, Collection Poésie, 2005, page 225.



    FRANÇOIS CHENG


    Cheng
    Source




    ■ François Cheng
    sur Terres de femmes


    L’appel de la mer
    [Consens à la brisure] (extrait d’Enfin le royaume)
    Longtemps à longer cette eau sans âge
    [Oui, nous suivrons le sentier]
    [Suivre le poisson, suivre l’oiseau]
    Tango toscan




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de l’Académie française)
    une bio-bibliographie de François Cheng





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Saint-John Perse | Invocation, 3

    «  Poésie d’un jour  »



    La_mer
    Ph., G.AdC






    INVOCATION

    3




        Poésie pour accompagner la marche d’une récitation en l’honneur de la Mer.
        Poésie pour assister le chant d’une marche au pourtour de la Mer.
        Comme l’entreprise du tour d’autel et la gravitation du chœur au circuit de la strophe.

        Et c’est un chant de mer comme il n’en fut jamais chanté, et c’est la Mer en nous qui le chantera :
        La Mer, en nous portée, jusqu’à la satiété du souffle et la péroraison du souffle.
        La Mer, en nous, portant son bruit soyeux du large et tourte sa grande fraîcheur d’aubaine par le monde.

        Poésie pour apaiser la fièvre d’une veille au périple de mer. Poésie pour mieux vivre notre veille au délice de mer.
        Et c’est un songe en mer comme il n’en fut jamais songé, et c’est la Mer en nous qui le songera :
        La Mer, en nous tissée, jusqu’à ces ronceraies d’abîme, la Mer, en nous, tissant ses grandes heures de lumière et ses grandes pistes de ténèbres ―

         Toute licence, toute naissance et toute résipiscence, la Mer ! la Mer ! à son afflux de mer,
        Dans l’affluence de ses bulles et la sagesse infuse de son lait, ah ! dans l’ébullition sacrée de ses voyelles ― les saintes filles ! les saintes filles ! ―
        La Mer elle-même tout d’écume, comme Sibylle en fleur sur sa chaise de fer …


    Saint-John Perse, Invocation, 3 in Amers [1957], Gallimard, Collection Poésie, 1970, p. 15.





    SAINT-JOHN PERSE


    Sjp


    Pour en savoir plus sur Saint-John Perse, se reporter au site « 
    Saint-John Perse, le poète aux masques », où il est possible d’écouter de nombreux extraits d’archives sonores, dont de longs extraits du Discours de Stockholm.


    ■ Saint-John Perse
    sur Terres de femmes

    31 mai 1887 | Naissance de Saint-John Perse
    Trentième anniversaire de la mort de Saint-John Perse par Joëlle Gardes
    Du Maître d’astres et de navigation
    Me voici restitué[e] à ma rive natale
    Pétrels, nos cils
    Vents



    Retour au répertoire de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Paul Celan | Lob der Ferne

    «  Poésie d’un jour  »



    Plus_noir_au_fond_du_noir_je_suis_p
    Ph., G.AdC







    LOB DER FERNE



    Im Quell deiner Augen
    leben die Garne der Fischer der Irrsee.
    Im Quell deiner Augen
    hält das Meer sein Versprechen.

    Hier werf ich,
    ein Herz, das geweilt unter Menschen,
    die Kleider von mir und den Glanz eines Schwures :

    Schwärzer im Schwarz, bin ich nackter.
    Abtrünnig erst bin ich treu.
    Ich bin du, wenn ich ich bin.

    Im Quell deiner Augen
    treib ich und träume von Raub.

    Ein Garn fing ein Garn ein :
    wir scheiden umschlungen.

    Im Quell deiner Augen
    erwürgt ein Gehenkter den Strang.






    ÉLOGE DU LOINTAIN



    Dans la source de tes yeux
    vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante.
    Dans la source de tes yeux
    la mer tient sa parole.

    J’y jette,
    cœur qui a séjourné chez des humains,
    les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment :

    Plus noir au fond du noir, je suis plus nu.
    Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle.
    Je suis toi, quand je suis moi.

    Dans la source de tes yeux
    je dérive et rêve de pillage.

    Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse :
    nous nous séparons enlacés.

    Dans la source de tes yeux
    un pendu étrangle la corde.



    Paul Celan, Pavot et mémoire in Choix de poèmes réunis par l’auteur (édition bilingue), Gallimard, Collection Poésie, 1998, page 43. Traduction de Jean-Pierre Lefebvre.






    ■ Paul Celan
    sur Terres de femmes

    23 novembre 1920 | Naissance de Paul Celan
    La main pleine d’heures
    Lointains
    Stimmen
    TANT D’ASTRES
    Tübingen, Jänner
    13 février | Paul Celan, Tout en un
    5 décembre 1960 | Lettre de Nelly Sachs à Paul Celan
    Jeudi 11 décembre 1969 | Lettre de Paul Celan à Ilana Shmueli
    Correspondance Nelly Sachs | Paul Celan



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Lyrikline)
    Paul Celan disant lui-même dix de ses propres poèmes





    Retour au répertoire de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • René Daumal | La Seule

    «  Poésie d’un jour  »



    Au_carrefour_martel_de_la_lune
    Ph., G.AdC







    LA SEULE


    Je connais déjà ta saveur
    je connais l’odeur de ta main
    maîtresse de la peur,
    maîtresse de la fin.

