Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Liu Shenxu | Le chemin s’étend à perte de vue

    «  Poésie d’un jour  »




    Liu_shenxu
    LE CHEMIN S’ÉTEND À PERTE DE VUE

    Le chemin s’étend à perte de vue dans les nuages blanchâtres
    Le printemps longe le cours d’eau bleuâtre
    Allégrement des pétales tombent de temps à autre
    Le ruisseau charrie très loin leur parfum
    Silencieuse, la porte s’ouvre sur un sentier de la montagne
    Les saules cachent un pavillon de lecture
    Les rayons du soleil pénétrant à travers l’ombre
    Dansent joyeusement sur les robes

    Liu Shenxu (VIIIe siècle — dynastie des Tang), in Shi Bo, Saisons, Poèmes des dynasties Tang et Song, Éditions Alternatives, 1998, page 22. Traduction du chinois par Shi Bo.



        Ph, G.AdC





    Voir aussi :
    – (sur le site de ELT OBSERVER/IATEFLChina.org) une
    anthologie de poèmes chinois tang et song (notamment de Li Bai, Du Fu, Meng Haoran et Wang Wei). On y retrouvera le poème ci-dessus.



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  • Emily Dickinson, Quatrains

    «  Poésie d’un jour  »




    Emily_dickinson
    Image, G.AdC




    11


    The Duties of the Wind are few ―
    To cast the ships at Sea ―
    Establish March ― the Floods escort
    And usher Liberty.



    Peu nombreuses les Tâches du Vent ―
    Couler les bateaux en Mer ―
    Installer Mars ― escorter les Crues
    Introduire la Liberté.

                                       (À Susan Dickinson)



    Emily Dickinson, Quatrains et autres poèmes brefs, III. 1866-1876,
    éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2000, pp. 106-107. Édition bilingue.
    Traduction et présentation de Claire Malroux.








    *


    Summer laid her supple Glove
    In it’s sylvan Drawer ―
    Wheresoe’er, or was she ―
    The demand of Awe ?



    L’Été a rangé son Gant souple
    Dans son Tiroir sylvestre ―
    En tout lieu, ou a-t-il obéi ―
    À l’ordre de l’Effroi ?

                                       (Lettre à T.W. Higginson)



    Emily Dickinson, id., IV. 1876-1886, pp. 150-151.





    8


    Sometimes with the Heart
    Seldom with the soul
    Scarcer once with the might
    Few ― love at all



    Parfois avec le Cœur
    Peu souvent avec l’âme
    Plus rarement avec force
    Peu ― aiment vraiment



    Emily Dickinson, ibid., V. Sans date, pp. 214-215.





    EMILY DICKINSON


    Emily Dickinson Guidu
    Image, G.AdC





    ■ Emily Dickinson
    sur Terres de femmes


    10 décembre 1830 | Naissance d’Emily Dickinson
    15 mai 1886 | Mort d’Emily Dickinson
    [As imperceptibly as Grief]
    [Je compte]
    [We learned the Whole of Love](poème extrait de Nous ne jouons pas sur les tombes)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Emily Dickinson (+ Lettre à Thomas W. Higginson)





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  • Béatrice Bonhomme | La terre rouge

    «  Poésie d’un jour  »



    Portrait_de_batrice_bonhomme
    Image, G.AdC





    LA TERRE ROUGE



    La terre rouge, une déchirure de nuit, les grands grumeaux de terre éclatant dans les vignes. La sueur rousse écartelée. Un prieuré sévère en pierres de sable s’écoulant dans les chênes, les vignes comme une rose non encore ouverte au prisme de verdure. Le vert et le rouge échangent des provocations d’amour. Le silence éclate au cœur.

    Les dédales d’un labyrinthe brûlant dans le vent des pierres, comme un marché au désert, et parfois une oasis de platanes à l’ombre d’un jardin retiré, la brûlure d’une traversée silencieuse dans les ruelles de la ville, puis l’ombre recueillie d’une maison offerte au sable. La fresque porte la lumière, trois fois ourlée des cordelettes de prière.

    Sur les murs de la maison qui va être détruite, les taches de couleur, les oiseaux, les marques du désir ont laissé une colle rose. Les couleurs éclaboussent le matin, dans les formes enfantines d’un trait mal défini. Le sabre entre les cuisses, la fresque viole la lumière dans une fin d’après-midi qui doit mourir.

    Une fontaine est posée entre les murs, sa pluie avive les couleurs projetées dans la lumière.



    Béatrice Bonhomme, Courbe de calligraphie silencieuse (extrait) in Revue Nu(e), 34, septembre 2006, page 97.





    Le_silence_clate_au_cour
    Ph., G.AdC





    BÉATRICE  BONHOMME


    Béatrice Bonhomme Bourdelas 2
    D.R. Ph. Laurent Bourdelas





    ■ Béatrice Bonhomme
    sur Terres de femmes

    Tharros (extrait des Boxeurs de l’absurde)
    Mutilation d’arbre (lecture d’AP)
    Le pacte des mots
    Passage du passereau
    [Les petits chevaux de Tarquinia]
    Poumon d’oiseau éphémère
    Sauvages
    T’écrire adolescent
    Tes nuits sont devenues mes jours
    Variations du visage & de la rose (lecture de France Burghelle Rey)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Un lacis de sang et d’ombre
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d’oiseau éphémère et l’excipit de Mutilation d’arbre



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Kaléidoscope d’Enfances
    → (sur Wikipedia)
    une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
    → (sur Terres de femmes)
    La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
    → (sur le site de la Revue d’art et de littérature, musique)
    un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 – décembre 2008)





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  • Hélène Sanguinetti | De ce berceau, la mer

    «  Poésie d’un jour  »




    De ce berceau, la mer

                (avec ses voix,

                                                     la grande gorge qui roucoule)

                                                                              À elle, jeté ou confié ?

    Et toujours, oliviers vignes figuiers, le vent qu’Ulysse-épargné

    respire

                                                   Qui suis-je, osier ?

    Aux mailles gonflées

    un jour répondra

    une chaîne tombée au cou !

       Mieux nuages que moustiquaire ou voile dansant ————————

    ———————  Qui suis-je, osier ?




    D’un dieu, de l’or casqué de ses jambes

    Ou du très jeune homme père, sorti ramer près du soir autour de

    l’île pour muscler les épaules ?

    D’ici ballotté dans l’écume et rongé,

                                                   reste quoi de ce qui fut ?

    Donne à la fin son nom,

                                l’eau noire blanche de mouettes,

    où aucun nageur  ———————

                                                      Son nom de Maïre,

                                                      Un caillou sur la mer  ———————  l’enfant




    Hélène Sanguinetti, D’ici, de ce berceau, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2003, pp. 40-41.







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  • Issa Makhlouf | Celui qui part, laissons-le partir

    «  Poésie d’un jour  »



    CELUI QUI PART, LAISSONS-LE PARTIR


    IX

    Ph., G.AdC       

    Loiseau_lhaut_cest_toi_3

    Celui qui part, laissons-le partir. Nous n’avons pas à détourner le fleuve de son cours, à contrer la pérégrination du nuage. Celui qui part, même s’il nous revient un jour, ne reviendra plus. Car son retour se sera effectué du côté de l’absence dont il nous menacera sans cesse alors qu’elle fut jadis un mystère lové dans son visage.

    Le visage passe, et sa beauté demeure. La lampe s’éteint, et sa lumière persiste.

    Celui qui part, laissons-le partir. Ne le suivons pas à la trace, ne l’appelons pas, et n’ayons nul regret de ne pas lui avoir dit le dernier mot.

    À quoi bon l’attendre, alors qu’il est sorti du cercle de notre attente ?

    En dehors de l’attente, nous n’avons plus besoin de l’autre. Nous en avons fini avec lui comme lorsque nous refermons un livre et nous abandonnons au sommeil. Puis, à notre réveil, nous voyons passer le temps, accompagné de nos corps poignardés mais ne perdant pas de sang.

    Celui qui part, laissons-le partir.

    En ce midi, tu étais plantée sur le rivage. Tu as renversé la tête pour regarder là-haut le vol plané des mouettes. L’une d’elles essayait de s’approcher de toi. Elle criait sans oser se rapprocher davantage, semblant redouter la traversée d’une frontière invisible. Tu es restée figée, voulant savoir ce qu’elle cherchait à te transmettre. Elle volait, descendait lentement, puis brusquement elle s’est immobilisée, le bec pointé vers la tête.

    L’ayant scrutée un bon moment, tu t’es retournée vers moi et m’as dit : «  L’oiseau là-haut, c’est toi. Pourquoi ne viens-tu pas ? Pourquoi me regardes-tu comme si tu ne me connaissais pas ? [Variante de la traduction définitive : Pourquoi me regardes-tu en feignant de ne pas me reconnaître ?] Tu me désires de loin comme si tu convoitais la femme d’un autre. Approche. Viens et prends-moi. »

    Celui qui part, laissons-le partir et ne suivons pas ses traces. Dorénavant, ses traces disparaîtront et il sera libre comme le vent. Celui qui part ne sait pas qu’il part. Il s’engage dans la même voie qu’il a empruntée pour venir.

    Laissons partir celui qui veut partir. Ne voyons-nous pas qu’il est gravé tel qu’il était à la fleur de l’âge, lorsqu’il fut ?

    Celui qui part, laissons-le partir en paix.



    X


    Plane, ô oiseau. Plane bien haut. Loin. Dans toutes les directions. N’arrête pas de battre des ailes. Ne t’arrête pas, oiseau.



    Issa Makhlouf, Marges, traduit de l’arabe par Abdellatif Laâbi, revue littéraire mensuelle Europe, janvier-février 2008, n° 945-946, pp. 290-291.1



    ____________________________________
    1. Ce texte est extrait de Lettre aux deux sœurs [Rissala ila al-ukhtayn, Éditions An-Nahar, Beyrouth, 2004], paru en traduction française chez José Corti en octobre 2008 (pp. 120-121 et p. 127 [excipit]).



    *
            *   *



    Écrivain, poète et journaliste (Radio Orient), Issa Makhlouf est né en 1955 à Zghorta (Liban) et réside à Paris depuis 1979. Docteur en anthropologie sociale et culturelle (Université de la Sorbonne), il a publié plusieurs ouvrages en arabe et en français, et également traduit des auteurs français et latino-américains (Issa Makhlouf est l’auteur d’un essai sur l’œuvre de Jorge Luis Borges : Rêves d’Orient [Borges aux confins des mille et une nuits], 1997).

    Parmi ses dernières publications : Mirages, Éditions Corti, Paris, 2004. Traduit de l’arabe (Liban) par Nabil El Azan ; Rissala ila al-ukhtayn, Éditions An-Nahar, Beyrouth, 2004 ; trad. fr. Lettre aux deux sœurs, José Corti, 2008. Traduit de l’arabe (Liban) par Abdellatif Laâbi ; La Pomme du Paradis (Réflexions sur la culture contemporaine), Éditions Al-Markaz Assakafi Al-Arabi, Beyrouth, 2006 ; Une ville dans le ciel, Éditions Corti, Paris, 2014. Traduit de l’arabe (Liban) par Philippe Vigreux.






    ISSA MAKHLOUF


    Issa_2
    Ph. © Thierry Rambaud/
    IMA



    ■ Issa Makhlouf
    sur Terres de femmes

    Au-delà de la vue (extrait de Mirages)
    Issa Makhlouf, Lettre aux deux sœurs (note de lecture d’AP)
    L’écriture sourit à la mort (extrait d’Une ville dans le ciel)
    Les pluies des amants (autre extrait d’Une ville dans le ciel)
    Où es-tu ? (extrait de Leurs rêves endormis flottent sur les vagues)



    ■ Voir aussi ▼

    → le
    site officiel d’Issa Makhlouf
    → (sur le site des Éditions José Corti) la
    page consacrée à Mirages d’Issa Makhlouf
    → (sur Terres de femmes)
    Abdellatif Laâbi | Tu passes sans passer
    → (sur Terres de femmes)
    « Les traversées poétiques d’Andrée Chedid »





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  • Denis Roche | Par tant de temps marchant

    «  Poésie d’un jour  »



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    Ph., G.AdC






    PAR TANT DE TEMPS MARCHANT



    Par tant de temps marchant dans des Grèces rui-
    nées, sans aimer j’admirerai d’en sortir une
    lumière où je marche sur la ligne qui suit
    Celuy qui sçait quel toast il découvre ni quand
    Dans quelle demeure si ce ne sera pas pour nous
    Une aise, une heure d’aise, l’abondance qui
    Nous a si bien défigurés, tous les deux :
    Au-dessus de quelques autres excellences, nous
    Élevons pour les cultiver toutes les trouvailles
    De peu d’importance la/tranquillité de l’ordre
    (et si c’était la guerre) n’est que saloperie.
    Ça fait 23 signes et, même alignés, on ne peut en
    Ceinturer ton sein qui est infranchissable et
    Que tu caches toujours quand je suis sur le
    Point d’en associer la vue au plaisir de
    Savoir ce qu’il en incombe à ton regard.



    Denis Roche, La poésie est inadmissible* in Jean-Marie Gleize, « La figuration défigurative Denis Roche », Poésie et figuration, Éditions du Seuil, Collection Pierres vives, 1983, page 233.



    _____________________________
    * Il existe plusieurs textes de Denis Roche sous le titre « La poésie est inadmissible », soit sous une forme courte, soit sous une forme développée. Le premier texte, tel que publié dans Poésie et figuration de Jean-Marie Gleize (et en extrait ci-dessus), fut publié pour la première fois dans la revue Tel Quel (n° 31, automne 1967). Ce texte sera repris dans le recueil Le Mécrit, en position initiale, avec donc la valeur de point de départ d’une « démonstration », qui trouve son aboutissement avec le texte du « Mécrit » (1971), qui a donné son titre à l’ouvrage publié en 1972. Le second texte qui porte ce titre est la contribution de Denis Roche au recueil collectif Théorie d’ensemble, publié fin 1968 par le groupe Tel Quel ; il se compose de sept pages de « prose » théorique suivie de six séquences de vers. On y retrouve la formule développée en titre général d’une série de onze séquences de vers débutant tous par « La poésie est inadmissible. D’ailleurs elle n’/existe pas » (en caractères italiques), publiée pour la première fois dans n°4 (automne 1968) de la revue Manteia (1967-1982), également reprise dans Le Mécrit en 1972. C’est sous ce titre enfin que les œuvres poétiques complètes de Denis Roche ont été éditées en 1995 dans la collection de littérature contemporaine « Fiction & Cie » des éditions du Seuil (collection créée par Denis Roche en 1974 et que celui-ci a dirigée jusqu’en août 2004. Collection aujourd’hui dirigée par Bernard Comment). (AP, d’après une note de Jean-Marie Gleize)






    DENIS ROCHE


    Roche 3
    Denis Roche, Autoportrait au nu
    19 juillet 1978, Taxco, Mexique, hôtel Victoria, chambre 80.
    Source
    © musée nicéphore niépce




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Art Mag)
    une fiche bio-bibliographique sur Denis Roche
    → (sur le site de la revue Prétexte)
    un entretien (printemps 1998) avec Denis Roche





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  • Vivian Lofiego | Un temps que les femmes filent

    «  Poésie d’un jour  »




    Strudwick__a_golden_threadLes Trois Moires [A Golden Thread]
    par John Melhuish Strudwick (1849-1937),
    un peintre pré-raphaélite tardif, disciple
    de Burne-Jones.
    Huile sur toile,
    72,4 x 42,5 cm
    1885
    Tate Gallery, Londres





    UN TIEMPO QUE HILAN LAS MUJERES


    Un tiempo que hilan las mujeres
    antiguo como la sal, la piedra, la serpiente
    Tiempo que abre la puerta al teatro oscuro
    con su complejo diagrama de muertos y de vivos

    Convergiendo los hilos del futuro, del pasado
    preparando ansiosas en la noche
    la trama del mundo, la vida urdida
    calculando el punto
    ascendiendo y descendiendo

    La experiencia y el sentido
    olvidando los tapices
    polvo de las cunas vacías

    Extraña verticalidad
    hilvan en este tejido de palabras
    enumeraciones minuciosas
    suerte de confecciones hacia dentro

    Cuando el tiempo se detiene
    cuando la aguja detiene su ritmo
    y cada sombra toma posesión del cuarto

    Concentración religiosa de la pequeña araña que crea un nudo invisible en su lienzo
    hecho de un río de venitas transparentes

    Balanceándose como trapecista

    Final del principio
    Principio del final

    Las causas coincidiendo
    por errantes laberintos.

    Vivian Lofiego, Naturaleza inmóvil, Alción Editora, Córdoba, Argentine, 2003.




    UN TEMPS QUE LES FEMMES FILENT



    Un temps que les femmes filent
    ancien comme le sel la pierre le serpent
    Un temps qui ouvre la porte au théâtre obscur
    avec son diagramme complexe de morts et de vivants

    En croisant les fils de l’avenir et du passé
    Elles préparent anxieuses dans la nuit
    la trame du monde, la vie ourdie
    et calculant le point
    montant et descendant

    L’expérience et le sens
    oubliant les tapisseries
    poussière des berceaux vides

    Étrange verticalité
    bâtie dans ce tissu de mots
    énumérations minutieuses
    possible confection vers l’intérieur

    Lorsque le temps s’arrête

    Lorsque l’aiguille retient son rythme
    et que chaque ombre prend possession de la chambre

    La concentration religieuse de l’araignée
    crée un nœud invisible dans sa toile
    faite d’un fleuve de veinules transparentes

    Elle se balance comme un trapéziste

    Fin de l’origine
    Origine de la fin

    Les causes qui coïncident
    Dans les labyrinthes errants.


    Vivian Lofiego, Nature immobile, Première partie, in Pierre d’infini, L’Atelier des Brisants, Collection Les Sèvres de la foudre, 2005, pp. 19-20. Traduit de l’espagnol (Argentine) par Claude Couffon. Préface de Bernard Noël. Postface de Jean-Pierre Luminet.





    VIVIAN LOFIEGO

    Vivian Lofiego
    Image, G.AdC


    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    Vivian Lofiego/Elle portait une blessure au front ;
    – (sur Terres de femmes) Vivian Lofiego/
    De l’autre côté du rituel (poème extrait d’Obsidiennes de la nuit + bio-bibliographie) ;
    – (sur Terres de femmes)
    Vivian Lofiego/Les arbres multiplient leurs branches… ;
    – (sur Terres de femmes) le
    portrait de Vivian Lofiego dans la galerie Visages de femmes ;
    – (sur le site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Vivian Lofiego dans la Poéthèque (+ un poème inédit : L’Heure Bleue », 2007) ;
    – (sur le site de
    RFI) une interview de Vivian Lofiego (en espagnol) lors de la sortie de son ouvrage Pierre d’infini ;
    – une courte anthologie sur le site
    Poésie d’hier et d’aujourd’hui.



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  • Elizabeth Bishop | Invitation to Miss Marianne Moore

    «  Poésie d’un jour  »



    Invitation_to_miss_marianne_moore
    Source






    INVITATION À MISS MARIANNE MOORE



    From Brooklyn, over the Brooklyn Bridge, on this fine morning,
           please come flying.
    In a cloud of fiery pale chemicals,
           please come flying,
    to the rapid rolling of thousands of small blue drums
    descending out of the mackerel sky
    over the glittering grandstand of harbor-water,
           please come flying.


    Whistles, pennants and smoke are blowing. The ships
    are signaling cordially with multitudes of flags
    rising and falling like birds all over the harbor.
    Enter: two rivers, gracefully bearing
    countless little pellucid jellies
    in cut-glass epergnes dragging with silver chains.
    The flight is safe; the weather is all arranged.
    The waves are running in verses this fine morning.
           Please come flying.


    Come with the pointed toe of each black shoe
    trailing a sapphire highlight,
    with a black capeful of butterfly wings and bon-mots,
    with heaven knows how many angels all riding
    on the broad black brim of your hat,
           please come flying.


    Bearing a musical inaudible abacus ,
    a slight censorious frown, and blue ribbons,
           please come flying.
    Facts and skyscrapers glint in the tide; Manhattan
    is all awash with morals this fine morning,
           so please come flying.


    Mounting the sky with natural heroism,
    above the accidents, above the malignant movies,
    the taxicabs and injustices at large,
    while horns are resounding in your beautiful ears
    that simultaneously listen to
    a soft uninvented music, fit for the musk deer,
           please come flying.


    For whom the grim museums will behave
    like courteous male bower-birds,
    for whom the agreeable lions lie in wait
    on the steps of the Public Library,
    eager to rise and follow through the doors
    up into the reading rooms,
           please come flying.
    We can sit down and weep; we can go shopping,
    or play at a game of constantly being wrong
    with a priceless set of vocabularies,
    or we can bravely deplore, but please
           please come flying.


    With dynasties of negative constructions
    darkening and dying around you,
    with grammar that suddenly turns and shines
    like flocks of sandpipers flying,
           please come flying.


    Come like a light in the white mackerel sky,
    come like a daytime comet
    with a long unnebulous train of words,
    from Brooklyn, over the Brooklyn Bridge, on this fine morning,
           please come flying.




    Elizabeth Bishop, « Invitation to Miss Marianne Moore », in Poems of Brooklyn, New York University Press, 2007, pp. 53-54.







    Brooklyn_old_fulton_bis_2
    Ph. Angèle Paoli







    INVITATION À MISS MARIANNE MOORE


    De Brooklyn, au-dessus du pont de Brooklyn, par cette belle matinée,
          venez à tire-d’aile.
    Dans une nuée d’ardentes substances pâles,
          venez à tire-d’aile,
    au rythme du rapide roulement de milliers de petits tambours bleus
    descendant du ciel pommelé
    sur l’estrade miroitante de l’eau du bassin,
          venez à tire-d’aile.


    Sifflets, enseignes et fumée jaillissent. Les navires
    agitent en signaux cordiaux des multitudes de pavillons
    ondoyant comme des oiseaux partout au-dessus du port.
    Entrez : deux fleuves, portant avec grâce
    d’innombrables petites gelées pellucides
    dans des surtouts en cristal taillé draguant avec des chaînes d’argent.
    Le vol est sans danger, le climat garanti.
    Les vagues avancent en vers par cette belle matinée.
          Venez à tire-d’aile.


    Venez, avec le bout pointu de chaque soulier noir
    traçant un sillage de saphir,
    avec une cape noire emplie d’ailes de papillons et de bons mots,
    avec Dieu sait combien d’anges tous à califourchon
    Sur le large bord noir de votre chapeau,
          venez à tire-d’aile.
    Arborant un inaudible abaque musical,
    une moue un peu caustique, et des rubans bleus,
          venez à tire-d’aile.
    Faits et gratte-ciel luisent dans les flots ; Manhattan
    est inondé de morale par cette belle matinée,
           alors venez à tire-d’aile.


    Chevauchant le ciel avec un héroïsme naturel,
    au-dessus des accidents, des films malveillants,
    des taxis et des injustices en liberté,
    tandis que les klaxons résonnent à vos belles oreilles
    qui écoutent en même temps
    une musique tendre inédite, digne du porte-musc,
          venez à tire-d’aile.


    Vous pour qui les austères musées se conduiront
    en galants oiseaux de paradis,
    vous que les lions affables guettent
    sur les marches de la Bibliothèque publique,
    impatients de se lever et franchir les portes,
    pour vous suivre dans les salles de lecture,
          venez à tire-d’aile.
    Nous pourrons nous asseoir et pleurer; nous pourrons faire des emplettes.
    ou jouer au jeu de nous tromper sans cesse
    en maniant un fabuleux vocabulaire,
    ou nous pourrons gémir bravement, mais venez,
          venez à tire-d’aile.


    Avec des dynasties de constructions négatives
    qui s’assombrissent et meurent autour de vous,
    avec une grammaire qui soudain vire et brille
    comme des bandes de bécasseaux en vol,
          venez à tire-d’aile.

    Venez comme une lumière dans le ciel blanc pommelé,
    venez comme une comète diurne
    avec un long cortège de mots sans nébulosité,
    de Brooklyn, au-dessus du pont de Brooklyn, par cette belle matinée,
          venez à tire-d’aile.




    Elizabeth Bishop, Un printemps froid [A Cold Spring, 1953], Circé, 2003, pp. 63-67. Traduit de l’anglais par Claire Malroux.





    Brooklyn_4_2_bis
    Ph. Angèle Paoli




    Note : En 1948, The Quaterly Review of Literature demanda à Wallace Stevens, William Carlos Williams, mais aussi à Elizabeth Bishop – dont les liens qui l’unissaient à Marianne Moore étaient bien connus – un essai pour un numéro spécial consacré à celle-ci. Elizabeth Bishop y joignit L’Invitation ci-dessus qui parut en août 1948.
    Les « jellies » évoquent bien évidemment des méduses.






    South_street_looking_toward_brookly
    Source





    ELIZABETH BISHOP


    Elizabeth bishop
    Source



    ■ Elizabeth Bishop
    sur Terres de femmes

    8 février 1911 | Naissance d’Elizabeth Bishop (notice bio-bibliographique + un poème extrait de North & South)
    Crusoe in England (poème extrait de Géographie III)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    5 février 1972 | Mort de Marianne Moore
    → (sur Terres de femmes)
    Acrossing the river
    → (sur Terres de femmes)
    Claire Malroux | Soleil de jadis



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  • Monique Pietri | Marie-Ange Sebasti,

    Garder infatigablement les yeux ouverts

    «  Poésie d’un jour  »



    Monique_pietri_bis
    Ph.© monique pietri
    Avec l’aimable autorisation de l’auteur







        Garder infatigablement les yeux
    ouverts sur toute traversée, retenir
    ces fils tressés avec patience d’une
    rive à l’autre.



    Monique Pietri | Marie-Ange Sebasti, Villes éphémères, Jacques André éditeur, 2007, page 17.





    ■ Marie-Ange Sebasti
    sur Terres de femmes

    → une fiche bio-bibliographique [BIO-BIBLIO] sur Marie-Ange Sebasti
    → une petite anthologie poétique de
    Marie-Ange Sebasti
    Cette parcelle inépuisable (note de lecture d’AP)
    [Un chemin de silence a gonflé ton chargement de mots] (extrait de Cette parcelle inépuisable)
    Demain (extrait de Marges arides)
    → « 
    Notre héritage n’est pas forteresse »
    [On voudrait partager sans parole] (extrait de La Connivence du marchand de couleurs)
    Parlemente (extrait de La Porte des lagunes)
    Plage d’encre (extrait de Haute plage)
    Quand les îles pouffent de rire (extrait de Presque une île)
    Rue natale (extrait de La Caravane de l’orage)
    Une petite vieille en noir (extrait de Paroles pour une île)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ils étaient partis
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Marie-Ange Sebasti (+ un extrait de Paroles pour une île et de Corse, dans le chalut des jours)
    → (avec Monique Pietri)
    Bastia à fleur d’eau
    → (avec Monique Pietri)
    Villes éphémères (note de lecture)



    ■ Voir aussi ▼

    → le
    site de Monique Pietri





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  • Jeanne Bastide, Intimité de la lumière

    «  Poésie d’un jour  »



    Intimit_de_la_lumire
    D.R. Ph.







    ESSAI IV


    la lumière arrive frontale et pose une grande chape de silence amer / l’amertume c’est ce goût de silence quand la parole s’est terrée au fond de la bouche
    la lumière arrive / elle plie le jour à une mesure sans mesure / la lumière n’a pas de bord / ne borde pas / elle remplit ce qui n’a pas de forme et on la reconnaît à sa texture dans la gorge ou sur la peau / il y a des jours où on ne supporte plus son poids ni son regard trop profond / on va alors dans un intérieur et on rêve d’hirondelles sans envol / on plonge dans une ombre apaisante pour la parole et seul l’évitement a lieu / il ne reste que l’ivresse du ciel extérieur et la ligne d’horizon de la porte fermée / le jour grince et la mémoire s’affole / ne peut plus voyager / trop lourde/ la monnaie d’étincelles n’est plus qu’argent sans éclat / il faudrait un peu de silence gratuit / de la simple présence pour que le jour se lève et que ce soit l’aurore / il faudrait / il faudrait / on ne sait pas tous les désormais qui sommeillent en nous / comme nous ne verrons jamais la lumière en face sans peur de disparaître dans sa violence



    Jeanne Bastide, Intimité de la lumière, sérigraphies de Yves Picquet, Édition Double Cloche, 2007.






    JEANNE BASTIDE


    Jeanne Bastide
    Source




    ■ Jeanne Bastide
    sur Terres de femmes


    [comme si le temps] (poème extrait du Jour se déplie)
    La Fenêtre du vent (lecture d’AP, parue dans la revue Europe)
    Lucarnes (lecture d’AP)
    La nuit déborde (lecture de Michel Diaz)
    La nuit déborde (lecture d’Alain Freixe)
    Rouge enfance (lecture d’AP)
    [La petite fille du passé] (extrait de Rouge enfance)
    Un déjeuner de soleil (lecture d’AP)
    Un déjeuner de soleil (extrait)
    Un silence ordinaire (lecture d’AP)





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