    J’ai touché déjà tes os
    à travers ta chair sans âge
    pétrie d’insectes millénaires
    et de calices de fleurs futures.

    J’ai dormi depuis les déluges, j’ai dormi
    au fond de toi, sur ton épaule, j’ai dormi sans nom
    ― ta poitrine n’a pas changé
    l’air de la vie n’a plus le nerf de m’éveiller ―
    ne me nomme jamais, ne me réveille pas,
    tes poumons immobiles ont désappris aux miens
    à respirer le souffle faible de ce monde,

    le mourant ! car il agonise dans les trompettes,
    les pluies battantes, et qu’il crève, le géant faible,
    monde vieillard qui s’époumone
    dans le feu pâle auréolant ta tête.
    Cette lueur, ô veilleuse aveugle des morts, pensante
    sans sommeil au fond des rêves
    loin de l’huile de la vie,
    endormeuse, nous avons ensemble ce secret
    que je t’ai pris au carrefour martelé de lune ;
    souviens-toi, tu étais habillée en petite fille,
    tu guettais sur les dalles, la bouche sur ton secret.
    […]


    René Daumal, Le Contre-Ciel [1936], Gallimard, 1955 ; Collection Poésie, 1970, pp. 62-63.





    ■ René Daumal
    sur Terres de femmes

    [Rien ne ressemble…]
    21 mai 1944 | Mort de René Daumal





    Retour au répertoire du numéro de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Alain Marc | gris noir intense

    «  Poésie d’un jour  »




    Bertrand_crach_la_source
    Bertrand Créac’h, la source, 2006
    Ph. angèlepaoli
    d’après Ph. de Jean-Louis Bouché




    gris noir intense

    points
    tapés frappés

    noir doux gris

    dessus lisses
    et plus clairs
    que les côtés pi
    quetés

    Terre
    rizières collées

    doucement le gris
    naît de la forme pi
    quetée
    façonné
    dans la matière noire

    Alain Marc, « gris noir intense » in poème en marbre noir [sculpture de Bertrand Créac’h : la source, 2006], En regard sur Bernard Créac’h, Poèmes sculptures & lavis, Éditions Dumerchez, 2008, s.f.




    Alain__marc__en_regard_sur_bertrand
    Source



    Retour au répertoire de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Rachel Blau DuPlessis | Image persistante

    «  Poésie d’un jour  »



    Point de fuite
    Ph., G.AdC







    IMAGE PERSISTANTE



    Il s’est avancé dans l’espace entre

    lui-même

    et son agonie

    ce souffle par lequel

    sans patrie

    les eaux nacrées remontent pour se muer en boue.

    Sans plan. Cette terre

    n’a pas de nom.

    Profond huileux
    passage, plus d’élément

    primitif, ni

    retours ni

    reculs, loin

    d’obscure découverte.






    Entre ténèbre et lumière

    avant que le fil blanc puisse être distingué

    du noir avant qu’il soit

    palpable, comment les distinguer

    l’un l’autre comment

    la sente noire pourrait-elle être

    blanche, le champ ténébreux du miroir distingué

    semi-vide, comment s’échiner et ne pas S’en

    trevoir ?






    Champ ténébreux, blanc miroir semi-vide il y
    a là un point de fuite.

    Tes yeux ouverts, vers l’intérieur,
    tes yeux fixent tes yeux te
    fixent encore
    complice, exclu.

    Puits
    de fuite d’un lieu sondé.

    Douce
    au flanc de la colline s’émiette        la faille brune
    humide

    en-dedans ;
    mares d’eau nue         l’écume verte monte
    du fond.






    Parce que
    cela n’avait pas de lieu
    et ne pouvait monter ni choir quelle que soit
    la poussée

    il marche,
    avançant calmement
    vers quoi

    excédé par l’ennui
    la banalité la
    paix. Le temps.



    Rachel Blau DuPlessis, « Image persistante » (1986), Tabula rosa, Potes and Poets Press, 1987, traduit par Yves di Manno in 49 + 1 Nouveaux Poètes américains choisis par Emmanuel Hocquard et Claude Royet-Journoud, Un bureau sur l’Atlantique & Éditions Royaumont, 1991, pp. 79-80-81.




    ___________________________________________________________
    Note d’AP : le texte « Image persistante » (1986) de Rachel Blau DuPlessis a été repris dans l’ouvrage d’Yves di Manno : Objets d’Amérique, José Corti, Collection Série américaine, 2009, pp. 205-213.






    RACHEL BLAU DUPLESSIS

    RACHEL BLAU DuPLESSIS
    Source



    Rachel Blau DuPlessis est née en 1941 à Brooklyn, New York.

    « J’écris ce que j’ai besoin de lire. Je travaille à partir d’une poétique de critique. Il me paraît essentiel dans mon écriture, de continuer à inventer les pratiques expérimentales et novatrices du modernisme — la prose polyvocale, le collage, l’hétéroglossie, le métissage générique, la diction créolisée — tout en les imprégnant d’une éthique et d’une sincérité qui viennent des traditions objectiviste et féministe-humaniste » (id., page 314).



    ■ Rachel Blau DuPlessis
    sur Terres de femmes

    [It’s hard for me to talk about poetry] (extrait de Brouillons)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Electronic Poetry Center)
    une bio-bibliographie de Rachel Blau DuPlessis
    → (sur PennSound)
    un très grand nombre d’archives sonores et vidéos






    Retour au répertoire du numéro de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sandro Penna | Chroniques de printemps

    «  Poésie d’un jour  »



    Les_longs_cris_des_trains_allums_da
    Ph., G.AdC







    CRONACHE DI PRIMAVERA



                                              Il primo uomo
    nudo, al mattino sul greto del fiume
    rabbrividiva ancora. Amore, a sera,
    tormentava la donna che il fanciullo,
    meraviglioso, abbandonava : il vivido
    gesto di lui io vidi entro una buia
    strada protesa alla campagna : amici
    gli erano i nuovi campi e il sole — i lunghi
    gridi dei treni nella notte accesi.

    L’amore di se stessi non è forse un sogno
    vissuto ad occhi aperti per le strade?



    Sandro Penna, Stranezze [1957-1976], in Poesie, Garzanti Editore, Collana Gli Elefanti, febbraio 2000 (settima edizione), pp. 419-420. Prefazione di Cesare Garboli.






    CHRONIQUES DE PRINTEMPS



                                 Le premier homme
    nu frissonnait encore,
    le matin dans le lit du fleuve.
    Amour, le soir,
    tenaillait la femme abandonnée
    par sa merveille d’enfant : j’ai vu
    son geste vif dans la pénombre
    d’une route tendue vers la campagne : ses amis
    c’étaient les champs neufs et le soleil — les longs
    cris des trains qui flamboient dans la nuit.

    L’amour de soi ne serait-il rien d’autre qu’un songe
    éveillé sur les chemins ?


    Traduction inédite Angèle Paoli







    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE



    Né à Perugia (Pérouse) le 12 janvier 1906, Sandro Penna a vécu essentiellement à Rome où il est mort le 21 janvier 1977. À Milan, où il passé une brève période de sa vie, il a travaillé comme commis dans une librairie puis exercé divers métiers (traducteur, antiquaire,…) avant d’être introduit (1929) dans le milieu littéraire par Umberto Saba, avec qui il s’était lié d’une amitié chaleureuse.

    Son premier recueil, Poesie [1927-1938], publié en 1939, est suivi d’autres recueils — Appunti (1950) et Una strana gioia di vivere (1956), traduit de l’italien par Jean-Noël Schifano et Dominique Fernandez (Une étrange joie de vivre, Fata Morgana, 1979). Après une période de long silence suivront l’édition par Garzanti de Tutte le Poesie (1970) — qui contribueront à la redécouverte de Penna par les intellectuels italiens —, puis Stranezze (publié en 1976, quelques mois avant la mort de Sandro Penna). Il viaggiatore insonne (1977) et Confuso sogno (1980) ont été publiés après la mort du poète.

    Les œuvres complètes de Sandro Penna — une figure quelque peu isolée dans la poésie italienne contemporaine — ont été éditées en septembre 1989 par les Éditions Garzanti dans la collection Gli Elefanti. Une nouvelle édition des œuvres complètes de Sandro Penna, intitulée Poesie, Prose, Diari, a paru chez Mondadori, dans la collection « I Meridiani », en juin 2017.
        Comme le souligne Philippe Di Meo, « grâce et légèreté se conjuguent dans cette œuvre tout à la fois limpide et délicate. Ses poèmes sont la plupart du temps brefs, de menues notations traduisant la stupeur, la surprise ou l’enchantement. L’ensemble constitue un canzionere de l’amour homosexuel.

    Fait remarquable, il est impossible de retracer l’évolution interne de cette poésie tant elle demeure égale à elle-même au fil du temps, comme si aucune temporalité ne pouvait l’entamer. Sensuelle, attentive aux suggestions d’atmosphère, l’élégie de Penna est parfois voilée d’un soupçon de mélancolie. Ouvriers, soldats, jeunes gens, paysages urbains et de banlieues constituent, avec celui de la solitude, ses thèmes habituels. » (Trente ans de poésie italienne, 1, Belin, 2004, page 70)





    SANDRO PENNA


    Sandro_Penna 3
    Source




    ■ Sandro Penna
    sur Terres de femmes


    L’automne me parle déjà
    [Nuit : rêve de fenêtres] (poème extrait de Croix et délice)
    [La vie… c’est se souvenir d’un réveil]
    Un’estate




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur italialibri) une
    bio-bibliographie (en italien) sur Sandro Penna
    → (sur Imperfetta Ellisse) une
    note très pertinente (en italien) de Giacomo Cerrai à propos du centenaire de la naissance de Sandro Penna





    Retour au répertoire du numéro de mai 2008
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes